Notes :
[1] A ce sujet, lire Philip Giraldi, « Rumors of War » (Foundation for strategic studies).
[2] L’Union européenne illustre la petite histoire favorite de Richard Holbrooke ; l’équipe de baseball de Charlie Brown (Peanuts) a été écrasée, et il s’étonne ; « comment pouvons-nous perdre quand nous sommes tellement sincères ? » (cité dans Foreign Affairs, may-june 2019).
[3] La lecture du livre de Philippe de Villiers, « J’ai tiré sur le fil du mensonge… » (Flammarion, 2018) interroge ; comment peut-il encore y avoir en France des rues, des lycées et des places qui portent le nom de ces deux collaborateurs au service de puissances étrangères, dont l’un a servi sous l’uniforme allemand, et qui tous les deux rendaient compte à Washington des débats stratégiques de leur Nation ?
[4] Quand Robert Kagan s’interroge sur le possible retour de la question allemande en Europe, il témoigne de l’inquiétude américaine devant l’inconscience géopolitique de l’Union.
[5] Voir la remarquable analyse de Charles et Louis-Vincent Gave, « Clash of Empires », Gavekal Books, January 2018.
[6] Cité dans « Pierre Manent, le regard politique », Flammarion, 2010.
lundi, 27 mai 2019
La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine
La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
On aurait pu penser que la Chine, très grande puissance voisine, aurait considéré ce succès avec circonspection. Modi a longtemps été proche des Etats-Unis et a accepté d'eux des aides militaires importantes. Aujourd'hui encore, il évoque le Cependant, ces dernières années, il s'était rapproché de la Chine, ainsi d'ailleurs que de la Russie, au sein d'une démarche géopolitique commune dans le cadre du Brics. Sa réélection satisfait les commentateurs politiques en Chine.
On y rappelle que Modi avait rencontré dans des sommets informel l'année dernière respectivement Xi Jinping à Wuhan et Vladimir Poutine à Sochi. Ils s'étaient respectivement rendu compte qu'ils pouvaient travailler ensemble de façon constructive. Modi avait par la suite compris qu'il pouvait très bien séparer la coopération économique de conflits politiques éventuels. Ainsi il avait rejoint récemment l'Asian Infrastructure Investment Bank malgré l'opposition des Etats-Unis et du Japon, tout en réaffirmant une politique stricte de non-alignement.
Lors des affrontements récents entre l'Inde et le Pakistan, Pékin avait joué un rôle modérateur apprécié en rappelant aux deux pays qu'ils pouvaient et devaient coopérer dans le domaine du commerce, de l'économie et de la lutte contre le terrorisme islamique, notamment comme membres l'un et l'autre de l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le développement constant du commerce entre l' Inde et Chine, Delhi diminuant progressivement son déficit, est un puissant facteur de rapprochement. Il en est de même de leur participation commune au sein du Financial Action Task Force , organisation internationale dont le siège est à Paris et dont l'objectif est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
On sait par ailleurs que la Chine et l'Inde partagent désormais des politiques communes de contrôle des naissance, afin d'éviter de voir leur population d'environ 1 milliard de personnes chacun, déjà excessive au regard des ressources actuelles, s'accroître encore. Ceci sera un puissant facteur de rapprochement en terme philosophique et religieux.
Une nouvelle fois, nous devons regretter que les Européens ne cherchent pas suffisamment à développer de liens politiques et économique « gagnants-gagnants » au sein du couple formé dorénavant par Delhi et Pékin. Ceci serait certainement bien accueilli de part et d'autre.
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dimanche, 26 mai 2019
L’Inde et les Nouvelles routes de la soie
L’Inde et les Nouvelles routes de la soie
« Le ciel et l’océan d’Asie sont assez grands pour que le dragon et l’éléphant dansent ensemble, ce qui amènera à une véritable ère asiatique », a dit un diplomate chinois à la Conférence sur les Nouvelles routes de la Soie à Bombay en 2017[1]. Démontrant ainsi l’importance pour la Chine d’une participation indienne qui légitimerait la devise de Xi Jinping : « l’Asie pour les Asiatiques ».
Il y a quelques années, la « One Belt One Road », a pris le nom de « Belt Road Initiative », afin de corriger l’impression d’une route unique qui courrait à travers l’Eurasie et l’Océan Indien[2]. Cette initiative est le plus souvent dénommée « Nouvelles routes de la Soie » en français. Il s’agit en réalité d’un réseau de coopération régional, initié par les Chinois, avec des projets d’envergure mondiale, qui devrait traverser 65 pays. Ces projets de connectivité et d’infrastructure cherchent à connecter la Chine à ses voisins asiatiques, et d’accéder à l’Europe via l’Asie Centrale et l’Océan indien. Pour ce faire, voies ferroviaires, routes et ports devraient être construits ou modernisés. Il s’agit en réalité de rassembler en un grand programme différentes initiatives qui lui précèdent. Pour autant, les discussions se font principalement sur un mode bilatéral[3].
L’Inde se trouve directement sur les Nouvelles routes de la Soie. Pour certains[4], il s’agit d’une opportunité pour l’Inde, qui serait à même de choisir les projets qui créeraient des bénéfices durables (notamment dans le Nord-Est de l’Inde), tout en rejetant ceux qui seraient entièrement à l’avantage de la Chine. « L’éléphant » serait en effet l’un des rares pays à avoir une économie et un régime politique suffisamment forts pour résister aux désirs hégémoniques du « dragon ».
Cette vue n’est néanmoins pas celle de la majorité des hommes politiques indiens, qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de cette poussée chinoise. En effet, les Nouvelles routes de la Soie menacent directement l’Inde sur son territoire, et semblent se resserrer en étau autour du pays. L’Inde attaque la Chine sur son manque de transparence avec le soutien européen, américain, et asiatique et africain dans une certaine mesure, mais il est peu probable que cela suffise, d’où le lancement d’initiatives indiennes et de coopérations dans la région.
I/ Un passage controversé par le Cachemire et un encerclement régional
Le projet est particulièrement controversé sur la partie nord-ouest de l’Inde avec le « China Pakistan Economic Corridor » (CPEC). Ce projet de couloir économique est constitué de prêts et d’investissements qui pourraient atteindre la somme de 60 milliards de dollars, sur une distance de 2700 km[5]. Ce réseau est un ensemble d’autoroutes, de lignes ferroviaires, d’oléoducs, de ports, et de parcs de technologie de l’information[6]. Il s’étend de la préfecture de Kashgar (dans la région chinoise du Xinjiang) jusqu’au port de Gwadar (province du Baloutchistan au Pakistan), permettant un accès à la mer d’Arabie. Or, ce couloir passe par un territoire indien et occupé illégalement par le Pakistan depuis de nombreuses années[7]. Si l’on peut considérer, comme le fait Talmiz Ahmad[8], que cela permettra de développer le Pakistan et donc de réduire les causes de l’extrémisme, il n’en demeure pas moins que la souveraineté de l’Inde est mise à mal, et cela renforce la position du Pakistan sur ce territoire. Il ne faut pas oublier que la Chine estime avoir droit au Ladakh, dans la région du Jammu et Cachemire, ce qui rend les Indiens d’autant plus soupçonneux vis-à-vis du CPEC. En outre, et nous y reviendrons, le risque persiste de voir les Chinois transformer ces installations civiles en base navale militaire.
Ce projet a rencontré de nombreuses critiques au sein même du Pakistan, notamment car il risque de réveiller des tensions entre le centre et les unités fédérées, mais aussi au sein mêmes des provinces. Cela est dû aux inégalités que le CPEC risque de causer en ce qui concerne le développement économique et la distribution des ressources[9]. Il est par ailleurs probable que le Penjab pakistanais soit le principal bénéficiaire des projets d’infrastructure et industriels, alors même qu’il s’agit déjà de la province la plus riche et la plus influente du pays sur le plan politique. Mais même là, les Penjabi résisteront sans doute à l’achat de leurs terres par l’Etat.
La situation au Baloutchistan semble tout aussi compliquée en raison des sentiments qui y règnent déjà d’une exploitation et d’un abandon de la part du pouvoir central. La province ne recevra en outre aucun des bénéfices directs du port de Gwadar, et la colère des habitants n’en devient que plus plausible, d’autant que la zone devient hautement militarisée et que les locaux sont déplacés et privés de leur lien vital à leurs terres. Le CPEC ne résoudrait donc en rien les problèmes considérés comme à la racine du problème extrémiste, contrairement à ce qu’espère Talmiz Ahmad, puisque cela pourrait, au contraire, accentuer les inégalités.
En vérité, le CPEC ne constitue que l’un des aspects de la menace chinoise pour l’Inde à travers ce projet. Six des pays voisins ont ainsi signé des accords avec la Chine : le Pakistan donc, mais aussi Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal, la Birmanie, et l’Afghanistan. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que l’Inde voie d’un très mauvais œil ce projet. Ces pays ont un réel besoin d’infrastructure, et apprécient une aide économique non-conditionnée par des engagements de gouvernance ou de transparence[10].
L’un des aspects qui inquiètent le plus l’Inde est en vérité la présence chinoise dans l’Océan Indien. Ses agissements en Mer de Chine méridionale, notamment la construction d’îles[11], pourraient être reproduits. Dans la mesure où Beijing a officiellement établi à Djibouti sa première base militaire à l’étranger en 2017[12], ces inquiétudes ont tendance à se confirmer. Ainsi, la crainte de voir le port de Gwadar se transformer en base navale militaire grandit. Des ports sont également construits en Birmanie, à Sri Lanka. Des sous-marins chinois ont même accosté au Pakistan et à Sri Lanka[13]. Le port sri lankais de Hambantota est d’ailleurs le parfait exemple de la stratégie chinoise : son emplacement stratégique, son financement chinois dont le remboursement est insoutenable pour le pays d’emprunt, et finalement la cession du port et de plus de 6000 hectares alentours pour 99 ans en 2017[14]. L’accord avec la Chine aurait en outre inclus un échange de renseignement dès le départ[15].
II/ Le gouvernement de Modi a fait appel au besoin de transparence et d’égalité
Pour faire face à ce défi, l’Inde a appelé à ce que les projets transnationaux suivent « des normes internationales universellement reconnues, l’Etat de droit, la transparence et les standards internationaux »[16] – une remarque qui fait clairement référence aux Nouvelles routes de la Soie. En effet, il devient évident que les projets sont unilatéraux : non seulement l’endettement envers la Chine n’est pas viable pour les pays ayant contracté des prêts, mais les transferts de compétences semblent inexistants puisque des travailleurs chinois sont envoyés sur place, n’offrant donc aucun emploi aux locaux[17]. En outre, des études de faisabilité au sujet du port sri lankais précité avait estimé que le port ne fonctionnerait pas, et se sont avérées juste puisque 34 bateaux seulement s’y sont rendus en 2012 (contre 3667 dans le port de Colombo, selon le rapport annuel du ministère des Finances cité par Maria Abi-Habib)[18]. Or, tandis que l’Inde avait refusé, la Chine a proposé des prêts, à des taux plus importants que n’importe quel autre prêteur[19]. Ces pratiques sont aussi considérées comme alimentant la corruption (notamment la campagne du président ayant accepté l’accord chinois dans le cas de Ceylan) et les comportements autocratiques dans des démocraties en difficulté[20].
Les reproches exprimés par l’Inde sont soutenus non seulement par l’Europe, mais aussi par les Etats-Unis, le Japon, et l’Australie. S’il est vrai que l’Italie et les pays de l’Est sont particulièrement courtisés par Pékin, toute l’Union européenne est concernée, et elle essaie actuellement de faire front commun[21].
Ces critiques sont également de plus en plus virulentes au sein des organisations internationales et des pays asiatiques et africains, qui commencent à résister à la Chine. Ainsi, au Bangladesh, China Harbour devrait être interdit de contrats futurs en raison d’accusations de corruption envers cette entreprise, qui aurait tenté de soudoyer un fonctionnaire au ministère des Routes[22]. De la même façon, la société-mère, China Communications Construction Company avait été interdite de participer à des projets de la Banque mondiale pour huit ans en 2009, après des actes de corruption aux Philippines[23].
Les accords avec la Chine commencent même à se retourner contre les gouvernements impliqués lors d’élections. En Malaisie, le nouveau Premier Ministre a été élu après avoir remis en cause les investissements chinois dans la campagne – et a annulé un projet de route ferroviaire à 20 milliards de dollars et plusieurs projets de gazoducs et d’oléoducs d’une valeur de 3 milliards de dollars[24]. Aux Maldives, le nouveau Ministre des Finances a remis en cause la préférence chinoise du Premier Ministre, et s’est tourné vers l’Inde[25]. En Afrique, enfin, certains pays annulent ou ralentissent les projets, à cause des énormes dettes qui les accompagnent[26].
L’aspect environnemental, souvent oublié, doit pourtant être pris en compte, et est source d’inquiétudes pour les ONG comme les think tanks : les projets proposés par la Chine auront en effet un impact considérable sur les zones concernées. Ceci est particulièrement vrai du fait que les principaux corridors d’infrastructure traverseront des espaces sensibles écologiquement, et les routes et voies ferroviaires vont mettre en danger les plantes et les animaux des écosystèmes aux alentours. Plus de 265 espèces en danger seraient affectées, et l’accès à des zones reculées jusqu’ici pourrait augmenter le risque de braconnage[27]. Les nouvelles routes de la Soie seront, en outre, un moyen pour la Chine d’exporter une économie qui s’appuie sur les énergies fossiles[28] – dont on connaît déjà les effets néfastes. Pour autant, le pays produit également nombre de technologies liées aux énergies renouvelables, terrain sur lequel elle est en compétition directe avec l’Inde. Le gouvernement Modi a d’ailleurs imposé des taxes à l’importation des panneaux solaires chinois, mais cela ne suffira sans doute pas, là encore, à contrer son rival.
III/ L’Inde doit, pour faire face au désir d’expansion chinoise, créer ses propres projets de coopération
Il est évident, au regard du défi qui se pose à l’Inde, qu’elle doit réagir. S’il est vrai que ses voisins cherchent à contrebalancer les deux puissances, ils semblent aujourd’hui se détourner du projet chinois, et cela peut constituer une opportunité pour la République indienne.
Le Japon, les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore les Emirats arabes unis ont démontré un intérêt à travailler avec l’Inde en Afrique, afin de contrer la Chine et d’éviter l’endettement de ces pays[29]. Une coopération avec le Japon, en particulier, semble se développer, à travers le Asia Africa Growth Corridor. Ils pourraient notamment travailler ensemble sur des projets en Birmanie, à Sri Lanka et au Bangladesh[30].
L’Inde pourrait également investir davantage dans le groupe BIMSTEC (Bay of Bengal Initiative for Multi-Sectoral Technical and Economic Cooperation). Etabli en 1997 avec l’intention d’organiser des sommets tous les deux ans, il n’a pourtant vu que trois sommets en deux décennies. Le contexte géopolitique régional a néanmoins relancé une certaine dynamique au sein de ce groupe régional, qui inclue l’Inde, le Bangladesh, le Boutan, la Birmanie, le Népal, Sri Lanka et la Thaïlande. Les secteurs de coopération sont nombreux, puisqu’ils comprennent le commerce, la technologie, l’énergie, le transport, le tourisme, la pêche, l’agriculture, la santé, la lutte contre la pauvreté, le contre-terrorisme, l’environnement, la culture, les contacts entre les peuples et le changement climatique[31]. Des programmes tels la voie ferroviaire trilatérale entre l’Inde, la Birmanie et la Thaïlande et le projet Kaladan, qui permet un accès à la mer pour les États du nord-est de l’Inde via Myanmar, par exemple, doivent encore être finalisés[32]. Il faudra pour cela parvenir à convaincre le Népal et la Thaïlande, qui n’ont pas voulu envoyer plus que des observateurs au premier exercice militaire du groupe afin de ne pas contrarier la Chine[33], que cette coopération est également dans leur intérêt.
Il est tout aussi crucial pour l’Inde de s’assurer que les régions isolées du sous-continent soient mieux connectées à l’ensemble du pays. En effet, un certain nombre de capitales des États du nord-est ne bénéficient ni de ligne ferroviaire pour accéder à leur capitale[34], ni internet : seule 35% de la population de ces États aurait accès à internet[35]. Ainsi le gouvernement a annoncé en 2017 son intention de construire l’« Himalayan rail-express », une ligne ferroviaire rapide qui devrait relier Leh (Jammu et Cachemire) à Hawai (Arunachal Pradesh)[36]. La région du Ladakh au Cachemire fait elle aussi l’objet d’influences chinoises, par la voie de la restauration de monastères bouddhistes, méthode qu’elle emploie également au Tibet[37]. Il faut noter que la visite du Dalai Lama en Arunachal Pradesh a causé des remous[38], et il n’est pas impossible que ce haut lieu du bouddhisme tibétain (où le sixième Dalai Lama est né) fasse l’objet de tentatives d’actions similaires à celles dévoilées au Cachemire.
Dans un tel contexte de tensions et de jeux d’influence, il est aisé de comprendre les réticences de l’Inde vis-à-vis du projet chinois des Nouvelles routes de la Soie. Cette initiative apparaît de plus en plus clairement comme unilatérale, au seul avantage de la Chine. Il est vrai que cette dernière essaie d’impliquer l’Inde, ce qui lui permettrait d’éviter la confrontation. Mais le rival historique ne semble pas près de se laisser convaincre, pour les multiples raisons que nous avons pu évoquer, et qui concernent sa sécurité sur les plans internes comme externes. Dans ce contexte, la coopération avec ses voisins tout comme avec d’autres puissances semble primordiale pour l’Inde.
Cela ne signifie pas une confrontation directe entre les deux puissances asiatiques – elles auraient toutes deux beaucoup à perdre. Elles travaillent d’ailleurs ensemble sur d’autres projets : c’est le cas en Afghanistan. En octobre 2018, elles ont ainsi lancé un programme de formation pour des diplomates afghans, et cela devrait être suivi d’autres projets[39].
[1] AHMAD Talmiz, « India needs to take a fresh look at the Belt and Road Initiative Proposal », The Wire, 2 juillet 2018.
[2] Art. Cit.
[3] BARUAH Darshana M. , « India’s answer to the Belt and Road: A Roadmap for South Asia », Carnegie India, 21 août 2018.
[4] SHAHANE Girish, « India stands to gain the most and risks the least by joining China’s One Belt One Road initiative », Scroll.in, 14 juillet 2018
[5] International Crisis Group, « China-Pakistan Economic Corridor: Opportunities and Risks », Rapport n°297, 29 juin 2018.
[7] Ibid.
[8] AHMAD Talmiz, art. cit.
[9] International Crisis Group, doc. cit.
[10] MARLOW Iain, LI Dandan, « How Asia Fell Out of Love With China’s Belt and Road Initiative », Bloomberg, 10 décembre 2018.
[11] COURMONT Barthélémy, « Mais que se passe-t-il en mer de Chine méridionale ? », IRIS, 27 août 2018.
[13] Ibid.
[14] ABI-HABIB Maria, « How China Got Sri Lanka to Cough Up a Port », New York Times, 25 juin 2018.
[15] Art. cit.
[16] SIROHI Seema, « India-US-EU Combine Halts China’s Belt and Road Initiative at the UN », The Wire, 12 décembre 2018.
[17] Art. cit.
[18] ABI-HABIB M., art. cit.
[19] Ibid.
[20] Ibid.
[21] RFI, « L’Europe s’interroge sur sa position face aux ambitions économiques de la Chine », 23 mars 2019.
[22] Art. cit.
[23] Ibid.
[24] MARLOW I., LI D., art. cit.
[25] Ibid.
[26] CHAUDHURY Dipanjan Roy, « Europe, Japan, US, UAE prefer India for joint infrastructure projects in Africa », Economic Times, 24 novembre 2018.
[27] LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018.
[28] Doc. cit.
[29] CHAUDHURY D.R., art. cit.
[30] SINGH Gurjit, « India, Japan and the Asia Africa Growth Corridor », Gateway House, 17 janvier 2019.
[31] India Today Web Desk, « What is BIMSTEC summit? Facts you need to know », India Today, 30 août 2018.
[32] HUSSAIN Nazia, « Can BIMSTEC Finally Become Relevant? », The Diplomat, 2 novembre 2018.
[33] HAIDAR Suhasini, PERI Dinakar, « BIMSTEC embarrassment for India », The Hindu, 11 septembre 2018.
[34] HAIDAR Faizan, « By 2020, capitals of all northeastern states to have rail connectivity », Hindustan Times, 10 mai 2018.
[35] KALITA Prabin, «Northeast states lag behind in internet, mobile connectivity », Times of India, 18 décembre 2018.
[36] BARUAH D. M., Ibid.
[37] PATIL Sameer, « China targets India’s Ladakh », Gateway House, 21 juin 2018.
[38] Press Trust of India, « Dalai Lama’s Arunachal Pradesh visit negatively impacts border dispute, says China », Economic Times, 12 juillet 2018.
[39] MIGLANI Sanjeev, « India, China launch joint training for Afghanistan, plan more projects », Reuters, 15 octobre 2018.
Références
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samedi, 25 mai 2019
Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?
Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?
« La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»
Vladimir Poutine, mai 2017
« L’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes »
Carl Schmitt, 1942
Au cœur de la stratégie politique et commerciale internationale de la Chine depuis 2013, le système multi-vectoriel de projets des nouvelles routes de la soie (appelé officiellement Belt and Road Initiative, BRI1 depuis mai 2017), qui souhaite connecter les économies chinoises, européennes, africaines et centre-asiatiques par une densification des réseaux d’infrastructures de transports et de communication, se concrétise chaque jour un peu plus sérieusement. Avec ses différents volets (construction d’infrastructures terrestres et maritimes, coopération économique, énergétique et sociétale), c’est sans doute l’entreprise la plus ambitieuse au monde et, au vu du potentiel de développement économique et des implications géopolitiques qu’elle comporte2, elle suscite de plus en plus de partenariats.
Le 9 avril dernier s’est ainsi tenu à Bruxelles le 21ème sommet Chine-Union Européenne, occasion pour l’UE de déterminer une position commune vis-à-vis de la BRI et de discuter des synergies possibles avec son plan européen de connectivité Europe-Asie4, alors que, l’une après l’autre, les nations européennes signent bilatéralement des engagements dans le projet5.
Bien plus que les timides rapprochements des Européens, c’est la perspective de l’édification d’un axe Moscou-Pékin autour de cette initiative qui soulève les analyses géopolitiques les plus audacieuses : Ressurgirait la vieille menace, préfigurée par Mackinder en 1904 dans les propos concluants son « Pivot géographique de l’histoire »6, d’une Chine qui offrirait aux ressources immenses du continent une large façade océanique (ce qui caractérisait pour lui le véritable « péril jaune » menaçant la liberté du monde). En somme un « empire terrien eurasiatique » dominant le Heartland pourrait émerger et reléguer les puissances maritimes occidentales au second rang dans la rivalité générale pour la domination mondiale.Un tel traitement nous ramènerait aux fondamentaux de la discipline par une réappropriation de la dialectique Terre-Mer pour analyser le phénomène routes de la soie. Elle fascine toujours autant de par sa dimension symbolique et son caractère quelque peu réducteur, la rendant accessible au plus grand nombre.
Cela dit, il est vrai que depuis 2014 Russie et Chine ont opéré un rapprochement bilatéral notable7 et coopèrent de plus en plus activement au travers de la BRI : ainsi en mai 2015 fut-il décidé que l’initiative d’intégration continentale portée par la Russie, l’Union économique eurasiatique (UEE), y soit raccordée8 et en novembre 2017 la « route maritime du Nord » est devenue un des corridors de la BRI9. On relève aussi l’imbrication de l’initiative avec le développement de la coopération sino-russe au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS)10.
De facto, une certaine unification continentale dans l’espace eurasiatique semble donc s’esquisser11. Ceci pourrait alors confirmer la portée heuristique persistante de la clé de lecture Terre-Mer. Mais c’est surtout lorsque l’on entre dans une géopolitique des perceptions que cette dialectique conserve sa pertinence : Il existe en effet un paradigme géopolitique affirmant explicitement la nécessité pour la Russie de briser l’hégémonie des puissances maritimes et de reconstituer une unité politique sur la masse continentale eurasiatique, notamment en développant un partenariat stratégique avec la Chine. Cette vision est portée par les auteurs constituant le mouvement d’idée du néo-eurasisme12. C’est une doctrine très en vue en Russie mais aussi dans d’autres États d’Asie Centrale, notamment au Kazakhstan où l’(ex-)président Nursultan Nazarbaev la soutient explicitement13.
Parmi les différents faisceaux composant le mouvement néo-eurasiste, un auteur se distingue : Alexandre Douguine14. Sa pensée, bien que plus marginale aujourd’hui, a connu ses heures de gloire et continue d’inspirer une partie des élites dirigeantes russes, tout en nourrissant bien des fantasmes chez les commentateurs étrangers15. S’il est issu de la pensée eurasiste classique, il y adjoint des filiations intellectuelles peu habituelles qui singularisent ses propositions, les amenant dans un registre métapolitique, métahistorique et culturaliste : Le monde des phénomènes n’est pour lui que le reflet des puissances archétypales qui le meuvent depuis l’invisible et sa pensée s’inscrit dans la bataille gramscienne16 pour l’« hégémonie culturelle »17.
Les analyses ne manquent pas pour venir questionner les convergences et les limites des projets russes et chinois au-regard des ambitions géopolitiques eurasistes, mais elles s’inscrivent généralement sur des plans stratégique, économique, financier, juridique. Dans cette étude, nous souhaiterions sortir de l’empire des faits pour plonger plus profondément dans le monde des idées. Nous proposerons une lecture du phénomène nouvelles routes de la soie à travers le prisme de la doctrine géopolitique d’Alexandre Douguine, en essayant de nous approprier son discours original, structurant la vision-du-monde de certains acteurs impliqués dans le complexe de la BRI.
Nous nous demanderons donc si la Belt and Road Initiative participe de la constitution d’un bloc continental eurasien face à la thalassocratie atlantiste compatible avec les fondamentaux proposés par Alexandre Douguine pour la politique étrangère russe.
Nous exposerons synthétiquement les contenus de la doctrine géopolitique douguinienne et nous verrons que si les projets de la BRI s’inscrivent bien dans un renversement de la hiérarchie des puissances à l’échelle globale marqué par une revalorisation de l’« île mondiale » – donc à un balancement au profit de la Terre –, l’initiative pourrait constituer, sur un plan plus culturaliste, une submersion du continent par la Mer.
Les fondamentaux de la géopolitique d’Alexandre Douguine : la dialectique Terre-Mer revisitée par la « pensée de la Tradition »
Alexandre Douguine s’inscrit dans une filiation géopolitique a priori classique, à la suite de Ratzel (1882, 1900), Mahan (1892), Castex (1935), Mackinder (1904), Spykman (1944), puisqu’il reprend la récurrente opposition Terre-Mer : « La civilisation thalassique, anglo-saxonne […] serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne »19, et le cœur de leur affrontement serait le contrôle du Rimland20. Il a surtout hérité des conceptions allemandes, adoptant un prisme foncièrement culturaliste21 : Il associe comme intrinsèques à la civilisation thalassique les attributs de « protestante, d’esprit capitaliste » tandis que la civilisation continentale serait « orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste ». Il figure parmi les tenants d’une approche plutôt déterministe de cette dichotomie, prise non seulement comme clé de compréhension de la politique au niveau global mais aussi comme véritable « explication de l’histoire ». C’est là toute l’originalité de notre auteur, puisqu’il établit un parallélisme entre cette dichotomie, devenue classique en géopolitique, et la dialectique Tradition-Modernité.
Ce second couple conceptuel n’est pas appréhendé selon ses présentations dans la littérature anthropologique ou sociologique, mais entendu selon l’acception originale portée par une école parfois qualifiée de « pensée de la Tradition »22 qui présente des catégories de pensée très éloignées de celles que l’on rencontre habituellement dans le monde académique contemporain et déployée à la suite de l’œuvre du Français René Guénon. La Tradition renvoie chez ces auteurs « traditionistes »23 à une « Sagesse Éternelle » (Sophia Perennis), une connaissance sacrée, immuable et transcendante transmise aux hommes depuis l’origine de l’humanité. Cette Tradition connaîtrait cependant nécessairement un processus d’obscurcissement à travers les âges (afin que toutes les possibilités de l’Être se manifestent, même les plus inférieures), l’avènement du monde moderne correspondant selon eux à la dernière étape de cette dégradation, une ère chaotique précédent la résorption du monde dans l’incréé – ce que l’on retrouve dans les traditions spirituelles comme étant la « fin des temps ». Pour de tels auteurs, la politique ou l’histoire n’ont de sens qu’en tant qu’elles révèlent l’incarnation de principes métaphysiques – ou archétypes – c’est pourquoi nous évoquions en introduction les termes de métapolitique24 et de métahistoire.
Douguine reprend ces conceptions et s’inscrit parmi ces auteurs traditionistes : Chez lui, la puissance maritime « atlantiste » représenterait les forces de dissolution entraînant le monde moderne vers le chaos, tandis que l’Eurasie aurait pour vocation d’être le bastion de la Tradition, le katechon paulinien25 résistant à la venue des Temps. Ainsi dans son œuvre « l’eschatologie se mêle à la géopolitique », puisqu’il la déploie à partir de postulats visant à se positionner politiquement en fonction des fins dernières de l’homme et des entités politiques. Ce prisme métaphysique l’amène à étudier la politique, l’histoire ou la géographie seulement à travers les principes supérieurs qu’elles incarnent. La Russie et les puissances eurasiatiques deviennent l’incarnation de l’archétype structurant « Terre » (Béhémoth), représentant la Tradition, tandis que les stratégies des États-Unis et de leurs alliés sont lues comme faisant le jeu de l’archétype dissolvant « Mer » (Léviathan), associé aux idéologies modernes. Depuis ces postulats, Douguine propose de « constituer un grand bloc continental eurasien » (versant géopolitique) qui se veut « une force intégratrice, un esprit de renaissance »26 (versant eschatologique) en vue d’édifier un modèle multipolaire pour le système international.
Afin de réaliser cette ambition il propose dès les années 1990, en tant qu’« impératif stratégique majeur » pour la Russie, d’intégrer les pays de la CEI dans une Union Eurasienne fédéraliste : « une seule formation stratégique, unie par une seule volonté et par un seul but de civilisation commune »27. À partir de cette base, il appelle cette entité eurasienne à se rapprocher de ses « partenaires naturels » car en situation de « complémentarité symétrique » avec la Russie : UE, Japon, Iran, Inde. Ceux-ci pourraient devenir de véritable « sujets » des Relations internationales et de la mondialisation s’ils participaient à la sortie du système uni-polaire américano-centré (dans lequel ils n’en seraient que des « objets ») pour construire ensemble la multipolarité. Leur partenariat avec la Russie serait pour Douguine gagnant-gagnant, un renforcement mutuel, étant donné qu’ils ont chacun des éléments vitaux à échanger. D’autres formations géopolitiques intéressées par la multipolarité seraient ensuite encouragées à appuyer ce projet de ré-agencement du système international : Chine, Pakistan, pays arabes… alors que le Tiers-Monde serait plutôt partagé en zones d’influence pour des champions régionaux (le Pacifique constituerait la zone d’influence nippone, l’ Afrique la zone d’influence européenne… ici aussi on retrouve l’influence de l’école géopolitique allemande et des pan-ideen de Haushofer). La thalassocratie étasunienne serait quant à elle refoulée dans l’espace américain (sa zone d’influence naturelle). Ainsi aurait-on des entités géopolitiques puissantes avec leurs zones d’influences propres et un certain équilibre entre les pôles. Cet équilibre multipolaire permettrait alors à la puissance tellurique de laisser se redéployer la Tradition.
La question que nous poursuivons ici est de savoir si la BRI serait pour Douguine un vecteur potentiel pour ses propositions. Participe-t-elle de l’élan vers la « multipolarité traditionnelle » qu’il appelle de ses vœux ? Voyons alors quels élément dans les projets des nouvelles routes de la soie peuvent être décryptés comme participants des ambitions telluriques néo-eurasistes de réagencement du système international dont nous connaissons maintenant les fondamentaux.
La BRI, facteur d’intégration eurasiatique dans le cadre d’une redistribution globale des cartes de la puissance : quelle compatibilité avec le projet multipolaire néo-eurasiste ?
Vers la multi-polarisation
De prime abord, on peut considérer la BRI comme s’inscrivant dans une stratégie d’émancipation de l’uni-polarité américano-centrée. Comme évoqué en introduction, la BRI vise à développer des lignes de communication routières, ferroviaires et maritimes pour relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique orientale, via l’Asie Centrale, le Caucase, la Russie, l’Iran, la Turquie… Couplée avec les initiatives menées dans l’OCS et l’UEE, l’initiative s’imbrique donc dans une stratégie générale d’intégration du Rimland avec la masse eurasiatique29, passant outre les instances multilatérales et les canaux de communications ouverts et normés par les États-Unis.
Ces ambitions pourraient donc bien conduire à la définition de normes non-américaines ou non-occidentales30. On le voit par exemple dans le système d’institutions financières élaboré pour financer les projets de la BRI : Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, Fonds Routes de la soie, Nouvelle banque de développement des BRICS, associés à un appel aux fonds souverains des États impliqués dans le projet et aux banques commerciales, les projets se financeraient hors de l’orbite de la Banque mondiale (présidée depuis 1944 par un Américain) et du Fonds monétaire international, symboles de la domination internationale des normes américaines.
Vers la re-continentalisation
L’économie mondiale est à l’heure actuelle essentiellement dépendante des flux maritimes. Cette maritimisation des flux a conduit à une littoralisation des activités de production et donc de la démographie mondiale. En effet, puisqu’il faut exporter via les ports, les entreprises se sont rapprochées des côtes, entraînant alors des mouvements de population à la recherche d’emplois. La BRI, en faisant la part belle aux tracés terrestres, pourrait participer d’une re-continentalisation des supports logistiques de l’économie mondiale et, ce faisant, d’une re-continentalisation de ses pôles de productions.
C’est notamment le vecteur ferroviaire qui semble le plus porteur, grâce à une capacité d’emport supérieure et un coût inférieur de 80 % au transport aérien, pour des échanges deux fois plus rapide que par voie maritime31. Si 7500 conteneurs ont transité sur des trains intercontinentaux en 2012, l’objectif est de porter ce nombre à 7.500.000 pour 2020. Pour profiter de ces flux logistiques, de grandes entreprises telles Hewlett Packard ou Ford se sont déjà délocalisées depuis les côtes chinoises vers l’intérieur des terres pour se positionner sur ces lignes de trains prometteuses32.
Compatibilité de la BRI avec le projet néo-eurasiste : Multipolarité et continentalité ne suffisent pas, l’aspect culturel demeure le plus important
Ces dimensions, « terrestre » et multipolaire, semblent faire entrer la BRI en résonance avec les ambitions du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. À l’occasion du Belt and Road Forum de mai 2017, Vladimir Poutine a pu adopter la rhétorique néo-eurasiste en affirmant que grâce à des «formats d’intégration tels que la CEEA, l’OBOR, l’OCS et l’ASEAN, nous pouvons bâtir les bases d’un partenariat eurasien plus vaste» offrant une «occasion unique de créer un cadre de coopération commun qui va de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, pour la première fois dans l’histoire». Il ajoute «La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»33.
Pour autant, même si la BRI renforçait l’organisation multipolaire du système international, et à supposer que la Chine laissera une place à la Russie dans ce nouvel ordre malgré l’asymétrie de leur relation, cela ne toucherait pas l’essence du projet néo-eurasiste. Car, au vu de ce que nous avons esquissé plus haut concernant la pensée traditionnelle, dans la philosophie archétypale douguinienne ce n’est pas la forme qui importe mais le fond, l’esprit. Aussi sa critique de l’uni-polarité thalassocratique ne concerne pas tant la maritimisation de l’économie mondiale que l’esprit maritime qui uniformiserait le monde. C’est pourquoi même si on assistait au reflux de la thalassocratie américaine par la multi-polarisation du système international et à une re-continentalisation de l’économie et de la démographie, une maritimisation culturelle du continent pourrait avoir lieu (un changement du « morphotype » sans modification du « psychotype »).
Cet esprit maritime est caractérisé par Carl Schmitt, l’une des racines intellectuelles d’Alexandre Douguine, qui veut montrer (selon Alain de Benoist, préfaçant la dernière édition de Terre et Mer de Schmitt) la relation logique entre la vie maritime et le libre-échangisme, le capitalisme, le libéralisme, l’individualisme, le parlementarisme, le droit-de-l’hommisme, le constitutionnalisme34… De plus, la « société liquide » (Bauman, 2000) trans-nationaliste créée par la civilisation océanique marchande amènerait peu à peu au délitement du politique, à l’enfoncement dans le fluctuant, le mouvant, le nomade, le réticulaire, le transitoire, à la fragmentation des identités et des sociétés dans l’homogénéité des flots35. Ce sont ces caractéristiques qui sont accolées chez Douguine à la thalassocratie et à la modernité. Le combat eurasiste ne serait donc pas gagné si cette mentalité continuait de s’imposer aux esprits. La multipolarité sans le souffle de la Tradition et la verticalité de la Terre ne serait pas plus souhaitable pour le néo-eurasiste que le système actuel.
Or la BRI est imprégnée à un certain niveau par cette mentalité moderniste : esprit marchand, capitalistique, libre-échangiste et faisant une large place aux marchés financiers ; réticulation de l’espace eurasien, recherche de la vitesse, du mouvement transfrontalier plutôt que de l’ancrage (les marchandises, les capitaux, les travailleurs seront amenés à migrer) ; le tout étant porté par une Chine maoïste, et donc héritière des idées révolutionnaires de 1789, athée, technocratique, pragmatique.
Bien évidemment, les dimensions libérales et constitutionnalistes qui termineraient de caractériser l’esprit maritime sont absentes. Nous sommes essentiellement face dans l’espace eurasien à des puissances (semi-)autoritaires, des démocratures (Max Liniger-Goumaz, 1992) pour qui la souveraineté, le politique, l’Ordre et l’identité (caractéristiques telluriques) sont encore des valeurs importantes (c’est pourquoi Douguine accorde une certaine dimension « traditionnelle » à l’idéologie socialiste, pourtant moderne36). Néanmoins, si l’on suit les auteurs de tendance contre-révolutionnaire, l’esprit moderne-maritime s’est imposé en Occident parce qu’une caste marchande transnationale a pu se constituer et se renforcer jusqu’à s’imposer politiquement pour ensuite dissoudre peu à peu cet ordre politique. Aussi la BRI pourrait-elle donc être l’ouverture nécessaire à la constitution d’une telle caste dans l’espace eurasiatique qui viendrait à terme renverser les valeurs telluriques prônés par Douguine.
Conclusion
Nous avons eu pour but dans cette étude de caractériser le projet des nouvelles routes de la soie au regard de la dialectique Terre-Mer « pérennialiste » d’Alexandre Douguine, qui peut être prise comme un croisement des pensées de Carl Schmitt et de René Guénon. La question était donc de savoir si ces projets constituaient une opportunité pour l’acheminement vers un système international multipolaire accompagné d’une réaffirmation des principes telluriques traditionnels dans l’ordre international – une « domination culturelle » de Béhémoth – ou au contraire s’ils favorisaient l’ouverture vers une diffusion de la mentalité thalassique et moderniste à tout l’espace eurasiatique – le « triomphe » de Léviathan.
Nous avons vu que la coopération stratégique sino-russe autour de la BRI, dans l’hypothèse où la Chine maintiendrait un partenariat équitable envers la Russie, pourrait conduire à une multi-polarisation du système international, avec un continent eurasiatique autonome vis-à-vis de la thalassocratie étasunienne, ce qui constitue le premier versant (géopolitique) du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. Cependant, si l’on considère les choses en profondeur et d’un point de vue culturel, l’initiative pourrait porter les germes de l’esprit moderne-maritime qu’il pourfend, le versant eschatologique de son projet serait alors condamné. En vue de constituer ce front de la Tradition37 qu’il appelle de ses vœux, son combat pour l’hégémonie culturelle ne s’arrêterait pas là, il lui faudra encore proposer un modèle permettant d’intégrer les tendances marchandes modernes dans un ordre tellurique politique traditionnel à l’échelle continentale et de maintenir les ancrages identitaires des peuples eurasiatiques.
Ainsi, au regard des fondamentaux de la vision douguinienne, nous pensons que les projets de la BRI pourraient caractériser une véritable croisée des chemins pour les Relations internationales : En effet, l’initiative porte en elle l’opportunité de voir se réaffirmer un ordre du monde basé sur des principes différents de ceux de la mentalité moderne occidentale, tout en comportant le risque de voir cette mentalité se diffuser rapidement au sein du « cœur du monde ». Au-delà même de la perspective eschatologique supportée par Douguine, nous pouvons y voir un réel enjeu en matière de diversité culturelle mondiale : la tension entre différentialisme et uniformisation, représentée chez Schmitt ou Douguine par le combat entre Béhémoth et le Léviathan (la Terre et la Mer au plan non plus géographique mais presque purement mental), est bien réelle !
***
Au delà de cette étude particulière, l’influence de Douguine sur la politique mérite selon nous d’être questionnée et étudiée, cet auteur connaissant une visibilité certaine tant en Russie que dans certaines mouvances idéologiques ouest-européennes. Cependant, si son discours géopolitique rencontre un certain écho et peut emporter l’adhésion parmi les élites russes, l’aspect « gnostique » de ses théories reste bien plus marginal (car estimé irrationnel, idéaliste, hors des critères de la pensée moderne, ou incompris, de par sa difficulté d’accès pour le grand public). Aussi est-il probable que si en apparence le néo-eurasisme et la politique étrangère russe convergent, le dessein recherché soit tout autre : D’un côté nous aurions une politique étrangère réaliste, somme toute moderne bien que conservatrice mais utilisant par opportunité la rhétorique néo-eurasiste, de l’autre une vision traditionnelle métaphysique dont les ambitions ne sont portées que par une minorité restreinte. Nous pensons toutefois que des études politologiques sur l’influence de sa pensée dans le champ des idées et des mouvements politiques serait pertinentes.
Sur un plan plus théorique, une étude conceptuelle sérieuse du couple Tradition-Modernité, confronté avec la réalité empirique, pourrait également offrir selon nous une clé herméneutique intéressante pour la discipline géopolitique, cette dialectique entendue dans son sens guénonien renvoyant à des double-mouvements (différenciation-uniformisation, conservatisme-progressisme, ancrage-nomadisme…) que l’on peut retrouver au cœur de la plupart des rivalités de puissance dans l’espace mondial.
Notes:
1 En chinois, le programme s’intitule Yidai yilu, « Une ceinture, une route » (« One Belt One Road », OBOR). En anglais, l’expression officiellement utilisée par Pékin est toutefois Belt and Road Initiative (BRI).
2 Pour une présentation synthétique du projet, voir notamment : LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.
3 Visible sur : « First Chinese Train Arrives in Tehran to Revive Silk Road », Strategic Demands Online, 15 février 2016. URL: https://strategicdemands.com/eurasia-newsilkroad/
4 Voir « 21e sommet Chine Union Européenne: vers plus de connectivité ! », OBOReurope, 11 avril 2019.
URL: https://www.oboreurope.com/fr/21e-sommet-chine-union-euro...,consulté le 11 avril 2019.
5 Ont déjà été signés des memorandums ou accords d’intégration entre la RPC et le Luxembourg, l’Italie, la Grèce, le Portugal, mais aussi la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie ou Monaco. La Deutsche Bahn s’implique aussi financièrement, notamment par des investissement sur la principale ligne ferroviaire Pologne-Chine Voir « Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 (URL : https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/, consulté le 11 avril 2019) et CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017 (URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d..., consulté le 8 avril 2019).
6 MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437, p. 437 pour ces propos.
7 Voir BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017.
URL : https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-... consulté le 9 avril 2019.
8 Voir ALEXEEVA Olga, « Le partenariat stratégique Chine-Russie : une alliance durable ? », Areion 24 news, 25 janvier 2019.
URL : https://www.areion24.news/2019/01/25/le-partenariat-strat... consulté le 9 avril 2019.
9 Voir « La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017 (URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/, consulté le 10 avril 2019). Voir aussi BRUNEAU Michel, L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet, Paris, CNRS éditions, 2018, pp. 294-295.
10 Laquelle a une réalité géopolitique conséquente : elle vise à faire coopérer politiquement des pays représentants 2.758.000.000 d’habitants, 38% des approvisionnements en gaz naturel, 20% du pétrole, 40% du charbon et 50% de l’uranium disponibles sur la planète. Voir DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 (URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles..., consulté le 4 avril 2019)
11 BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. URL : http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3..., consulté le 6 avril 2019.
12 L’expression néo-eurasisme distingue ces auteurs du mouvement d’idées qualifié d’eurasisme classique, héritier du mouvement slavophile du XIXème siècle et qui finira par se rapprocher de la « révolution conservatrice » allemande. Pour l’histoire intellectuelle de ces mouvements, voir notamment : MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages ; DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages (particulièrement pp. 49-68 et 95-106) ; SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages (particulièrement pp/ 287 et ss.).
13 LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94.URL: https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2, consulté le 5 avril 2019.
14 Philosophe, géopoliticien, écrivain et militant politique, né le 7 janvier 1962 à Moscou.
15 Par ses théories et son apparence physique, Alexandre Douguine est régulièrement qualifié de « Raspoutine », de « conseiller occulte du Kremlin », nourrissant des analyses assez éloignées de la réalité de son influence et parfois teintées d’un esprit « complotiste ».
16 Le concept d’hégémonie culturelle a été pensé par Antonio Gramsci, qui a décrit comment une classe dominante faisait aussi reposer son pouvoir sur une domination culturelle, à travers des outils tels que l’école ou les médias. Il s’agit alors pour les forces d’opposition de conquérir les esprits en diffusant au maximum leurs idéologies avant de pouvoir renverser le rapport de domination (préalable sans lequel le nouveau pouvoir ne saurait être accepté par la population), d’où la formule utilisée de « bataille gramscienne ».
17 MOHAMMEDI Adlène, « Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine : une revanche de la géographie sur l’histoire ? », Philitt, 4 juillet 2016. URL : https://philitt.fr/2016/07/04/le-neo-eurasisme-dalexandre... , consulté le 4 avril 2019.
18 Photographie publiée en ligne sur le site Geopolitica.ru. URL : https://www.geopolitica.ru
19 Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, pp. 16.
20 Définit par Spykman comme « une région intermédiaire située […] entre le Heartland (cœur du monde) et les mers périphériques […] vaste zone tampon de conflits entre la puissance maritime et la puissance terrestre. Orientée des deux côtés, elle doit fonctionner de manière amphibie et se défendre aussi bien sur terre qu’en mer », car « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains ». Voir SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, p. 43.
21 La dialectique Terre-Mer est appréhendée dans la littérature géopolitique de façon plus ou moins pragmatique – conception surtout présente chez les Anglo-saxons – ou plus ou moins culturaliste – appréhension plutôt rencontrée chez les auteurs Allemands.
22 Formulation retenue par Christophe Boutin, voir BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages ; Id., « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », In., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.
23 Néologisme proposé par le philosophe Pierre Riffard pour éviter les confusions avec le terme de « traditionalistes », utilisé aussi pour parler de courants politiques ou religieux réactionnaires. Voir : RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages. On rencontre parfois le terme « pérennialistes », bien qu’il vise plutôt la frange du mouvement développée sur le continent nord-américain. Voir HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.
24 Le mot métapolitique est « à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique […] la métaphysique de la politique » (MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, Bruxelles, 2006 (1797), Éditions Complexe, p. 227), et vise à donner à une philosophie politique un fondement d’universalité par la référence à une vérité transcendante, le but étant d’orienter l’être et la société vers cette sphère, de traduire cette transcendance dans la réalité sociale en réfléchissant à l’organisation idéale de la Cité. Sous cette acception, le concept est à distinguer tant de la théologie politique (qui est le transfert de concepts théologiques dans le processus de construction de l’État) que du conservatisme (car il ne se réfère pas au passé mais à la métaphysique immuable, éternelle, supra-temporelle) ou de l’intégrisme (car il ne se réfère pas à une tradition spirituelle particularisée, mais à une Vérité absolue devant être supérieure à ces traditions). Voir BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages, pp. 130 et s., qui utilise le triptyque infra-politique, politique, méta-politique comme clé méthodologique pour analyser l’impact de l’œuvre de Guénon.
25 Entité évoqué par l’apôtre saint Paul, le katechon est un être dont la nature n’est pas précisée et qui a pour vocation d’empêcher la venue de l’Antéchrist. Ce dernier ne peut se manifester pleinement tant que cette entité est dans le monde Voir dans la Bible les versets : 2 Thes. 2, 6-7.
26 Le Prophète de l’Eurasisme, op. cit, p. 19.
27 Ibid., p. 29.
28 Visible sur le site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article.... La carte 1 représente le monde unipolaire actuelle, la 2 la contre-stratégie que doit déployer la Russie pour briser l’uni-polarité, la 3 révèle les futures grandes zones d’influence souhaitées par le projet néo-eurasiste et la 4 les « grands espaces » géopolitiques au sein de ces zones.
29 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.
30 GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018.
URL : https://www.diploweb.com/Le-chantier-tres-geopolitique-de..., consulté le 10 avril 2019.
31 LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », op. cit.
32 FRANKOPAN Peter, Les Routes de la Soie. L’histoire du cœur du monde, Bruxelles, Éditions Nevicata, 2017, p. 622.
33 ESCOBAR Pepe, « Vladimir Poutine s’aligne avec Xi Jinping pour élaborer un nouvel ordre mondial (commercial) », RTFrance, 17 mai 2017.
URL : https://francais.rt.com/opinions/38470-vladimir-poutine-a..., consulté le 9 avril 2019.
34 Voir SCHMITT Carl, Terre et Mer (1942), Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2017, p. 63.
35 Ibid., p. 66-67.
36 De toute manière, selon les postulats métaphysiques retenus par les auteurs comme Douguine, il n’existe aucun étant « pur » : tout ce qui est manifesté est constitué d’un dosage entre les différentes polarités. Concrètement, il ne peut exister d’entité entièrement tellurique ou entièrement thalassique.
37 En référence à l’ouvrage : DOUGUINE Alexandre, Pour le Front de la Tradition, Nantes, Ars Magna, 2017.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
––, Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, 349 p.
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SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, 66 pages.
Articles
BOUTIN Christophe, « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », in., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.
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MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437.
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Articles en ligne
ALEXEEVA Olga, « Le partenariat stratégique Chine-Russie : une alliance durable ? », Areion 24 news, 25 janvier 2019.URL : https://www.areion24.news/2019/01/25/le-partenariat-strat...
BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017 https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-...
CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017.URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d...
DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles...
ESCOBAR Pepe, « Vladimir Poutine s’aligne avec Xi Jinping pour élaborer un nouvel ordre mondial (commercial) », RTFrance, 17 mai 2017.URL : https://francais.rt.com/opinions/38470-vladimir-poutine-a...
GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018. URL : https://www.diploweb.com/Le-chantier-tres-geopolitique-de...
LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94. https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2
MOHAMMEDI Adlène, « Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine : une revanche de la géographie sur l’histoire ? », Philitt, 4 juillet 2016.https://philitt.fr/2016/07/04/le-neo-eurasisme-dalexandre...
« 21e sommet Chine Union Européenne: vers plus de connectivité ! », OBOReurope, 11 avril 2019.
URL: https://www.oboreurope.com/fr/21e-sommet-chine-union-euro...
« La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017.URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/
« Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/
Cartes
BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016.http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
« First Chinese Train Arrives in Tehran to Revive Silk Road », Strategic Demands Online, 15 février 2016 URL: https://strategicdemands.com/eurasia-newsilkroad/
« Les nouvelles routes de la soie : le cauchemar de Brzezinski passe par l’Asie centrale », Investig’action, 10 octobre 2018.
URL : https://www.investigaction.net/fr/les-nouvelles-routes-de...
Sitographie
Site Geopolitica.ru. URL : https://www.geopolitica.ru
Site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article....
00:50 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, alexandre douguine, nouvelle droite russe, routes de la soie, eurasisme, eurasie, europe, affaires européennes, asie, affaires asiatiques, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 24 mai 2019
La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise
La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Une question restait posée : la Russie s'associerait-elle à cette démarche ou, à l'inverse, y verrait-elle une concurrence dangereuse pour les relations qu'elle a depuis longtemps établies avec ses voisins du sud au sein de l'Union économique eurasiatique.
La réponse vient d'être donnée à la seconde Conférence de la BRI qui vient de se tenir à Pékin. Elle rassemblait 37 chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine en personne. Celui-ci vient d'annoncer son intention d'associer la Route Polaire Maritime russe à la BRI. Cette route est de plus en plus fréquentée pendant la période de fonte des glaces, période qui ne cesse de s'allonger avec le réchauffement climatique. Ceci devrait faire de l'Arctique une zone de coopération où pourraient se retrouver de nombreux intérêts refoulés vers le nord par ces changements de température. La Chine voit déjà dans la Route polaire un élément majeur de son ouverture au reste du monde.
C'est d'abord la diminution des temps de transport maritime qui l'intéresse. La route du port chinois de Dalian à Rotterdam sera raccourcie de 10 jours par rapport au passage par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Par ailleurs, un accès aux ressources de l'Arctique sera précieuse pour un pays surpeuplé et sans grandes ressources propres tel que la Chine.
Quelques jours auparavant, dans le cadre de l'International Arctic Forum qui se tenait à St Petersbourg début Avril, la Russie avait mis l'accent sur l'importance de ce qui est nommé un Grand Partenariat Euroasiatique non seulement pour la coopération économique mais pour celle en matière scientifique. Lors de cette conférence, Chine et Russie ont signé un accord de coopération scientifique pour l'Arctique créant un China-Russia Arctic Research Center.
Dans un premier temps, il s'agira de réaliser des constructions durables sur des plateformes flottant sur la glace et des brise-glaces plus performants. Sans attendre on y étudiera des méthodes permettant de préserver les milieux naturels fragiles de cette partie du monde.
Sur ce plan, beaucoup de scientifiques resteront dubitatifs. On peut craindre que les objectifs économiques l'emportent sur les préoccupations de préservation. D'autant plus qu'à plus long terme des dizaines de millions de personne chassées de chez elles par le réchauffement et la désertification chercheront à se reconvertir non seulement dans le nord de la Sibérie mais dans l'Arctique.
Celle-ci est sans doute trop loin de l'Europe pour qu'elle s'intéresse, hormis quelque peu les pays scandinaves (et Total). Ce sera dommage pour elle.
00:35 Publié dans Actualité, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, chine, actualité, politique internationale, europe, affaires européennes, asie, affaires asiatiques, eurasie, eurasisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 23 mai 2019
Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?
Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Il était prévisible que Pékin riposterait sur ce terrain à l'offensive américaine contre Huawei, menacé par un embargo américain sur des composants électroniques qui lui sont indispensables. Washington vise à exclure Huawei de toutes les applications de demain, telles que la 5 G, au prétexte que le géant chinois pourrait espionner les firmes américaines travaillant pour la défense.
Or le président chinois Li Jinping vient de visiter une société productrice de terres rares. Même s'il n'a fait aucune déclaration à ce sujet, il est évident que cette visite n'était pas de routine. Elle voulait faire peser la menace d'un embargo chinois sur l'exportation de terres rares. Pékin prend son temps cependant avant de déclencher la guerre. Il craint manifestement que les Américains ne trouvent des substituts aux terres rares.
Cependant cela demandera du temps et nécessitera des crédits de recherche considérables. Dans les prochains mois, l'arme des terres rares serait donc utilisable et pourrait considérablement affecter toutes les filières technologiques américaines, ainsi d'ailleurs que les Européens qui en sont totalement dépendants. On notera cep que la France pourrait extraire des terres rares dans son domaine maritime, mais avec de grands risques pour la vie océanique
La Chine produit actuellement 95¨des terres rares nécessaires à l'industrie. Les Etats-Unis en importent environ 80%. Un consultant américain, président de ThREE Consulting, a prévenu qu'un embargo chinois pourrait compromettre tous les fabricants non chinois de produits électroniques, y compris ceux utilisée dans le domaine de l'aviation commerciale et de l'industrie militaire.
En 2014 l'Organisation Mondiale du Commerce avait accusé la Chine d'enfreindre les règles de la concurrence en limitant les exportations de ces terres, au prétexte des dégâts à l'environnement provoqués par leur extraction.
Ceci dit l'United States Geological Survey avait estimé en 2018 que la planète disposait de 120 millions de tonnes de gisements, dont 44 millions en Chine, mais aussi 22 au Brésil et 18 en Russie. Ces deux derniers pays avaient jusqu'ici préféré ne pas exploiter leurs réserves, compte tenu du fait que cette exploitation rejette des quantités considérables de produits toxiques et peut-être radioactifs. La Chine apparemment ne s'en préoccupe pas.
Une intervention de Pékin bloquant ou rendant difficiles les exportations de terres rares sera considérée aux Etats-Unis comme une accélération de la guerre commerciale. De plus, dans le cas encore improbable de conflits militaires avec la Chine dans le Pacifique Sud, il s'agira d'une arme qui devra être prise en considération par les stratèges du Pentagone.
09:30 Publié dans Actualité, Economie, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, huawei, terres rares, économie, minerais, guerre économique, géopolitique, actualité, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 22 mai 2019
Rand Corp : comment abattre la Russie
Rand Corp : comment abattre la Russie
Contraindre l’adversaire à s’étendre excessivement pour le déséquilibrer et l’abattre : ce n’est pas une prise de judo mais le plan contre la Russie élaboré par la Rand Corporation, le plus influent think tank étasunien qui, avec un staff de milliers d’experts, se présente comme la plus fiable source mondiale de renseignement et d’analyse politique pour les gouvernants des États-Unis et leurs alliés.
La Rand Corp* se vante d’avoir contribué à élaborer la stratégie à long terme qui permit aux États-Unis de sortir vainqueurs de la guerre froide, en contraignant l’Union Soviétique à consommer ses propres ressources économiques dans la confrontation stratégique. C’est de ce modèle que s’inspire le nouveau plan, “Overextending and Unbalancing Russia”, publié par la Rand. Selon ses analystes, la Russie reste un puissant adversaire des États-Unis dans certains domaines fondamentaux. Pour cela les USA doivent poursuivre, avec leurs alliés, une stratégie d’ensemble à long terme qui exploite ses vulnérabilités. Ainsi va-t-on analyser divers moyens pour obliger la Russie à se déséquilibrer, en indiquant pour chacun les probabilités de succès, les bénéfices, les coûts et les risques pour les USA.
Les analystes de la Rand estiment que la plus grande vulnérabilité de la Russie est celle de son économie, due à sa forte dépendance par l’exportation de pétrole et de gaz, dont les recettes peuvent être réduites en alourdissant les sanctions et en augmentant l’exportation énergétique étasunienne. Il s’agit de faire e sorte que l’Europe diminue l’importation de gaz naturel russe, en le remplaçant par du gaz naturel liquéfié transporté par mer depuis d’autres pays.
Une autre façon de nuire dans le temps à l’économie de la Russie est d’encourager l’émigration de personnel qualifié, notamment des jeunes Russes avec un niveau élevé d’instruction. Dans le domaine idéologique et informatif, il faut encourager les contestations internes et en même temps miner l’image de la Russie à l’extérieur, en l’excluant de forums internationaux et en boycottant les événements sportifs internationaux qu’elle organise.
Dans le domaine géopolitique, armer l’Ukraine permet aux USA d’exploiter le point de plus grande vulnérabilité extérieure de la Russie, mais cela doit être calibré pour garder la Russie sous pression sans arriver à un grand conflit dans lequel elle aurait le dessus.
Dans le domaine militaire les USA peuvent avoir des bénéfices élevés, avec des coûts et des risques bas, par l’accroissement des forces terrestres des pays européens de l’OTAN dans une fonction anti-Russie. Les USA peuvent avoir de hautes probabilités de succès et de forts bénéfices, avec des risques modérés, surtout en investissant majoritairement dans des bombardiers stratégiques et missiles d’attaque à longue portée dirigés contre la Russie.
Sortir du Traité FNI et déployer en Europe de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire pointés sur la Russie leur assure de hautes probabilités de succès, mais comporte aussi de hauts risques.
En calibrant chaque option pour obtenir l’effet désiré -concluent les analystes de la Rand- la Russie finira par payer le prix le plus haut dans la confrontation avec les USA, mais ceux-ci aussi devront investir de grosses ressources en les soustrayant à d’autres objectifs. Ils pré-annoncent ainsi une forte augmentation ultérieure de la dépense militaire USA/OTAN aux dépens des dépenses sociales.
Voilà l’avenir que nous trace la Rand Corporation, le think tank le plus influent de l’État profond, c’est-à-dire du centre souterrain du pouvoir réel détenu par les oligarchies économiques, financières et militaires, celui qui détermine les choix stratégiques non seulement des USA mais de tout l’Occident.
Les “options” prévues par le plan ne sont en réalité que des variantes de la même stratégie de guerre, dont le prix en termes de sacrifices et de risques est payé par nous tous.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
*La RAND Corporation : Research ANd Development (recherche et développement)
- Source : Il Manifesto (Italie)
09:42 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, russie, états-unis, rand corporation, politique internationale, géopolitique, géostratégie, guerre froide | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 21 mai 2019
Mésententes franco-allemandes
Mésententes franco-allemandes
par Georges FELTIN-TRACOL
Malgré la signature d’un nouveau traité entre la France et l’Allemagne à Aix-la-Chapelle, le 22 janvier 2019, qui parodie le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, force est de constater un paradoxe, l’indéniable dégradation des relations franco-allemandes. L’élection d’Emmanuel Macron avait pourtant ravi la caste politicienne outre-Rhin. L’européisme revendiqué, le réformisme affiché dans un sens de la rigueur budgétaire et le libéralisme en même temps économique et culturel du nouveau président français séduisaient les caciques de la CDU – CSU, du SPD, des Grünen et des libéraux.
Ainsi dès les premiers mois de sa présidence, Emmanuel Macron insista-t-il sur une nécessaire « souveraineté européenne », la création d’un budget commun de la Zone euro et le renforcement des coopérations inter-européennes avancées. Or Berlin répondit à toutes ces propositions audacieuses par une fin de non-recevoir. Le vice-chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, et la nouvelle dirigeante de la CDU, Annegrett Kramp-Karrenbauer, revendiquèrent au contraire la mutualisation, sinon l’européisation, du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU et l’installation définitive du Parlement européen à Bruxelles aux dépens de Strasbourg.
Douché par ces initiatives intempestives, le président français comprend qu’il ne peut compter sur une classe politicienne allemande arc-boutée sur un statu quo déclinant alors que la première puissance économique d’Europe entre dans son hiver démographique, refuse de rénover ses infrastructures et se voit en prochaine victime des guerres douanières mondiales déclarées par Donald Trump. Même si les différents entre Berlin et Paris sont moins médiatiques que les tensions franco-italiennes, ils ne cessent de s’accumuler.
L’Allemagne ne permet pas à la France et à la Grande-Bretagne de livrer à l’Arabie Saoudite des armements dotés de composants allemands. Les industriels français de la défense n’apprécient guère cette interdiction. Le 29 avril dernier s’est tenu à Berlin un sommet informel sur les Balkans de l’Ouest (Serbie, Monténégro, Kossovo, Macédoine du Nord, Albanie, Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzégovine). Les divergences entre les diplomaties française et allemande n’ont jamais été aussi grandes concernant cette région stratégique du Sud-Est de notre continent.
Le gouvernement allemand a réaffirmé son désir d’intégrer à terme les États balkaniques dans l’Union dite européenne. La France défend au contraire la suspension plus ou moins longue du processus d’« élargissement ». Paris propose en outre de résoudre le conflit serbo-kossovar par des échanges de territoires, ce qui implique l’abandon exceptionnel du principe de l’intangibilité des frontières. Cette hypothèse irrite Berlin. L’Allemagne craint en effet que la susceptible Pologne y voit une remise en cause implicite de la frontière Oder – Neisse.
Il est instructif de savoir qu’à l’occasion de ce sommet, Angela Merkel en fin de parcours et Emmanuel Macron n’ont discuté qu’un petit quart d’heure ! Les politiciens allemands, Wolfgang Schäuble en tête, ne font plus confiance à Macron depuis que ce dernier a concédé quelques milliards aux Gilets jaunes. Emmanuel Macron commence à comprendre les manœuvres dilatoires allemandes, d’où son intention de briser le binôme dirigeant PPE – socialistes au Parlement européen au profit de majorités d’idées plus volatiles. Le Rhin devient un peu plus chaque jour une faille béante entre ses deux rives…
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 125, mise en ligne sur TV Libertés, le 13 mai 2019.
11:12 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, france, politique internationale, couple franco-allemand, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 20 mai 2019
«L’incroyable déficit à 239 000 milliards de dollars des Etats-Unis!»
Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
J’aime bien faire remarquer avec une certaine perfidie que cela fait bien longtemps que l’on n’entend plus parler des retraites par capitalisation qui seraient un système extraordinaire venu des Etats-Unis et qui devrait vite être mis en place sous les latitudes hexagonales.
Vous n’en entendez plus parler à vrai dire, depuis que les banques centrales du monde libre (comprendre occidental et pro-américain) ont fixé les taux d’intérêt proches de 0! Il faut dire qu’avec des placements qui rapportent rien du tout, il est très difficile de faire gagner de l’argent au fonds de retraite par capitalisation et accessoirement au futur retraité.
Les taux à zéro posent donc un immense problème au système de retraite par capitalisation américain évidemment basé sur la valeur de l’argent matérialisée par les taux! Si l’épargne ne rapporte rien, si l’épargne ne s’apprécie pas, alors elle perd du pouvoir d’achat. C’est l’inverse de ce qu’il faut pour faire un système par capitalisation. Capitaliser c’est recevoir des intérêts que l’on conserve chaque année, qui se « capitalisent » et qui « rapportent » pour constituer une somme très importante qui sera reversée plus tard sous forme d’une rente.
Lorsque la FED, la banque centrale américaine monte les taux d’intérêt, c’est exactement cela qu’elle veut combattre, à savoir lutter contre l’évidente faillite du système de retraite.
Ce qui est valable pour le système privé par capitalisation, l’est aussi pour la sécurité sociale « publique » américaine qui fait face à un trou officiel non comptabilisé dans la dette publique puisqu’il s’agit des engagements futurs toujours comptés dans « le hors bilan ». (En France aussi beaucoup de choses sont « cachées » dans le hors-bilan).
Les chiffres sont ahurissants et donnent le vertige
Les engagements futurs de la sécu américaine sont de 176 000 milliards de dollars… vous avez bien lu!
Les recettes estimées dans la même période sont de 130 000 milliards de dollars…
Le déficit lui est de 43 000 milliards de dollars la différence étant dans un fonds qui détient quelques actifs pour l’équivalent de 3 000 milliards de dollars.
Conclusion?
Les Américains vont soit se voir diminuer de 43 000 milliards les prestations sociales, soit se voir augmenter d’autant les ponctions fiscales ce qui devraient se passer dans les années qui viennent. Mais ce n’est là qu’un des aspects d’un total à 239 000 milliards de dollars, oui, vous avez bien lu. 239 000 milliards de dollars. « Je vais bien, tout, va bien, il n’y a pas de problème »!!!
Voici ce qu’en dit cet article dont j’ai traduit pour vous l’essentiel.
La Sécurité sociale vient d’avoir un déficit de 9 000 milliards de dollars, et personne n’a remarqué
« Le rapport annuel des administrateurs de la Sécurité sociale a été publié récemment et montre que la Sécurité sociale a enregistré un déficit gigantesque de 9 000 milliards de dollars entre l’année dernière et cette année. Le passif non capitalisé à long terme du système s’élève maintenant à 43 000 milliards de dollars , contre 34 000 milliards l’an dernier.
C’est drôle, personne n’a remarqué.
Ai-je raté un tweet du président? Je ne pense pas. Qu’en est-il de la presse? Quelqu’un a-t-il vu un article sur le déficit de la Sécurité sociale dépassant le déficit fédéral d’un facteur 11? Non.
La presse couvre la dette fédérale « officielle » dans les bilans, mais ignore la dette fédérale non officielle dans les hors-bilans.
Le fait qu’un ensemble de dettes figure dans les bilans en raison du choix des catégories par le Congrès et un autre ne l’est plus, encore une fois, en raison du choix des catégories par le Congrès. En matière économique, la presse croit trop souvent simplement ce qu’on lui dit.
Qu’en est-il des myriades de démocrates qui se présentent à la présidence? La Sécurité sociale est leur fierté et leur joie. Ont-ils pesé sur la hausse massive de sa dette massive? Aucun d’entre eux n’en parle.
Le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, a sûrement fait part de ses préoccupations concernant le déficit de 9 000 milliards de dollars de la Sécurité sociale. Après tout, il est l’un des administrateurs du système. Il a signé le rapport. Curieusement, il ne l’a pas fait.
Le passif non capitalisé est le chiffre le plus important et le plus effrayant du rapport. Le secrétaire et ses collègues administrateurs l’ont ignoré dans leur déclaration sommaire pour la même raison qu’ils l’ont enterré à l’arrière de leur rapport.
C’est de la dynamite politique.
Il indique aux personnes âgées que ce qui leur a été promis ne sera probablement pas intégralement payé. Et cela indique aux jeunes qu’ils pourraient être confrontés à des taxes supplémentaires pouvant aller jusqu’à 43 000 milliards de dollars, dont le paiement ne leur rapporterait absolument rien.
Le secrétaire au Trésor est un banquier et les banquiers connaissent les bilans. Le passif non capitalisé est une déclaration importante concernant le bilan de la Sécurité sociale.
Sur le côté droit du bilan de la Sécurité sociale se trouvent ses passifs, tous évalués au présent, c’est-à-dire à la valeur actuelle. Les engagements du système correspondent aux obligations au titre des prestations projetées (176 000 milliards de dollars) envers les retraités actuels, les travailleurs actuels et futurs.
À gauche se trouvent les actifs du système. Il s’agit de la valeur du fonds en fiducie (3 000 milliards de dollars) et de la valeur actuelle de ses recettes prévues au titre des taxes sur la masse salariale (130 000 milliards de dollars) des travailleurs actuels et futurs.
Les bilans sont destinés à être équilibrés, d’où leur nom.
Quand ils ne le sont pas, faites attention.
Cela signifie que l’entité est en faillite. Lorsque les passifs non cachés (cachés) d’Enron ont été rendus publics, Enron a immédiatement fait faillite car son passif total (inscrit dans les livres) dépassait de loin ses actifs.
Lorsque les actifs de Lehman Brothers ont été évalués à un niveau proche de zéro au beau milieu de la panique financière de 2008, elle a été obligée de fermer ses portes.
La Sécurité sociale n’est pas différente.
Son passif dépasse de 43 000 milliards de dollars son actif.
Le système est en ruine en raison de changements dans les prévisions des actuaires.
La Sécurité sociale est sous-financée à 33% (43 000 milliards de dollars divisés par 130 000 milliards de dollars). Il s’agit du pourcentage d’augmentation immédiate et permanente du taux de 12,4% de la taxe sur la masse salariale de la Sécurité sociale nécessaire pour éliminer l’écart financier du système.
Cela représente 4,1 cents de plus d’impôts FICA que nous devons payer pour chaque dollar que nous gagnons, dans la limite du plafond des gains couverts de la Sécurité sociale, qui s’élève maintenant à 139 200 dollars. Alternativement, nous pourrions réduire toutes les prestations de la Sécurité sociale, immédiatement et de façon permanente, de 24% (43 000 milliards de dollars divisés par 175 000 milliards de dollars).
Plus nous attendons, plus le fardeau des jeunes générations sera lourd.
Le reste du système fiscal ne peut-il pas sauver la Sécurité sociale? Certes, nous pourrions utiliser les recettes générales pour aider à combler le déficit de la Sécurité sociale. Malheureusement, la réponse est non.
L’écart financier pour l’ensemble du gouvernement fédéral ne correspond pas aux 17 000 milliards de dollars de dette publique (calculés par le Bureau du budget du Congrès et rapportés par la presse).
Ces 17 000 milliards de dollars de dettes ne sont pas non plus la dette officielle totale.
Au lieu de cela, c’est la dette publique de 17 000 milliards de dollars, auxquels il faut rajouter les 43 milliards de dollars de dette hors-bilan de la Sécurité sociale sans oublier les 179 000 milliards de dollars du reste de la dette hors-bilan du système fiscal!!
Autrement dit, le système fédéral dans son ensemble présente un déficit financier de 239 000 milliards de dollars !
239 000 milliards de mille sabords!!
Bon lorsque l’on atteint ce genre de chiffre, nous ne sommes tout simplement plus dans le vrai monde ni dans la véritable vie. Nous sommes dans un délire collectif, dans une fiction imaginaire d’un système que l’on peut appeler argent-dette et qui vit évidemment ses derniers instants.
Toutes les grandes institutions, pour le moment, jouent le jeu, elles jouent la partie.
On imprime les billets nécessaires.
On demande à tous de croire que tout va bien. Que tout est normal.
Si quelqu’un dit que les monnaies imprimées ne valent rien et qu’il faut acheter de l’or, on lui tord le bras, si ce n’est pas assez on envoie les porte-avions et on lui casse la gueule.
Dans un système de changes flottants, où les monnaies ne sont jamais arrimées à un étalon-de valeur fixe comme pourrait l’être l’or, alors chaque mauvaise monnaie flotte par rapport aux autres. Quand le dollar baisse parce que la FED vient d’imprimer 5 000 milliards, l’euro lui monte. Mais cette hausse n’est pas durable, puisque l’année d’après c’est la BCE qui imprime… 4 500 milliards d’euros. L’euro baisse, le dollar remonte.
Pourtant les banques centrales européennes et américaines viennent d’imprimer 10 000 milliards ces dernières années.
Tout le monde fait mine de croire que les euros et les dollars valent la même chose.
Tout ceci peut durer tant que tous les acteurs de la pièce seront d’accord pour que la partie dure.
Pourtant au bout du compte, nous ne paierons pas toutes ces dettes, parce que c’est tout simplement impossible. Nous les paierons en monnaie de singe au mieux. Au pire nous ferons une grande réforme du système monétaire. Nul n’en connaît ni la date ni l’heure mais ce moment arrivera.
C’est en préparation de ce moment, que vous avez intérêt à sur-pondérer les actifs tangibles dans votre patrimoine.
Pour m’écrire charles@insolentiae.com
Pour écrire à ma femme helene@insolentiae.com
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »20
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Quel choix dimanche prochain ?
Quel choix dimanche prochain ?
par Georges FELTIN-TRACOL
Attention ! Prochaines mises en ligne des analyses de Georges Feltin-Tracol, le lundi 27 mai 2019. Georges Feltin-Tracol exprime ici son point de vue de citoyen français engagé, à un moment historique difficile pour son pays et pour l'Europe.
Les élections au Parlement européen ne déchaînent jamais la passion des foules depuis 1979. Cette apathie naturelle est bien sûr favorisée, valorisée et amplifiée par les médiats qui discriminent volontiers certaines des trente-quatre listes en lice. À ce tri d’accès à la diffusion à partir de sondages biaisés s’ajoutent les nombreuses difficultés pour financer une campagne électorale quand la mafia bancaire fait tout afin de nuire aux candidatures les plus rétives à ses dogmes.
Dans ces conditions matérielles et médiatiques défavorables, l’abstention, le vote blanc et le bulletin nul présenteraient l’avantage de récuser ce Système abject. Ce serait pour la circonstance une grave erreur. Autant il sera légitime de se détourner des municipales de l’an prochain, autant participer à ces élections européennes est impératif. Les électeurs doivent avant tout rejeter massivement la liste « Dégénérescence » de Nathalie Loiseau, naguère étudiante en Sciences Po qui se retrouva à l’insu de son plein gré candidate d’une formation étudiante fondée quelques années auparavant par Emmanuel Ratier. Dans le même ordre d’idées, il va de soi que la liste féministe de Nathalie Tomasini, « À voix égales », devrait recevoir de la part des électeurs une magistrale correction dans les urnes parce que le féminisme n’est pas une opinion, mais un poison pour notre civilisation.
La gauche en miettes
Le scrutin de dimanche prochain offre le spectacle jubilatoire d’une gauche explosée. Délaissons les soi-disant « Insoumis » de Jean-Luc Mélenchon qui abandonnent la posture populiste de gauche pour l’inévitable gauchisme culturel. Le conseiller régional en Auvergne – Rhône-Alpes Andréa Kotarac vient de quitter La France insoumise (LFI) et appelle à voter RN. Son constat rejoint celui des autres souverainistes de gauche dont Djordje Kuzmanovic. Pseudo-« indigénistes » (les seuls indigènes en Europe sont les Albo-Boréens) et féministes hystériques maîtrisent maintenant l’appareil de LFI. N’oublions pas en outre que des séides de LFI siègent pour l’heure dans une commission d’enquête parlementaire contre l’« extrême droite » tendance Vychinski qui ose persécuter un groupe de chanteuses talentueuses, Les Brigandes… Voter LFI revient à se cracher dessus. Le PCF tente de s’extraire des poubelles bien méritées de l’histoire sous l’impulsion de l’« ultra-révolutionnaire » Ian Brossat, adjoint au maire de la néo-post-hyper-sociétaliste bien connue Anne Hidalgo. Le groupuscule de la place du Colonel-Fabien (à quand son changement en place Colonel-Rémy ?) subit une double concurrence, celle, d’une part, des « moines – militants » de Lutte ouvrière dont l’abnégation et l’engagement au quotidien devraient inspirer bien des nôtres et, d’autre part, du Parti révolutionnaire – Communistes d’Antonio Sanchez. Il ne s’agit pas d’une énième résurgence trotskyste, mais d’une scission du PCF survenue en 2002. Ce mouvement réunit les tenants d’un communisme marxiste-léniniste néo-stalinien, nostalgiques de la SFIC du début des années 1920.
La social-démocratie n’en cesse plus pour sa part de se décomposer sur pied. Sa longue et lente agonie se caractérise par deux listes. Un PS mal en point s’est allié à Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou et à Place publique de Raphaël Glucksmann. Digne fils de son père André, défunt « nouveau philosophe » va-t-en guerre droits-de-l’hommiste, Raphaël Glucksmann demeure ce néo-conservateur belliciste un temps proche du président géorgien Mikheil Saakachvili. Ce sarközyste de gauche a lancé une formation sociale-libérale intitulée d’une façon grotesque Place publique. Y aura-t-il un jour un parti appelé « Décharge publique » ou bien « Tous sur le trottoir ! » ? Essoré par une présidentielle déplorable, Benoît Hamon joue son avenir politique ainsi que celui de son parti Génération.s. S’il continue avec raison à s’interroger sur l’avenir humain du travail et la grande substitution technicienne prochaine, ses propositions restent marquées par un réformisme radical qui déclenche l’hilarité de l’hyper-classe mondialiste.
Passons vite sur « Neutres et actifs », des hurluberlus qui combattent l’abstention, la liste jeuniste en écriture inclusive de Sophie Caillaud, « Allons enfants ! », qui ne compte que des candidats de moins de 30 ans (n’est-ce pas là une manifestation flagrante de discrimination par l’âge normalement puni par les haïssables lois liberticides ?) et celle de Jean-Christophe Lagarde au nom de l’UDI – Force européenne démocrate – La Gauche moderne, soit un centrisme post-sarközyste aussi peu reluisant que bien souvent détestable quand on observe le clientélisme pro-immigration des maires UDI en Île-de-France. D’incurables droitards, éternels abonnés au cocufiage politique, parient au « retour de la droite » en la personne du Versaillais François-Xavier Bellamy (1). Ils s’illusionnent une nouvelle fois sur les caniches hexagonaux d’Angela Merkel et d’Annegret Kramp-Karrenbauer. Dans le cadre du PPE, Les Républicains de Laurent Wauquiez obtempèrent aux injonctions de la CDU – CSU. Tout Européen résolu ne saurait choisir la liste Bellamy, faction libérale-conservatrice du globalitarisme.
Plusieurs nuances de vert
Les forces écologistes présentent entre cinq et six listes. Outre celle du député européen sortant Yannick Jadot accusé d’être un « écotartuffe » par le mensuel La Décroissance en raison de ses positions libérales-libertaires, « Urgence Écologie » de l’universitaire Dominique Bourg rassemble l’ancienne ministre de l’Écologie de François Hollande, Delphine Batho, et le président du Mouvement des écologistes indépendants Antoine Waechter. Cette liste « alter-écolo » persiste néanmoins dans l’impolitique, ignore les enjeux de la puissance et se complaît dans le globalisme planétaire. Quant au Parti animaliste, il joue sur l’émotion publique en exposant sur des affiches de sympathiques gueules de chien et de chat. Ce parti veut l’abolition de traditions européennes comme la tauromachie ou la chasse.
Les décroissants ont réussi à monter une liste. Leur programme radical fait toutefois l’impasse sur l’inévitable décroissance des flux migratoires du Sud vers le Nord et la régulation draconienne de la démographie africaine. Ces béni-oui-oui des sordides droits de l’homme ne prennent toujours pas en compte les excellentes analyses du visionnaire finlandais Pentti Linkola. Fidèles aux rendez-vous européens, les espérantistes soutiennent la langue artificielle inventée par Ludwik Zamenhoff et utilisée plus ou moins régulièrement aux réunions internationales vertes et anarchistes comme la langue véhiculaire officielle de l’Union pseudo-européenne. Utopie (hors sol !) quand tu nous tiens…
Favorable à une République européenne bo-bo, inclusive et libre-échangiste, le Parti des citoyens européens se trouve au carrefour de l’écologie et du fédéralisme européen. Il se trouve en concurrence avec la liste du Parti fédéraliste européen. Elle décline le principe de subsidiarité entre l’État européen, les nations membres et leurs régions. Même si son unique élu allemand appartient au groupe des Verts – Alliance libre européenne, le Parti pirate défend principalement la neutralité d’Internet et s’oppose à la mainmise par les transnationales de la Toile mondiale. Les questions fiscales européennes intriguent une Union démocratique pour la liberté, égalité, fraternité dont l’intitulé ne dit rien qui vaille.
Souverainisme et « Gilets Jaunes »
À l’opposé des fédéralistes européens s’activent des candidats nationistes, nationaux-républicains et souverainistes. Les Patriotes de Florian Philippot n’ont aucun intérêt. La liste du député non-inscrit de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan frôle les 5 %. Un échec ne serait que justice. Malgré de fréquents coups d’éclat médiatiques, l’ancien maire d’Yerres a plié devant le politiquement correct en virant Emmanuelle Gave qui ne supporte pas l’existence en France de lois liberticides et en acceptant au contraire des zélotes du matriarcat. Debout la France demeurera toujours Debout la République !. Partisan du Frexit et contempteur du « Grand Remplacement », François Asselineau ne pouvait pas ne pas rater cette échéance électorale. Bénéficiant du renfort très people d’Aurélien Enthoven, le fils de Raphaël et de Carla Bruni Sarközy (les dîners du dimanche doivent être agités avec son ancien président de la République de beau-père), l’UPR (Union populaire républicaine) persiste dans sa perception obsolète d’un Hexagone débarrassé de toute « ingérence » européenne et en revanche ouvert à flux une suicidaire francophonie cosmopolite.
L’Alliance royale se conforme encore avec les règles républicaines. En refusant d’entrer dans les querelles entre prétendants, elle projette toutefois un royalisme sans visage et désincarné, tout le contraire du royalisme exposé par Vladimir Volkoff. « Le corps du roi est le roi, écrit-il. […] La royauté héréditaire commence là où commence l’homme : dans les reins d’un monsieur et dans le ventre d’une dame. Ce qui en naît, c’est un corps humain qui est le gage de la royauté (2). »
Les sondages placent le Rassemblement national de Jordan Bardella (avec Marine Le Pen en avant-dernière position non éligible) au coude-à-coude avec la coalition en décadence avancée LREM – MoDem – AGIR (droite juppéiste) – Mouvement radical libéral. La présidente du RN a créé la curiosité en désignant un jeune militant politiquement chevronné. Outre la présence de deux sarkozystes non repentis (Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud), l’essayiste Hervé Juvin, par ailleurs chroniqueur géopolitique à Éléments et malgré de fortes contradictions (3), figure en cinquième place. Le discours frontiste pour cette campagne connaît un net infléchissement thématique sous l’influence de ce dernier en matière d’écologie, de localisme et de protectionnisme intelligent. Toutefois, l’ambiguïté perdure plus que jamais à propos de l’après – 26 mai. En raison des grandes manœuvres de la Lega dont le secrétaire fédéral, Matteo Salvini, frise l’hybris politique, avec le PiS, l’AfD et le Fidesz, il est envisageable que les députés européens du RN siègent finalement chez les non-inscrits. Ni Jaroslaw Kaczynski, ni Viktor Orban n’apprécient Marine Le Pen pour diverses raisons (absence d’une quelconque expérience gouvernementale, origines néo-fascistes du FN, soutien affiché à la Russie de Vladimir Poutine). Ils se défient aussi de l’amateurisme des élus marinistes et de leur propension à la gabegie financière. Les témoignages de Sophie Montel et de Jean-Paul Tisserand sont très pertinents (4). Peut-on enfin voter pour des candidats nommés par Marine Le Pen, la même qui dansait et chantait le soir de sa défaite présidentielle ? Plus que le débat de l’entre-deux-tours, c’est ce comportement désinvolte qu’il importe de sanctionner.
Malgré des sondages peu flatteurs, le mouvement hétéroclite et composite des « Gilets Jaunes » a sorti trois listes sans oublier des « Gilets Jaunes » candidats chez Dupont-Aignan et Philippot. Souhaitant la taxation du kérosène et une taxe Tobin plus rigoureuse et plus élevée sur les transactions financières internationales, le chanteur Francis Lalanne dirige une « Alliance jaune ». Ce partisan du non à Maastricht en 1992, un temps proche de Jean-Pierre Chevènement avant de rallier un écolo-naturalisme marginal, Francis Lalanne garde le silence sur l’immigration de masse. Gilles Helgen conduit un « Mouvement pour l’initiative citoyenne ». Il propose le RIC aux niveaux national et européen. Sait-il au moins qu’une démopédie est d’abord indispensable avant de recourir à l’initiative référendaire ? User du référendum d’initiative populaire aujourd’hui en France serait suicidaire du fait de l’abêtissement généralisé de la population. Candidat divers droite aux législatives de 2017, Christophe Chalençon anime la liste, « Évolution citoyenne », favorable à une « Europe des peuples souverains » et à une révision du droit du sol. L’artisan forgeron du Vaucluse ne brille pas par son sens politique. Il souhaitait cet hiver la nomination à Matignon du général atlantiste Pierre de Villiers alors que sa liste réclame la sortie de la France de l’OTAN. Sans appartenir directement aux « Gilets Jaunes », la liste « Les oubliés de l’Europe » soutenue par une Coordination nationale des indépendants rappelle la présence courante des intérêts catégoriels exprimés sous l’appellation des « socio-professionnels » (artisans, professions libérales, commerçants et indépendants). En 1979, Philippe Malaud monte une liste liée aux socio-professionnels, « Défense interprofessionnelle – Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprise » (1,40 %). Cinq ans plus tard, Gérard Nicoud, l’emblématique chef du CIDUNATI (Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants), déposa une liste, « Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprendre (UTILE) », vite phagocytée par la liste frontiste (0,68 %). Des listes socio-professionnelles figurèrent entre 2004 et 2014 dans les différentes circonscriptions interrégionales.
Présence des banlieues
Il faudra étudier avec soin le résultat, bureau de vote par bureau de vote, de deux listes surgies des « banlieues de l’immigration ». Dernière venue après un étonnant repêchage de la part du Conseil d’État (une liste identitaire aurait-elle bénéficié de la même indulgence ?), l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) a constitué une « Union pour une Europe au service des peuples ». Son chef de file, Nagib Azergui, aimerait sans surprise renforcer la lutte contre les discriminations et accorder aux étrangers extra-européens le droit de vote aux élections locales. Pis, dans le programme officiel de l’UDMF, on lit une incroyable mesure liberticide, une énième loi qui « condamnera toute diffusion de discours de haine envers la communauté musulmane et permettrait, notamment en France, au ministère de l’Intérieur de dissoudre toute association ou groupement islamophobe, tous médias qui exploitent cette littérature islamophobe pour se faire du profit en véhiculant des théories complotistes dangereuses (à l’exemple de la théorie du grand remplacement) ». L’augmentation du nombre des mosquées et la multiplication des enseignes hallal ne sont-elles pas des signes tangibles d’une immigration de peuplement ? Le complotisme est la négation de la réalité. L’UDMF prend cette élection pour une répétition générale avant les municipales du printemps 2020. Il faudrait cependant que l’électorat immigré se mobilise pour un scrutin qui l’indiffère.
« Démocratie représentative » du Franco-Malien Hadama Traoré tient un discours favorable au Pacte de Marrakech, estime que « la sémantique “ immigration ” est une insulte » et se veut le porte-parole d’une « majorité silencieuse (zone rurale, zone périphérique et la banlieue) (5) ». Pas certain que cela suscite l’engouement des populations africaines dans l’Hexagone…
Le choix de l’audace
Soutenue par Karim Ouchikh, le président du SIEL (Souveraineté, Identité et Libertés) et conduite par l’écrivain Renaud Camus, fondateur du Conseil national de la Résistance européenne et concepteur du « Grand Remplacement », « La Ligne claire » s’oppose à l’idéologie officielle remplaciste. La centaine de propositions dépassent l’enjeu européen et tendent plus vers une possible candidature présidentielle en 2022. Certaines se réfèrent au philosophe Jacques Ellul telles l’interdiction des courses et rallyes automobiles et motocyclistes (proposition 61). D’autres s’approchent des thèses décroissantes ou bien s’inscrivent dans une surprenante fidélité aux valeurs sinon républicaines pour le moins occidentales, celles qui contribuent au processus de remplacement en cours des peuples européens et du fallacieux « vivre-ensemble » multiculturaliste ! De tierces propositions se révèlent parfois incongrues comme la reconnaissance officielle de Jérusalem en tant que capitale de l’État d’Israël (proposition 86), quitte à refuser la suggestion vaticane de ville internationale, ou l’adhésion de la France au groupe de Visegrad (proposition 90) sans comprendre que ce groupe informel connaît maintes dissensions internes. Ce n’est pas pour rien si l’Italie et l’Autriche ne l’ont pas rallié… Bien que courageuse et fort européenne (faire de Vienne la capitale du Continent), la liste de Renaud Camus ne convainc pas.
Finalement, la liste la plus prometteuse porte le n° 10; c’est celle de La Dissidence française, « La Liste de la Reconquête ». Ce jeune parti politique a pu se présenter malgré une pesante chape de plomb médiatique; preuve que rien n’est impossible pour ceux qui ont une forte volonté. Certes, les beaux esprits parlent de nécessité tactique pour justifier leur vote pour le RN. C’est toujours pour eux « tactique ». C’était tactique de voter Sarközy aux primaires de la droite. C’était tactique de choisir François Fillon au premier tour de 2017. Aujourd’hui, il serait tactique de privilégier la raison au cœur. Bel aveuglement ! N’hésitons pas par conséquent à imprimer chez soi le bon bulletin, celui de la Reconquête. La Dissidence française doit devenir à l’instar de CasaPound en Italie ou du NPD en Allemagne un vrai aiguillon de radicalité. L’audace passe par conséquent par le seul vote révolutionnaire, nationale, identitaire, sociale, populaire et européen possible, à savoir « La Liste de la Reconquête » de Vincent Vauclin.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : cf. Henry de Lesquen, « Bellamy, roi des candaules », mis en ligne sur YouTube, le 11 mai 2019.
2 : Vladimir Volkoff, Du Roi, Julliard – L’Âge d’Homme, 1987, pp. 32 – 33.
3 : cf. Georges Feltin-Tracol, « Hervé Juvin entre deux rives », mis en ligne sur Europe Maxima, le 6 janvier 2019.
4 : Sophie Montel, Bal tragique au Front national. Trente ans au cœur du système Le Pen, Éditions du Rocher, 2019, et Jean-Paul Tisserand, Front national. Un économiste dans la tourmente, manuscrit inédit, 2019. Ces deux témoignages confirment l’incompétence crasse d’un appareil dirigeant, faute d’école de cadres et d’instances de réflexions.
5 : « La sémantique immigration est une insulte », entretien avec Hadama Traoré mis en ligne sur Breizh-Info, le 8 mai 2019.
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dimanche, 19 mai 2019
Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense
Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Mais cette question pose à nouveau la question de savoir si l'Union européenne, ou si certains Etats de celle-ci, en premier lieu la France, pourront sans conflits graves avec Washington, se doter d'une armée européenne indépendante de l'Otan et s'équipant en priorité de matériels militaires conçus et fabriqués en Europe.
Le 1er mai, le département de la Défense des États-Unis a envoyé une lettre à l'Union européenne l'avertissant que la création par les Européens d'une armée indépendante des Américains pourrait entraîner l'effondrement de l'alliance de l'OTAN entre les États-Unis et les Etats européens. La lettre, envoyée par les sous-secrétaires américains à la Défense, Ellen Lord et Andrea Thompson, à la responsable de la politique étrangère de l'Union, Federica Mogherini, a été évoquée é par le quotidien espagnol El Pais le 13 mai. On notera que ce même jour, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, s'était invité sans y avoir été convié à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union à Bruxelles pour exiger leur soutien aux projets américains de guerre contre l'Iran.
La lettre du Département de la Défense indiquait que « Les États-Unis sont profondément préoccupés par l'approbation des règles relatives au Fonds européen de défense et des conditions générales de la Coopération structurée permanente (CSP) ». La lettre a précisé qu'une armée européenne entraînera «un recul spectaculaire de trois décennies d'intégration croissante du secteur de la défense transatlantique». Elle a mis en garde contre le danger d'une «concurrence inutile entre l'OTAN et l'UE».
Cette lettre comportait la menace plus ou moins voilée visant de possibles représailles politiques ou commerciales si Bruxelles maintenait son intention de développer « des projets d'armement européens sans consulter des pays extérieurs, comme les États-Unis». On rappellera à ce sujet que le Fonds européen de la défense stipule que les entreprises européennes doivent contrôler la technologie utilisée dans les systèmes d'armement européens, sans dépendre nécessairement de technologies étrangères, notamment américaine.
Faisant référence aux conflits qui avaient éclaté lorsque Berlin et Paris s'étaient opposées à l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, la lettre indique que les projets européens actuels «pourraient non seulement nuire aux relations constructives entre l'OTAN et l'Union Européenne, mais également relancer potentiellement les échanges tendus qui ont dominé nos relations il y a 15 ans sur les initiatives de défense de l'Europe».
Le sérieux avec lequel des menaces de rupture de l'alliance américano-européenne sont prises en Europe a trouvé un écho dans la publication cette semaine d'une étude réalisée par le groupe de réflexion IISS (International Institute of Strategic Studies) à Londres. Cette étude, intitulée «Défendre l'Europe: les scénarios de capacités nécessaires pour les membres européens de l'OTAN», évalue les coûts supportés par l'Europe pour reconstruire la capacité militaire de l'OTAN si les États-Unis abandonnaient l'alliance. Mais l'IISS n'envisage apparemment que la question de la défense de l'Europe en cas d'une invasion russe. Il évalue en ce cas le renforcement de capacité navale pour un coût de 110 milliards de dollars et des dépenses de 357 milliards de dollars ;
Ceci en soi ne devrait pas inquiéter Washington. Une éventuelle armée européenne n'est en rien présenté par l'Union comme devant mener une guerre contre les Etats-Unis. Mais ce qui inquiète ceux-ci est la perspective de voir les industries de défense européenne faire appel à leurs ressources propres plutôt que dépendre massivement, comme c'est le cas actuellement, à l'exception de la France, de l'industrie militaire américaine. Celle-ci fait la loi au Pentagone.
Aujourd'hui, l'Espagne donne l'exemple en matière de désolidarisation d'avec la politique américaine dans le domaine d'une possible guerre américaine contre l'Iran. Elle retiré sa frégate Méndez Núñez du groupe aéronaval dirigé par les États-Unis et mené par le porte-avions Abraham Lincoln, qui se rend dans le golfe Persique pour menacer l'Iran. La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a déclaré «Si le gouvernement nord-américain a l'intention de faire en sorte que le porte-avions Abraham Lincoln se rende dans une zone donnée pour une mission dont il n'a jamais convenu avec l'Espagne, nous quittons provisoirement le groupement tactique.» Elle a cependant assuré que Washington ne devait pas considérer cela comme une rupture définitive. On pourra lire à ce sujet Challenges
Rappelons que des tensions s'accentuent également au sujet des relations entre l'Europe et la Chine, après que l'Italie eut officiellement signé en mars un mémorandum d'accord approuvant l'Initiative d chinoise de la BRI ou la nouvelle route de la soie), un vaste plan d'infrastructure eurasien pouvant inclure certains Etats européens, ceci malgré les objections des États-Unis. Par ailleurs, Washington a menacé l'Allemagne et la Grande-Bretagne de suspendre la coopération en matière de renseignement pour avoir autorisé la société chinoise Huawei à participer à la construction de leur réseau de télécommunications.
Ceci dit, il est évident que si certains européens voulaient prendre leur indépendance à l'égard des industries militaires américaines, comme De Gaulle en son temps, ils devraient clairement sortir de l'Otan.
11:21 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Défense, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pentagone, états-unis, europe, affaires européennes, otan, atlantisme, politique internationale, actualité, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 16 mai 2019
François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »
François Bousquet : « Avec le départ de Kotarac, c’est la fin du populisme de gauche de Mélenchon de 2017 »
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François Bousquet analyse la portée du départ d’Andréa Kotarac de La France insoumise et son appel à voter pour la liste RN de Jordan Bardella. « Désormais, ce sera aux conservateurs type Bellamy à s’allier aux populistes et non plus l’inverse. »
Le conseiller régional Andréa Kotarac quitte la France Insoumise et affirme son soutien à Jordan Bardella, tête de liste au Rassemblement national. Cela va-t-il changer quelque chose politiquement ?
C’est un coup de tonnerre dans le landerneau polico-médiatique, en particulier chez les Insoumis. C’est un basculement chez nos frères ennemis, en l’occurrence le Rassemblement national. Cela clôt l’épisode populiste de 2017et la ligne que Mélenchon avait suivie pendant les élections présidentielles. Elle les avait portés à 20 % des voix. Pour avoir renoncé à cette ligne populiste, les Insoumis sont retombés à moins de 10 points.
La France Insoumise est un peu une auberge espagnole à tendance vénézuélienne. On peut dire que Ruffin était le pied gauche de Mélenchon, Raquel Garrido et Alexis Corbière étaient le bras droit et Djordje Kuzmanovic était la tête gauche. Ce dernier était le conseiller de Mélenchon pour les affaires internationales. Il a dû quitter les Insoumis en septembre pour avoir alerté le parti sur les dangers de l’immigration. Kotarac était le successeur. Danièle Obono était, elle, l’ulcère à l’estomac et l’indigéniste. Il semblerait que l’indigéniste ait pris désormais le dessus dans ce parti. Exit le populisme à gauche. Désormais, le populisme, c’est l’alliance du Rassemblement national et des Gilets jaunes.
Les Gilets jaunes à la France Insoumise ne sont jamais que des cols blancs. Ils ne peuvent rien comprendre aux Gilets jaunes !
Après le départ de Kuzmanovic et celui d’Andréa Kotarac aujourd’hui, peut-on bel et bien dire que le courant populiste de gauche est définitivement mort aux Insoumis ?
Kuzmanovic et Kotarac ont déserté. On peut donc dire qu’il est mort. Kuzmanovic reste un souverainiste de gauche, chevènementiste, incapable de franchir le Rubicon pour des questions générationnelles.
Kotarac a 29 ans. Il est désinhibé vis-à-vis des tabous de l’anti-racisme des années 80. C’est aujourd’hui un chapitre clos. C’est au niveau européen que le populisme est en train de disparaître. Podemos appelle à voter pour le parti socialiste espagnol.
Sahra Wegenknecht avait créé un micro parti sur les dangers de l’immigration, toujours à gauche de la gauche. Elle renonce aujourd’hui à la politique et va faire une carrière télévisuelle comme Raquel Garrido.
C’est le populisme tel que Mélenchon, Podémos et Sahra Wegenknecht l’envisageaient, c’est-à-dire transpartisan. Il est désormais derrière nous.
Manifestement il faut tirer un trait sur le populisme de gauche.
Peut-on pour autant parler de populisme de droite ? En réalité, le populisme, c’est un magma d’appel au peuple, de gilets jaunes, de souverainisme et de conservatisme. Il est classé sur l’échiquier politique à droite, mais je ne suis pas sûr qu’il soit complètement de droite. Il a été fréquent dans l’Histoire de France de voir ce type de débauchage de la gauche de la gauche vers la droite de la droite. C’était fréquent lors de l’épisode boulangiste. Il le redevient aujourd’hui avec le phénomène Front national.
Ce bloc populiste est aujourd’hui majoritaire dans l’opinion. Il n’a aucune perspective de pouvoir. Si vous additionnez les voix populistes entre les souverainistes populistes et conservateurs, on est à 30 % avec le Rassemblement national en tête.
Le rapport de force joue désormais en faveur des populistes et non plus des conservateurs. Marine, Dupont-Aignan et Philippot sont à 30 % et Bellamy à 15 %. Désormais, ce sera aux conservateurs de s’allier avec les populistes et non plus l’inverse.
Qu’a à gagner le Rassemblement national en mettant en avant le ralliement d’Andréa Kotarac ?
De souligner les impasses de ce populisme de gauche. Il lui a mordu quelques voix en 2017 en particulier dans la France périphérique. Il a un électorat populaire qui en 2017 a choisi LFI et non pas le RN. On peut imaginer que cet électorat populaire va désormais basculer vers le Rassemblement national. Kotarac appelle à voter Bardella et ne rejoint pas, pour l’heure, le Rassemblement national. Cela ne peut pas faire de mal au parti de Marine Le Pen.
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mercredi, 15 mai 2019
Un nouvel ordre multipolaire fondé sur la régulation
Un nouvel ordre multipolaire fondé sur la régulation
Ligne Droite cliquez ici
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Le concept de communauté internationale, qui revient de façon récurrente dans le discours des diplomates occidentaux, n’est qu’un artifice destiné à légitimer la politique étrangère des États-Unis. Or celle-ci, porteuse de l’idéologie mondialiste, est contraire aux intérêts de la France et de l’Europe. Aussi notre pays devrait-il, selon Ligne droite, contester l’organisation actuelle des relations internationales et nourrir la grande ambition d’œuvrer à l’avènement d’un « nouvel ordre multipolaire » ancré dans la réalité du monde d’aujourd’hui et axé sur la régulation des échanges.
La notion de communauté internationale, un instrument de l’imperium américain
La notion de « communauté internationale », qui reprend sous un angle un peu différent celui de nouvel ordre mondial très en vogue à la fin du XXe siècle, est en effet une formule des plus ambiguë. Ceux qui s’en réclament laissent entendre qu’ils parlent pour l’ensemble des nations du monde, alors qu’il ne s’agit le plus souvent que des États-Unis et de leurs « alliés ». Cette référence à la communauté internationale est dès lors quasi systématiquement utilisée pour des actions ou des prises de position qui servent les États-Unis et leur vue du monde.
Autant dire, dans ces conditions, que cette notion s’inscrit dans un cadre très politiquement correct. Elle repose sur l’idée que le modèle américain fondé sur le libéralisme et la démocratie va s’étendre au monde entier et s’appuie sur l’idéologie mondialiste qui conduit à supprimer les frontières, à réduire le pouvoir des États et à œuvrer à la globalisation de la planète. En effet, la communauté internationale en question ne se préoccupe pas des identités et considère avec méfiance les États qui y demeurent attachés comme la Russie et tous les pays de l’Est de l’Europe.
Une conception politiquement correcte inadaptée au monde multipolaire d’aujourd’hui
Ligne droite estime en conséquence que les notions de nouvel ordre mondial et de communauté internationale doivent être rejetées car elles véhiculent le mondialisme, le libre-échangisme intégral, l’immigrationnisme et l’atlantisme. À ce titre, elles vont à l’encontre de ce qui est souhaitable pour le France et l’Europe, aussi notre pays doit-il les contester tout en proposant une autre vision.
Cette démarche se révèle d’autant plus légitime que le concept de communauté internationale ne correspond en rien à la réalité du monde d’aujourd’hui. La planète est en effet loin de converger autour du pôle américain, lequel perd d’ailleurs de son influence. Notre époque apparaît au contraire marquée par l’émergence de nouvelles puissances qui structurent la scène mondiale selon un schéma multipolaire. Un schéma qui n’est pas compatible avec la notion de communauté internationale puisqu’aucun des nouveaux pôles émergents comme la Chine, l’Inde ou le monde musulman, pas plus d’ailleurs que la Russie, le Brésil ou l’Afrique, ne sont prêts à s’aligner sur les États-Unis.
Il faut lui substituer le concept de nouvel ordre multipolaire
Ligne droite considère donc que la France devrait se faire le champion d’une autre conception des relations internationales. Une conception qu’elle devrait populariser sous le nom de « nouvel ordre multipolaire » et qui devrait reposer sur deux grands principes : prendre en compte la réalité multipolaire du monde d’aujourd’hui et substituer à l’ultralibéralisme international le principe de la régulation générale de tous les échanges.
Le nouvel ordre multipolaire pour une régulation des échanges
Contrairement au nouvel ordre mondial qui organisait le laisser-faire laissez-passer général tant pour les biens et services que pour les mouvements migratoires, le nouvel ordre multipolaire proposé par la droite nouvelle devrait s’appuyer sur le principe simple selon lequel les échanges ne sont admis que s’ils sont bénéfiques pour les deux parties concernées et doivent donc être régulés en conséquence.
Dans ce cadre, l’organisation du commerce mondial devrait être entièrement revue et de nouvelles négociations devraient être ouvertes en son sein pour mettre en place des écluses douanières entre les grands ensembles économiquement homogènes.
De même, s’agissant de l’immigration, la maîtrise des flux devrait s’imposer comme la règle commune. Aucun mouvement migratoire ne pourrait être organisé sans l’accord des deux pays concernés. Quant aux déplacements clandestins, ils devraient être combattus par les pays d’émigration comme par ceux d’immigration et, dans la mesure où ils sont organisés par des filières mafieuses, traités comme tels par les services compétents.
Le nouvel ordre multipolaire pour la stabilité du monde
Par ailleurs, le nouvel ordre multipolaire devrait prendre en compte la réalité du monde et reconnaître son caractère multipolaire. Pourrait en effet être constitué un G9 d’un nouveau genre regroupant les principaux pôles de puissance: Chine, Japon, Inde, Brésil, États-Unis, Russie et Europe, auxquels devraient être adjoints deux autres États, l’un représentant le monde musulman et l’autre l’Afrique (au besoin selon une formule de tourniquet). Une telle instance même informelle qui représenterait avec neuf partenaires la presque totalité de la population mondiale pourrait être le lieu le plus pertinent où débattre des conflits et des problèmes du monde. Une configuration qui serait capable d’apporter une plus grande stabilité internationale, car fondée, non plus sur une puissance unique qui cherche à s’imposer, mais sur l’équilibre des principaux pôles de puissance de la planète.
Le nouvel ordre multipolaire, un projet susceptible de s’imposer
Pour mettre en œuvre un tel projet, très différent des pratiques actuelles, la droite nouvelle, une fois au pouvoir, devrait commencer par faire de la France le champion de cette idée, à charge pour elle de l’expliquer et d’en assurer la promotion. Si, ensuite, l’Europe confédérale, telle que préconisée par Ligne droite, reprenait ce projet à son compte, gageons que tout deviendrait alors possible. L’idée d’un nouvel ordre multipolaire pourrait en effet intéresser les BRICS. Le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud cherchent en effet à réduire l’influence des États-Unis dans le monde. Ils ne pourraient dès lors que soutenir un projet visant à institutionnaliser la réalité multipolaire qu’ils incarnent et, forte de ce soutien, l’Europe serait en mesure de faire prévaloir ce changement radical de l’organisation des relations internationales.
En tout état de cause, la France, dirigée par la droite nouvelle, aurait tout intérêt à porter l’idée d’une rénovation profonde des relations internationales. En dehors des bénéfices qu’elle et les autres pays européens pourraient en retirer si le projet se concrétisait, le seul fait de s’en faire l’artisan permettrait à la France de gagner en stature et d’offrir aux Français des perspectives ainsi qu’une ambition collective qui leur rendrait espoir et fierté.
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dimanche, 12 mai 2019
DYNAMIQUES MULTIPOLAIRES - ENTRE ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES FORCES ET ÉQUILIBRES RÉGIONAUX DE SÉCURITÉ
DYNAMIQUES MULTIPOLAIRES
ENTRE ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DES FORCES ET ÉQUILIBRES RÉGIONAUX DE SÉCURITÉ
VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019
par Irnerio SEMINATORE
Texte rédigé en vue de la présentation à la VIIIème Conférence Internationale sur la Sécurité de Moscou des 23-25 avril 2019, organisée par le Ministère de la Défense de la Fédération de Russie.
TABLE DES MATIÈRES
Système et conjoncture
Dissuasion et forces conventionnelles
Les dynamiques et les inconnues du système de la multipolarité
La Chine et la conception chinoise de la mondialisation
La Russie et l'enjeu multipolaire
La stratégie de sécurité de la Russie.
La Russie et le retour des grandes stratégies
La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système
L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
États-Unis et Chine. Sur le syndrome de la puissance dominante. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence?
Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité
Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions
Système et conjoncture
La conjoncture historique actuelle est caractérisée par la transformation du cadre stratégique général( le système international) et par la montée de déséquilibres régionaux (sous-systèmes) en leurs interactions multiples (linkages).
L'environnement stratégique en est affecté, car les équilibres de pouvoir entre acteurs majeurs du système multipolaire résultent de leurs régimes politiques et de leurs alliances globales et visent à contre-balancer les coalitions adverses et à assurer la stabilité du système (ou son bouleversement).
A cet égard la triple dynamique de la conjoncture actuelle, de fragmentation, de polarisation et de confrontation, se traduit en une reconfiguration des alliances militaires et des équilibres mondiaux, face aux risques de conflits entre Chine- Etats-Unis et Russie.
La triade Chine-Etats-Unis-Russie instaure ainsi, une politique ambivalente, de rivalité-partenariat-antagonisme, qui a pour enjeu le contrôle de la masse eurasienne et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Heartland et du Rimland.
Ainsi et au niveau local, l'issue des conflits ne dépend pas des rapports balistico-nucléaires entre les leaders des pôles ,mais de alliances tissées par la diplomatie globale.
Dissuasion et forces conventionnelles
Dans cette perspective, le facteur nucléaire,qui avait été relégué au second plan , après l'effondrement de la bipolarité, redevient aujourd'hui la principale indication des tensions politiques entre les pôles et la coopération de sécurité apparaît comme l'indication la plus évidente de l'orientation stratégique des parties, en compétition ou en conflit pour les ressources. Cependant le chantage des armes nucléaires entre Grands, servant à anéantir l'intention positive de l'agresseur,joue un rôle plus grand,quand la menace anti-force est plus crédible.
Les rivalités, qui secouent aujourd'hui plusieurs régions du monde, (les Pays baltes et l'Europe de l'Est (Ukraine), le Caucase (Géorgie), le Maghreb et l'Afrique sub-saharienne, le Proche et Moyen Orient( Syrie, Liban, Israël, Iran, Turquie), le Golfe (Arabie Saoudite, Yemen, Quarar, sunnisme et chiisme), l'Amérique du Sud et du Nord, la mer de Chine méridionale et l'extrême Orient), ont forcé l'Est et l'Ouest à reconfigurer leurs alliances militaires.
Le but en est de fixer des "lignes rouges" entre les intérêts des pôles et les enjeux régionaux, pour empêcher des escalades non maîtrisables, éviter un affrontement direct entre les acteurs majeurs du système et limiter la décentralisation de la violence au niveau régional.
Les dynamiques et les inconnues du système de la multipolarité
D'une manière générale les dynamiques du système de la multipolarité, par rapport au système bipolaire sont constituées :
- par la permanence du jeu inter-étatique, stabilisateur ou perturbateur
- par une transformation des règles du jeu (alliances) et des partenariats stratégiques, fragilisés par la rupture d'accords devenus obsolètes (Salt, INF )
- par un accroissement du nombre des acteurs essentiels (leaders de bloc) et une redistribution asymétrique de la puissance
- par le retour du révisionnisme territorial (rectification des frontières )
- par une modification de la nature de la guerre et par le croisement du conventionnel,du nucléaire et du virtuel, ou encore par l'irruption des espaces cybernétiques et satellitaires, dans les domaines de la géopolitique et de la stratégie.
- par une multiplications des tensions et des conflits décentralisés, influant sur l'équilibre général des forces.
Ainsi, toute tentative de redéfinir un ordre régional quelconque ne peut être conçue aujourd'hui , que dans la perspective d'un ordre planétaire global et à la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire. C'est par référence à la triangulation géopolitique et militaire de la Russie, des États-Unis et de la Chine et, en subordre, de l'Europe, de l'inde et du Japon,que doit être comprise la liberté relative des puissances régionales du Moyen Orient et du Golfe, et c'est là que se situe une des clés de la stratégie générale de la triade.
La Chine et la mondialisation à la chinoise
Dans ce cadre, la Chine, poursuivant une quête régionale et mondiale d’indépendance stratégique et d'autosuffisance énergétique étend sa présence et sa projection de puissance vers le Sud-Est du Pacifique, l’Océan Indien, le Golfe et l'Afrique, afin de contrer les goulots d’étranglement de Malacca et échapper aux conditionnements extérieures maritimes, sous contrôle américain.
Elle procède par les lignes internes, par la mise en place d'un corridor économique et par une route énergétique Chine-Pakistan-Golfe Persique, reliant le Port de Gwaidar, au pivot stratégique de Xinjiang.
Béijin adopte la gestion géopolitique des théâtres extérieures, selon la doctrine Kissingerienne du "Linkage horizontal" et resserre ses liens continentaux avec la Russie.
L'influence chinoise est complétée par la construction d'une gigantesque "Route de la Soie", reliant le nord de la Chine à l'Europe, via le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan et opposant les routes terrestres aux routes maritimes.
La Russie et l'enjeu multipolaire
La Fédération de Russie a pris conscience de la mutation profonde de la perspective historique et a adopté le principe du retour à une stratégie générale défensive, qui n'interdit nullement l'initiative et s'exprime par la manœuvre, la percée et l'action.
Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine au plan geopolitique, a eu pour but de jouer un rôle d’équilibrage et de contre-poids, au cœur de la masse continentale eurasienne et de repartir les zones d'influence entre les deux puissances dominantes, dans le cadre de la multipolarité.
Cette double poussée, virtuellement antinomique, est corrélée à l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui fait fonction de stabilisateur régional.
Stratégie de sécurité de la Russie
La lecture de la position russe dans le monde peut être résumée de la manière simplifiée suivante.
Face à la tendance systémique, marquée par l’émergence de pôles de puissance en compétition ou en rivalité , ainsi que par le potentiel de polarisation dû aux alignements mouvants en Asie, la Russie se doit de:
- freiner les élargissements politiques et militaires de l'OTAN en divisant ses adversaires à l'Ouest, en Europe Centrale et au Sud-Est
- stopper le processus de désagrégation au Proche, Moyen Orient et Golfe, en promouvant des nouveaux équilibres de pouvoir autour de l'axe Moscou - Damas - Téhéran et en isolant la Turquie et l'Arabie Saoudite dans la redéfinition des pouvoirs régionaux
- rapprocher les anciens satellites dans la zone de "l’étranger proche" par différents moyens (Union Euro-Asiatique)
- renforcer l'unité continentale au cœur de l'Eurasie par établissement d'une coopération plus étroite avec la Chine
La Russie et le retour des grandes stratégies
Les trois théâtres à travers lesquels la culture stratégique russe pense sa sécurité, occidental (de la Mer Baltique aux chaînes des Carpates), méridional (du Danube à l'Iran), oriental (de la Volga aux monts AltaÏ), placent au cœur de cette culture deux notions-clés: la souveraineté territoriale et la profondeur stratégique.On y ajoutera que la projection des forces sur un théâtre extérieur est placée sous la couverture des capacités nucléaires, ce qui permet de dominer militairement ses zones d'influence. Or, si au plan mondial la relation russo-américaine est fondée sur la stabilité stratégique, au plan régional la liberté de manoeuvre de la Fédération russe se déploie sur les deux théâtres, de la Méditerranée et de la Mer Noire.
La stratégie des États-Unis et les tendances générales du système
Le Secrétaire à la Défense de l'Administration Trump,l'ancien Général des Marine's James Mattis, a dévoilé en février 2018, à l'Université John Hopkins une nouvelle stratégie de défense nationale, d'où l'on déduit qu'un changement historique est intervenu depuis deux décennies dans la politique extérieure américaine.
Le principal objectif des États-Unis est désormais la concurrence entre les grandes puissances et non le terrorisme. "La Chine est un concurrent stratégique, qui utilise une politique économique prédatrice pour intimider ses voisins, tout en militarisant des zones de la mer de Chine méridionale".
"La Russie a violé les frontières des pays voisins et exerce un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et sécuritaires de ses voisins".
Par ailleurs, "la Chine recherche" l'hégémonie dans la région indo-pacifique à court terme et le remplacement des États-Unis, pour atteindre la prééminence mondiale dans l'avenir".
"La Russie, pour sa part, tente de briser l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN) et de changer les structures économiques et sécuritaires européénnes et du Moyen-Orient"
Ainsi,pour les Etats-Unis,une conclusion est certaine : "la menace croissante des puissances révisionnistes aussi différentes que la Chine et la Russie.....cherche à créer un monde cohérent avec leurs modèles autoritaires".
Trois régions clés sont indiquées comme objets d'une préparation au conflit: l'Indo-pacifique, l'Europe et le Moyen-Orient.
Dès lors, face au déclin de l'ordre international,fondé sur des règles acquises de longue date et à une concurrence stratégique entre États, le but de l'Amérique est de rester la puissance militaire prééminente dans le monde et d’œuvrer pour que l'équilibre des forces reste en sa faveur. Elle doit faire en sorte que "l'ordre international reste plus favorable à sa sécurité et à sa prospérité, en préservant l'accès aux marchés".
La rivalité entre grandes puissances et la lutte pour la prééminence se traduisent ainsi en une compétition stratégique accrue.
L'indispensable dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
Quant à l'Europe de l'Ouest, la globalisation des enjeux de sécurité, impose une analyse des tendances générales du système mutipolaire et suggère l'établissement d'un dialogue stratégique entre l'Europe et la Russie
Le fondement de ce dialogue repose sur l'exigence d'allègement des tensions et des défis , portés à la stabilité régionale et mondiale.
Il a été observé que des similitudes existent entre deux types de défis, le changement du "statu quo" territorial, en Europe et en mer de Chine méridionale, bref ,en Ukraïne et dans les iles Paracels, Spratley, récif de Mischief et, plus au nord, dans les îles Senkaku (Siaoyu).
Toutefois, dans l' Europe du sud-est, il s'agirait d'un changement de paradigme, concernant l'intégrité territoriale des États; dans l'autre, de "l'internationalisation d'un conflit en mer de Chine" méridionale et orientale, qui cumule une pluralité de revendications de pays frontaliers.
États-Unis et Chine
Sur le syndrome de la puissance dominante
Préservation du "statu quo ou inversion de prééminence?
Les États-Unis seront ils disposés à renoncer à leur prééminence en Europe et en Asie, autrement dit ,dans l'ensemble du système international, ou se montreront capables de trouver des arrangements et des formes de coexistence, qui les détournent d'une fatalité apocalyptique?
En cas de doute, seront ils poussés, par la préservation du"statu quo" et de la prééminence stratégique, ainsi que par une perception antagoniste des faiblesses internes de la puissance rivale, à prendre des risques inconsidérés, par une action de dissuasion préventive?( coup de Copenhague de 1885/UK, Port-Arthur de 1905 et Pearl-Harbor de 1941/ J, Corée du Nord en 1950/URSS)
Au niveau de la conjoncture historique et de la fenêtre d'opportunités, consenties à la Chine,la question est de savoir si l'Empire du milieu a le désir et les moyens de changer le "statu-quo" et d'accéder au rang dominant du système?
Un faux retour aux simplifications stratégiques de la bipolarité
Le cœur du système international de la multipolarité tient certes au triangle stratégique États-Unis, Chine et Russie, mais corrélé à une pluralité de sous- systèmes régionaux, en compétition globale. Ces sous-systèmes sont soumis à des sphères d'influence disputées et souvent exclusives et sont doués d'inégale importance politique et militaire.
Face à un Occident fragmenté,le but de l'Europe réformée (et post- Brexit ) sera-t-il de revenir à un jeu de puissance d'équilibre entre les Etats- Unis et la Russie, bref à la stratégie gaullienne de troisième force, que l'U.E ne peut pratiquer?
Rivalités, desseins stratégiques et montée des tensions
Deux grands mouvements stratégiques rivaux s'esquissent à présent, au niveaux planétaire, internes et extérieurs à l'Eurasie:
- l'alliance sino-russe, assurant l'autonomie stratégique du Hearthland , en cas de conflit et promouvant, en temps de paix, la coopération intercontinentale en matière de grandes infrastructures, (projet OBOR (One Belt, One Road), avec la participation d'environ 70 pays )
- la stratégie du "containement" des puissances continentales par les puissances maritimes du "Rimland" (Amérique, Japon, Australie , Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure
Les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques opposés.
En effet, le couple sino-russe est défini "concurrent stratégique", ou "concurrent systémique"(notamment par l'UE vis à vis de la Chine) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les Etats- Unis .
Dans ce contexte,la défense de l'ordre, de la stabilité et du "statu quo" est assurée par la seule puissance globale du moment, l'Amérique et ses alliés. car,
en termes de politique multipolaire, Chine et Russie soutiennent le principe des zones d'influence exclusives, dites de "l'étranger proche", (Ukraine et Géorgie pour la Fédération russe et Mer de Chine méridionale pour Béijin)
En termes prospectifs et sur le plan des équilibres régionaux à long terme, les interventions des États-Unis,depuis la guerre du Golfe, ont altérés les rapports politiques et diplomatiques antérieurs entre Iran, Arabie Saoudite et pays de la région.
Dans cette même zone l'appui militaire de la Russie à la Syrie a influé sur la desoccidentalisation des affaires régionales et mondiales et, localement, sur la défaite de l'extrémisme islamique , au profit des intérêts russes du flanc sud (du Danube à la Perse et en Asie Centrale).
En termes de modernisation politique, au Proche et Moyen Orient, les idéologies importées de l'Occident, libéralisme, socialisme, laïcité, ont fait faillite et les seules formes de régimes politiques adoptées, ont été les dictatures militaires et les totalitarismes religieux, en conflit permanent.
La révision doctrinale des États-Unis en matière de sécurité s'inscrit aujourd'hui dans le gel progressif des accords sur le contrôle des armements nucléaires
Du point de vue stratégique, le retrait américano-russe des accords START et INF, et celui des accords nucléaires avec l'Iran ont sapé la confiance diplomatique entre puissances occidentales et ont mis en crise les relations des USA avec l'Europe
Par ailleurs une bataille idéologique majeure fonde le rapprochement russo-chinois sur le refus des critères occidentaux de légitimations du pouvoir et sur le mode d'exercice de l'autorité, la démocratie libérale pour les uns, l'autocratie souveraine pour les autres.
Les héritages historiques ne résistent pas toujours aux changements et le déplacement du centre de gravité des tensions vers l'Asie Pacifique, motivant la "politique de pivot" d'Obama,comme "ultime épreuve de force destinée à maintenir la Chine à un rang subalterne" (H.Kissinger), privent, en Europe, l'Alliance atlantique de sa raison d'être et risquent de ne pas la faire survivre aux finalités qui l'avaient fait naitre, celle d'un monde bipolaire.
Au même temps, l'émergence de la question nationale, identitaire et de souveraineté, se répercute en une forme de crise de cohésion des institutions européennes et assume le visage sécessionniste de remise en cause du pacte national entre Barcelone et Madrid et entre Londres, Edinbourg et Dublin à propos du Brexit, dans un processus de désagrégation interne des unités étatiques, réalisées au cours des XIX et XXèmes siècles
Ainsi, la politique de l'équilibre des forces en Asie orientale ne permet pas de considérer les États-Unis comme un balancier , mais comme partie intégrante de l'équiliblibre régional, car l'exercice de l'hégémonie mondiale fait de l'Amérique une puissance globale et, au même temps le centre de gravité stratégique du système.
Dès lors, une montée des tensions apparaît comme une perspective probable, au sein du système planétaire, où les principaux acteurs ne sont pas d'accord, ni sur une conception commune de l'ordre mondial, ni sur les règles de conduite pour les atteindre.
VIII MOSCOW CONFERENCE ON INTERNATIONAL SECURITY 2019
System and situation
The current historical situation is characterized by the transformation of the general strategic framework (the international system) and by the rise of regional imbalances (subsystems) in their multiple interactions (linkages).
All this affects the strategic environment, because the balances of power between major players in the multi-polar system result from their global alliances, aimed at counterbalancing adverse coalitions and ensuring the stability of the system (or its transformation).
In this respect, the triple dynamic of the current situation – fragmentation, polarization and confrontation – is reflected in a reconfiguration of the military alliances and global strategic balances, in the face of the risks of conflicts between China, the United States and Russia.
In this way the China-USA-Russia triad is establishing an ambivalent policy of rivalry-partnership-antagonism. At stake is the control of the Eurasian mass and the Indian-Pacific ocean space, expressed in the two complementary strategies of Heartland and Rimland.
In this way and at local level, the outcome of the conflicts does not depend on the nuclear-ballistic relations between the leaders of the poles, but on alliances woven by global diplomacy.
Regional rivalries
The rivalries that are shaking several parts of the world today (the Baltic countries and Eastern Europe (Ukraine), the Caucasus (Georgia), the Maghreb and sub-Saharan Africa, the Near and Middle East (Syria, Lebanon, Israel, Iran, Turkey), the Gulf (Saudi Arabia, Yemen, Qatar, Sunni and Shiite), South and North America, the South China Sea and the Far East), have forced both East and West to reconfigure their military alliances.
The aim is to set "red lines" between the interests of the poles and regional issues, so as to prevent uncontrollable escalations, to avoid any direct confrontation between the major players in the system, and to limit the decentralization of violence at regional level.
Dynamics and unknowns of the multi-polar system
In general, the dynamics of the multi-polar system, compared with the bipolar system, consist of:
- the permanence of the inter-state game, with either stabilizing or disruptive effects
- a change in the rules of the game (alliances) and of strategic partnerships, weakened by the breakdown of agreements that have become obsolete (SALT, INF)
- an increase in the number of key players (block leaders) and an asymmetrical redistribution of power
- the return of territorial revisionism (rectification of borders)
- a change in the nature of war and the mixing of conventional, nuclear and virtual warfare, and also the sudden and rapid inclusion of cybernetic and satellite spaces as geopolitical and strategy fields.
- a multiplication of tensions and decentralized conflicts, influencing the overall balance of forces.
Thus, any attempt to redefine any one regional order can be conceived today only in the perspective of a global planetary order and of the search for forms of planetary equilibrium and stability. It is by reference to the geopolitical and military triangulation of Russia, the United States and China and, at subordinate level, of Europe, India and Japan, that the relative freedom of the regional powers must be understood. It is there that one of the keys to the hoped-for success of the triad's general strategy lies.
The indispensable strategic dialogue between Europe and Russia
When it comes to Western Europe, the globalization of security issues requires an analysis of the general trends of the multi-polar system and suggests the need to establish a strategic dialogue between Europe and Russia.
The basis of this dialogue is the need to alleviate tensions and challenges to regional and global stability
A false return to the strategic simplifications of bipolarity
The heart of the international multi-polarity system correlates with a plurality of regional subsystems, in global competition with one another. These subsystems are subject to disputed and often exclusive spheres of influence and are of unequal political and military significance.
Faced with a fragmented West, will the goal of reformed (and post-Brexit) Europe be to return to a power play of equilibrium between the United States and Russia, in short to the Gaullist third force strategy that the EU is unable to practice? In prospective terms and on the level of long-term regional balances, US interventions since the Gulf War have altered the previous political and diplomatic relations between Iran, Saudi Arabia, and other countries of the region.
In terms of political modernization, in the Near and Middle East, ideologies imported from the West – liberalism, socialism, secularism – have failed and the only forms of political regimes adopted have been military dictatorships and religious totalitarianism, in permanent conflict.
The United States's revision of its security doctrine is expressed today in the progressive freeze on nuclear arms control agreements.
From a strategic point of view, the US-Russian withdrawal from the START and INF agreements, and from the nuclear agreements with Iran have undermined the diplomatic trust between Western powers and produced a crisis in the United States' relations with Europe.
Elsewhere the balance-of-forces policy in East Asia does not allow us to consider the United States as a balancing pole, but as an integral part of the regional equilibrium, since the exercise of world hegemony makes America a global power and at the same time the strategic centre of gravity of the system. For this reason an increase in tensions appears as a likely prospect within the planetary system, where the main actors do not agree, either on a common conception of the world order, on the rules of conduct to achieve it.
15 avril 2019.
12:03 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, europe, affaires européennes, eurasie, asie, affaires asiatiques, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 11 mai 2019
L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !
L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !
Washington/Berlin: L’ambassadeur américain en Allemagne, Richard Grenell ne cesse pas de se comporter en maître de maison et de s’immiscer dans les affaires intérieures du pays dans lequel il exerce ses fonctions. Récemment, Grenell est revenu à la charge et, menaçant, a averti les Allemands des conséquences que pourrait avoir la poursuite des travaux de construction du gazoduc Nord Stream 2. Aux questions des journalistes de l’hebdo Focus, le « gouverneur » américain a déclaré textuellement : « Du point de vue américain, le gazoduc ne vous alimentera pas seulement en gaz mais aussi en risques croissants de sanctions ».
Pour l’ambassadeur des Etats-Unis, les pays européens se rendent dépendants du gazoduc russe. Il a surtout insister sur un point : « si les entreprises allemandes persistent à travailler à ce projet, les Etats-Unis songeront à imposer des sanctions ». Les mesures de rétorsion, en ce cas précis, frapperont principalement le consortium énergétique Uniper, basé à Düsseldorf, et le producteur pétrolier et gazier Winterschall Dea, basé à Kassel, parce que ces deux entreprises participent à la réalisation de Nord Stream 2.
De surcroît et plus fondamentalement, Grenell a critiqué la politique russe de l’Allemagne, trop laxiste à ses yeux. Il a tenu ensuite des propos hallucinants, en disant qu’il y a seulement quelques années, « il aurait été considéré comme absurde que l’Europe laisse faire la Russie, la laisse occuper la Crimée, abattre un avion, manipuler des élections et utiliser des armes chimiques » .
Article paru sur le site http://www.zuerst.de .
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Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !
Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !
Par Guillaume Berlat
Ex: https://www.les-crises.fr
« Les temps changent. On ne sait pas quand, mais c’est toujours avant qu’on s’en aperçoive » (Catherine Breillat, cinéaste, romancière). Les temps changent, le ton change. Hier bénie, aujourd’hui (presque) honnie. Tel est le traitement que subit désormais la Chine. Au moment où le président chinois, Xi Jinping effectue une brève visite en Europe (Italie, Monaco1, France) en cette dernière décennie du mois de mars 2019, les critiques pleuvent comme à Gravelotte sur l’Empire Céleste2. Violations répétées des droits de l’Homme (Cf. contre les Ouigours ou contre l’ex-président d’Interpol, Meng Hongwei …), visées hégémoniques en Asie, en Afrique, voire en Europe à travers l’initiative des « Nouvelles routes de la soie »; violations graves des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC basée à Genève) en pratiquant une concurrence déloyale, espionnage à grande échelle (Cf. critiques portées contre le géant des télécommunications Huaweï au moment où il concourt au marché de la 5G)…
Telles sont les philippiques qui reviennent le plus souvent, de manière inattendue, dans la bouche des dirigeants occidentaux, européens avec une certaine insistance depuis quelques dernières semaines. Les mêmes qui ne tarissaient pas d’éloge sur l’Empire Céleste, il y a peu encore. Comme si la guerre commerciale contre la Chine dans laquelle s’est lancée Donald Trump avait enfin décillé les yeux de la Belle au Bois Dormant qui a pour nom Europe sur les visées de Pékin. Le temps n’est plus au libéralisme échevelé, à la candeur rafraichissante. Le temps serait plutôt au patriotisme économique, à la Realpolitik, à la défense des intérêts bien compris. Mais, l’Europe (l’Union européenne) divisée et sans cap est-elle bien armée pour mener à bien ce combat contre la puissance montante du XXIe siècle ?3 Puissance normative incontestée, l’Europe est et restera encore longtemps une impuissance stratégique.
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L’EUROPE : UNE PUISSANCE NORMATIVE
Pour tenter de comprendre l’impasse structurelle dans laquelle se trouve l’Union européenne, il est indispensable de se pencher sur la philosophie générale qui a présidé à sa création (la paix par le droit) pour être en mesure d’apprécier la conséquence de cette démarche (la construction par le vide).
La paix par le droit : une nouvelle utopie.
Faut-il le rappeler, comme le Conseil de l’Europe en 1949, l’Union européenne s’est construite sur le mantra de la paix par le droit (celui qui avait si bien fonctionné à l’époque de la SDN…) ! Par sa force intrinsèque et quasi-divine, la norme est censée résoudre tous les problèmes de l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, de l’après-Guerre froide et de la nouvelle Guerre froide. Ni plus, ni moins La construction européenne – du traité de Rome au traité de Lisbonne – s’est reposée sur d’énormes conventions internationales que seuls quelques initiés – dont ni vous, ni moi ne sommes – parviennent à comprendre et à interpréter. À Bruxelles, les hommes forts (les fortes femmes) de la Commission et du Conseil sont les juristes. Ils pondent en permanence de nouvelles normes et traquent l’État délinquant soit celui qui ne respecte pas les valeurs du machin (Hongrie, Pologne, Roumanie), soit celui qui viole les sacro-saintes règles budgétaires (Grèce, Italie, voire France)4. L’Europe à 28/27 n’a toujours ni cap, ni affectio societatis alors même qu’elle est secouée par des vents mauvais tant à l’intérieur (feuilleton sans fin du « Brexit », montée du sentiment national, croissance atone, phénomènes migratoires non contrôlés, terrorisme…) qu’à l’extérieur (Diktats américains, arrogance chinoise, cavalier seul russe, déclin de l’Occident…). « Cette non-personne pèse de l’extérieur, sans habiter notre intérieur »5.
La construction par le vide : une puissance Potemkine
Nous avons aujourd’hui un exemple particulièrement éclairant de la vacuité européenne sur la scène internationale en analysant la relation de Pékin avec la France mais aussi avec l’Union européenne. Mais, un léger retour en arrière s’impose. Au cours des dernières années, sous l’influence de la pensée libérale à l’anglo-saxonne (le tout dérégulation), la Commission européenne (agissant dans l’un de ses domaines de compétence exclusif qu’est le commerce) s’est targuée de négocier et de conclure des dizaines de traités de commerce, de libre-échange avec la planète entière. Nos petits marquis drogués aux lobbies, particulièrement actifs à Bruxelles (« un aéropage technocratique, apatride et irresponsable »), nous expliquent fort doctement que tous ces torchons de papier constituent le nec plus ultra de la mondialisation heureuse6, la meilleure garantie pour les citoyens européens en termes de prospérité et de bonheur (« L’Europe des réponses » chère à Nathalie Loiseau), le signe de L’Europe indispensable7. Or, la réalité est tout autre comme ces mêmes citoyens peuvent s’en rendre compte concrètement.
L’Union n’est qu’un tigre de papier ouvert aux quatre vents. Elle ignore un principe cardinal de la diplomatie classique qui a pour nom réciprocité. Elle ouvre grandes ses portes aux entreprises chinoises alors que leurs homologues européennes sont soumises à des règles drastiques et des pratiques déloyales8. Souvenons-nous que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), porteur de la diplomatie économique, ne jurait que par la Chine. Sans la Chine, point de salut. Or, aujourd’hui, les langues commencent à se délier sur les étranges pratiques commerciales chinoises. Du côté de la Commission européenne, c’était le silence radio. Du côté de nos partenaires, européens, c’était le chacun pour soit et les vaches seront bien gardées. Comme cela est tout à fait normal de la part d’une authentique grande puissance comme l’est la Chine9, Pékin pratique un vieux classique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, le diviser pour mieux régner, la diplomatie des gros contrats pour mieux faire taire les rabat-joie10. Nous en avons un exemple frappant avec l’Italie qui est le premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie »11. Une sorte d’embarquement pour Cythère du XXIe siècle.
L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Les États membres de l’union européenne ne comprendront jamais que « les puissants n’accordent leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude »12. Ils commencent à peine à percevoir que la Chine entend transformer sa puissance économique en puissance diplomatique et stratégique aux quatre coins de la planète.
L’EUROPE : UNE IMPUISSANCE STRATÉGIQUE
Il est important d’en revenir aux fondamentaux des relations internationales. Dans un monde frappé au coin de la prégnance du rapport de forces, la désunion structurelle de l’Europe fait sa faiblesse sur la scène internationale. Par ailleurs, au moment où l’on nous annonce que l’Union se réveille face à la Chine, le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle posture relève encore de la cacophonie.
La désunion fait la faiblesse : l’Europe s’agite
L’opération de charme du nouvel empereur. C’est que le président Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie. Il sait parfaitement caresser ses hôtes français dans le sens du poil. Il le fait avec un sens aigu de l’emphase diplomatique. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se reporter à la tribune qu’il publie dans un grand quotidien français à la veille de sa visite en France. Il la conclut ainsi :
« La responsabilité. Ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations. L’histoire n’a cessé de le prouver au cours des 55 ans écoulés. À l’heure actuelle où l’humanité se trouve à la croisée des chemins, les grands pays du monde ont à assumer les responsabilités qui leur incombent. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France sont invitées à renforcer leur concertation pour défendre le multilatéralisme, préserver les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, relever conjointement les défis, contribuer à la prospérité et à la stabilité dans le monde et promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.
Comme dit un proverbe chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par le premier pas ». L’illustre écrivain français Victor Hugo disait : « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » Aujourd’hui sur un nouveau point de départ historique, la Chine souhaite aller de l’avant avec la France, concrètement et solidement, pour réaliser des accomplissements encore plus éclatants »13.
Et ses officines de propagande (« Échos de Chine ») d’inonder d’encarts publicitaires à l’eau de rose les principaux médias français à la veille de la visite en France du grand timonier sur les thèmes du développement d’un « partenariat stratégique global plus étroit et durable », de « Paris et Wuhan : le Conte de deux cités », de « Beijing et Paris : partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique » (on en tombe à la renverse en se reportant aux facéties environnementales chinoises), de « Faire progresser plus avant les relations franco-chinoises », des « Perspectives de la coopération pragmatique entre la France et la Chine »… En prime, nous avons même droit aux dernières raffarinades : « Cette année sera une année fertile pour les relations franco-chinoises » (on se croirait revenu au temps d’Alice au pays des merveilles). Dans le rôle de l’idiot utile, Quasimodo n’a pas son pareil. Il est tout simplement parfait et impayable. Une fonction étrange pour un ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais qui ne gêne pas du tout l’intéressé. Ce dernier n’aime d’ailleurs pas qu’on vienne le chercher sur ces ambiguïtés : à l’en croire, il ne joue qu’un seul rôle, celui de poisson-pilote en Chine pour les entreprises françaises. Fermez le ban !
Jupiter tombe sous le charme du carnet de chèques chinois. Comment ne pas succomber aux charmes d’une telle sirène qui arrive avec de nombreuses promesses de contrats pour des entreprises françaises (on met à l’eau bouche avec des quantités extravagantes d’achats d’avions [commande de 300 Airbus pour 30 milliards d’euros par la compagnie d’État CASC]14, de navires et d’autres gadgets dont les Gaulois sont particulièrement friands) ? En bon français, cela s’appelle acheter son ou ses interlocuteurs. Comment évoquer le concept grossier de « violations des droits de l’Homme » dans cette ambiance du genre Embrassons-nous Folleville ?15 Fidèle à son habitude, Emmanuel Macron explique lors de sa conférence de presse commune à l’Élysée que la discussion sur la question des droits de l’Homme avec son homologue a été « franche » mais nous n’en saurons pas plus. Diplomatie de la discrétion oblige !
Oubliées les promesses européennes visant à faire front commun contre le tigre chinois (qui n’est pas de papier, les investissements chinois en Europe sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2006 à 42,1 en 2018 après avoir connu un pic de 96,8 milliards en 2017) et vive le cavalier seul, le chacun pour soi dont sont coutumiers les 27/28 ! Il y a fort à parier que les moulinets de Jean-Yves Le Drian (qui accueille le président chinois sur l’aéroport de Nice) sur le thème du double sens des nouvelles routes de la soie feront rapidement pschitt. Il y a fort à parier que les déclarations viriles d’Emmanuel Macron avant la visite officielle chinoise aient autant d’effets positifs sur Xi Jinping que sur Donald Trump en son temps (il devait revenir sur son refus de l’accord sur le climat et sur celui sur le nucléaire iranien, Jupiter nous avait promis). À l’Élysée, Pinocchio (Bijou dans une robe longue rouge immaculée) fait assaut d’amabilités à l’égard de son hôte de marque. Pour nous rassurer sur les bonnes et pures intentions chinoises, quelques experts viennent nous faire la leçon : « La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète »16, « La position de Xi Jinping n’est pas si confortable qu’elle en a l’air »17 au regard de la crise commerciale américano-chinoise18. Il est vrai que quelques nuages assombrissent le ciel bleu chinois après une longue période faste. Est-ce une tendance conjoncturelle ou structurelle ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude. Mais, heureusement, l’Europe a décidé de sortir de sa torpeur pour prendre la mesure du problème. Faut-il avoir peur de la Chine ?19 Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle qui a noué des relations diplomatiques avec la Chine communiste au nez et à la barbe des Américains.
La cacophonie fait la foire : l’Europe se réveille20
Un réveil tardif et mou. Lors de ses entretiens à la villa Kérylos (Beaulieu), Emmanuel Macron prône « un partenariat équilibré » avec Pékin (déficit commercial de la France de 30 milliards d’euros)21. [Il enfonce le clou lors des entretiens à l’Élysée au cours desquels il déroule le tapis rouge et tous les leviers de la diplomatie gastronomique]. Des limites, du piège de la démagogie surtout lorsque nous apprenons qu’Emmanuel Macron, trop faible pour faire le poids, appelle de ses vœux la constitution d’un front européen (uni, nous imaginons !) destiné à déjouer la stratégie et les ambitions planétaires de Pékin. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire. Des mots, toujours des mots… Où est la stratégie suivie d’actes forts d’une Europe unie ? On peine toujours à la découvrir. Ce qui fait le plus défaut à l’Union européenne est sa capacité d’anticipation sans parler de son absence de volonté de prendre à bras le corps les grands problèmes stratégiques du monde. Elle préfère se quereller sur des taux de TVA, de pourcentages de croissance et autres vétilles qui ne contribuent pas à faire d’elle un acteur du monde. En réalité, elle est de plus en plus spectatrice d’un spectacle dans lequel elle joue les seconds rôles. Comme le souligne si justement, Thierry de Montbrial : « Quand on reprend les conversations entre chefs d’État au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’ils ne parlaient pas de tactique, quand ils se rencontraient mais de visions »22. C’est là toute la différence entre celui qui fait l’avenir et celui qui le subit. « La construction européenne vise à surmonter les conflits et les guerres du passé. Elle a pour but la paix, la prospérité, la stabilité, la sécurité. Elle a construit un édifice institutionnel qui est bien huilé et tourne remarquablement bien. Pour renverser la formule d’Emile de Girardin, elle donne l’impression de tourner le dos à l’imprévu pour mieux diriger le cours des choses » comme le souligne un diplomate brillant, Maxime Lefebvre.
Une grande interrogation pour l’avenir.
Que peut-on mettre concrètement à l’actif de l’Union européenne au cours des dernières semaines ?
Une réponse visible, qui n’est pas pour autant efficace, est donnée au bon peuple. Xi Jinping est convié, le 26 mars 2019, à rencontrer à l’Élysée, outre le président Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker23. Drôle de Sainte-Trinité (le terme de Pieds Nickelés serait plus approprié) pour sermonner le Grand Timonier et répondre d’une seule voix aux ambitieuses « routes de la soie » ! Mais, ce trio parle-t-il et a-t-il reçu mandat expresse des autres partenaires pour parler et s’engager en leur nom ? Emmanuel Macron a fait chou blanc avec son sermon aux citoyens européens. Angela Merkel est sur le départ et voit ses prérogatives rogner par son successeur, AKK24. Jean-Claude Juncker, qui ne sera pas reconduit dans ses fonctions après les élections européennes du 26 mai 2019, peine à marcher à trop lever le coude. Mais, Emmanuel Macron nous indique avoir plaidé pour un « multilatéralisme rénové » (que signifie ce nouveau concept ?) et « plus équilibré » auprès de Xi Jinping tout en confessant l’ampleur des désaccords entre la Chine et le trio choc25. Comme le démontre amplement la guerre commerciale américano-chinoise26, Pékin ne comprend que la force dans son état brut. Un grand classique des relations internationales ! Mais, nous sommes pleinement rassurés en apprenant l’existence de « convergences » euro-chinoises à l’Élysée27. Sur quels sujets, c’est un autre problème ! Nous les sommes encore plus en prenant connaissance des déclarations de de Bruno Le Maire selon lesquelles : « Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine ». Un superbe exemple de diplomatie déclaratoire.
Une réponse moins visible mais plus concrète. Le Parlement européen vient d’adopter (février 2019) et demande la mise en œuvre rapide de « l’instrument de filtrage des investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité » 28. Il s’agit à l’évidence d’une initiative heureuse qu’il faut saluer. Encore, faut-il qu’elle trouve sa concrétisation dans les meilleurs délais et qu’elle soit ensuite appliquée avec la plus grande rigueur en cas de violation avérée de ses dispositions. L’Union européenne serait bien inspirée de voir ce qui se passe Outre-Atlantique en la matière29. En dernière analyse, il ne faut pas avoir la main qui tremble.
Une réponse encore hypothétique. Manifestement, du côté de la Commission européenne et sous l’amicale pression des États, on commence à mettre au point une sorte de feuille de route dans les relations UE/Chine30. Voici la relation qui nous en est faite par l’hebdomadaire Le Point.
« Nous avons avec la Chine des relations – comment dire ? – bonnes, mais qui ne sont pas excellentes. La Chine aujourd’hui pour nous est un concurrent, un partenaire, un rival. » C’est ainsi que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, concluait le Conseil européen le 22 mars, en amont de la visite de Xi Jinping en Europe, qui sera suivi, le 9 avril, d’un sommet UE-Chine. Emmanuel Macron a invité le président de la Commission et la chancelière Merkel à se joindre à la visite du leader chinois à Paris, en guise de hors-d’œuvre au futur sommet.
La semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des dix mesures que la Commission a mises sur la table vis-à-vis de l’empire du Milieu, qualifié de « rival systémique ». Un changement de ton qui traduit l’impatience des Européens à voir la Chine s’ouvrir à leurs entreprises – notamment les marchés publics –, cesser le dumping déloyal par ses prix, mettre fin au transfert de technologies forcé. En somme, rejoindre le concert des nations dans le cadre de l’OMC et accepter les règles du marché. Or, ce n’est pas le chemin emprunté par Pékin après son adhésion à l’OMC en 2001. Les Occidentaux ont eu la naïveté de croire que la Chine deviendrait une économie sociale de marché. Elle est demeurée étroitement entre les mains du Parti communiste chinois et a inventé une forme de « capitalisme d’État » qui l’a rendue quatre fois plus riche qu’en 2001…
Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, a prévenu les Européens que les avancées en termes d’ouverture économique s’effectueront à un « rythme raisonnable » et que « les demandes européennes seront « progressivement prises en compte ». Donc, il n’y a pas de « grand soir » à attendre ni de la visite de Xi Jinping à Paris ni du prochain sommet UE-Chine.
Parmi les dix mesures préconisées par la Commission, appuyée par Federica Mogherini, la haute représentante pour les relations extérieures, certaines relèvent encore, disons, des bons sentiments. Quand on pense pouvoir coopérer avec Pékin sur l’ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement, l’Union européenne demeure dans le formalisme diplomatique. Mais il est peu probable que la situation s’améliore, à court terme, au Tibet ou pour la minorité musulmane ouïghour. En revanche, l’Union européenne et la Chine sont davantage en phase sur le climat. Jean-Claude Juncker appellera Pékin à plafonner ses émissions de CO2 avant 2030, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Il existe également une bonne coopération sino-européenne sur le dossier iranien.
La mesure 5 est un peu plus « punchie » puisque l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements, dont la réforme de l’OMC, « en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologies forcés », de même que la protection des indications géographiques. Dans la mesure 6, la Commission appelle le Parlement européen et le Conseil européen à adopter l’instrument international de réciprocité sur les marchés publics avant la fin 2019. Cet appel a été entendu par le Conseil européen qui, dans ses conclusions du 22 mars, appelle à son tour « à la reprise des discussions sur l’instrument international de passation des marchés de l’UE ». On n’en est donc pas à décider. On discute… depuis 2012. L’Allemagne bloquait la discussion. Elle vient de changer d’avis à la faveur de la fusion avortée entre Alstom et Siemens. Ce travail sera donc parachevé lors de la prochaine législature, après les élections européennes. La mesure 7 est également musclée, puisque la Commission se propose de publier des « orientations » afin que les prix proposés dans les marchés publics de l’UE prennent en compte réellement les normes en matière de travail et d’environnement. C’est par ce biais que les concurrents chinois ne pourraient soutenir la concurrence avec les entreprises européennes. Emmanuel Macron, lui, voulait aller plus loin et établir une préférence communautaire dans les marchés publics. Il n’a pas été suivi par une majorité d’États membres. La Commission proposera également de compléter la législation européenne pour contrecarrer les distorsions de concurrence des pays tiers sur les biens et les services échangés dans le marché intérieur. S’agissant de la 5G, la Commission a pris en compte les problèmes de sécurité posés par le leader mondial Huawei et fera des propositions très prochainement, a annoncé Juncker31. On ne peut que se féliciter que Bruxelles ait décidé de ne pas exclure l’équipementier chinois du marché de la 5G32.
Enfin, la Commission invite les États membres à mettre en œuvre le plus rapidement possible, de manière « complète et effective », la récente législation sur le filtrage des investissements étrangers dans les domaines sensibles. Cette législation n’est pas contraignante pour les États, qui sont seulement tenus de s’informer les uns les autres. Cela n’empêcherait nullement, par exemple, l’Italie de poursuivre le partenariat qu’elle vient de signer avec Xi Jinping qui prévoit, dans le cadre du projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie », des investissements chinois dans les ports stratégiques de Gênes et de Trieste. Un protocole d’accord « non contraignant », s’est empressé de dire Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, devant les froncements de sourcils suscités par cet accord à Washington, Bruxelles et Paris. « La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d’investissements dans les deux sens », a assuré, de son côté, Xi Jinping. « La relation entre l’Union européenne et la Chine ne doit pas être avant tout une relation commerciale, elle doit être une relation politique et géostratégique », a souligné Emmanuel Macron, au sortir du Conseil européen. Le commerce est un des aspects, mais si nous construisons de proche en proche une dépendance géopolitique ou stratégique, nous comprendrons rapidement les conséquences que cela peut avoir. Et nous serons perdants sur les deux points. »33
On l’aura compris, nous ne sommes qu’au début d’un très long processus diplomatique avant que toutes ces mesures deviennent contraignantes34. L’unanimité n’est pas garantie tant la Chine dispose de sérieux leviers d’influence sur les États les plus faibles de l’Union (Grèce, Italie…) et que les 27/28 pratiquent la défense de leurs intérêts nationaux avec celle de l’intérêt européen.
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« L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée ». Ce jugement porté par Paul Valéry avant la Seconde Guerre mondiale n’a pas pris la moindre ride en cette fin de deuxième décennie du XXIe siècle. Comme le rappelle fort justement Jean-Pierre Chevènement : « Les Européens se sont accommodés de la vassalisation ». Vassalisation surtout vis-à-vis du grand frère américain depuis la fin de la Première Guerre mondial et soumission vis-à-vis de l’Empire Céleste depuis la fin de la Guerre froide. Comme l’écrit avec le sens aigu de la formule qui est le sien, Régis Debray : « L’Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s’interdit là ou et quand il n’a pas la permission »35. Que veut-il faire avec et/ou contre la Chine qui tisse lentement mais sûrement sa toile des « nouvelles routes de la soie » (« Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie »36), y compris jusqu’au cœur de l’Union (Grèce et maintenant Italie avec l’accord signé par Xi Jinping avec les nouveaux dirigeants37). La réponse est aussi peu claire qu’évidente à ce stade de la réflexion des 27/28. Nous sommes au cœur de la problématique institutionnelle et fonctionnelle de la construction européenne38.
Pourquoi l’Union européenne a-t-elle tant de mal à être unie face à la Chine (« Unité de façade Merkel, Macron-Juncker. Face à l’impérialisme économique de Xi Jinping, l’Europe chinoise ! »39) ? Même si les défis ne manquent pas pour Xi Jinping40, il faudra apprendre à compter avec la Chine et à anticiper des réponses réalistes pour faire jeu égal avec elle41. Aujourd’hui, force est de constater que l’expansionnisme chinois bouscule et divise sérieusement l’Europe qui est restée longtemps inerte42. Longtemps, trop longtemps, le mot « réciprocité » a été considéré comme un mot tabou, grossier du côté européen. Il semble qu’aujourd’hui il soit devenu cardinal dans la langue de certains de nos dirigeants toujours en retard d’une guerre43. Révolution copernicienne pour certains, tournant pour d’autres44. Le temps est venu de trancher le nœud gordien. D’ici là, quand l’Europe s’éveillera vraiment (nous ne savons toujours pas quand compte tenu de son inertie habituelle), le risque est grand qu’elle soit depuis longtemps empêtrée dans la nasse pékinoise et que la Chine s’esclaffera.
Guillaume Berlat
1 avril 2019
1 Alice George, Albert et Charlène de Monaco reçoivent le président chinois et son épouse. Dans les coulisses d’une visite d’État, Point de vue, 27 mars-2 avril 2019, pp. 34 à 37.
2 Gabriel Grésillon/Frédéric Schaeffer, Le président chinois Xi Jinping amorce une tournée Pékin dans une Europe vigilante mais divisée face à Pékin, Les Échos, 21 mars 2019, pp. 6-7.
3 François d’Orcival, Les routes de la puissance et de l’intimidation, Valeurs actuelles, 28 mars 2019, p. 4.
4 Guillaume Berlat, De l’Europe de la sanction à la sanction de l’Europe, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018.
5 Régis Debray, L’Europe fantôme, collection « Tracts », Gallimard, 2019, p. 34.
6 Guillaume Berlat, Mondialisation heureuse, balkanisation furieuse, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 mars 2019.
7 Nicole Gnesotto, L’Europe indispensable, CNRS éditions, mars 2019.
8 Pierre Tiessen/Régis Soubrouillard, La France made in China, Michel Lafon, 2019.
9 Guillaume Berlat, Quand la Chine s’éveillera vraiment…, www.prochetmoyen-orient.ch , 14 janvier 2019.
10 Jean-Michel Bezat, Pékin emploie la diplomatie des gros contrats avec les Occidentaux, Le Monde, 27 mars 2019, p. 2.
11 Jérôme Gautheret, L’Italie, premier pays du G7 à prendre les « nouvelles routes de la soie », Le Monde, 26 mars 2019, p. 5.
12 Bernard Simiot, Moi Zénobie reine de Palmyre, Albin Michel, 1978, p. 208.
13 Xi Jinping, « La Chine et la France, ensemble vers un développement commun », Le Figaro, 23-24 mars 2019, p. 16.
14 Il convient de rappeler que cette commande avait déjà annoncée, il y a un an déjà, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Chine. Tous ces Airbus seront assemblés en Chine par des ouvriers chinois. Pour remporter ce contrat géant, Airbus aura dû consentir à d’importants transferts de technologies. Pékin n’aura pas dû se livrer à quelques activités d’espionnage pour obtenir des secrets de fabrication. Les clés de la Maison lui auront été confiées. Et, tout cela intervient en toute légalité…
15 François Bougon, La Chine cherche à imposer un nouvel ordre mondial de l’information, s’inquiète RSF, Le Monde, 26 mars 2019, p. 17.
16 Frédéric Lemaître/Marie de Vergès, La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète, Le Monde, Économie & Entreprise, 22 mars 2019, p. 14.
17 Jean-Philippe Béja, La position de Xi Jinping n’est pas si i confortable qu’elle en a l’air, Le Monde, 26 mars 2019, p. 29.
18 Cyrille Pluyette, L’autorité de Xi Jinping écornée, Le Figaro, 6 mars 2019, p. 7.
19 Renaud Girard, Faut-il avoir peur de la Chine ?, www.lefigaro.fr , 25 mars 2019.
20 Isabelle Lasserre, Le réveil des Européens face à la Chine, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
21 Cyrille Pluyette, Macron prône un partenariat équilibré avec Pékin, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
22 Thierry de Montbrial (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La principale rupture du système international remonte fut 1989 et non 2001 », Le Figaro, 18 mars 2019, p. 20.
23 Brice Pedroletti/Marc Semo, L’Europe affiche son unité face à Pékin. Front européen face à la Chine de Xi Jinping, Le Monde, 27 mars 2019, pp. 1-2.
24 Thomas Wieder, « AKK », la dauphine de Merkel marque sa différence, Le Monde, 27 mars 2019, p. 4.
25 Michel de Grandi, Les Européens invitent la Chine à respecter « l’unité de l’Union », Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
26 Sylvie Kauffmann, L’Europe, champ de bataille sino-américain, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
27 Alain Barluet, « Convergences » euro-chinoises à l’Élysée, Le Figaro, 27 mars 2019, p. 8.
28 Éric Martin, L’Union européenne va-t-elle se laisser acheter ? Le filtrage des investissements étrangers en Europe, https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lunion-europeenne-va-t-se-laisser-acheter-filtrage-investissements , mars 2019.
29 Marie de Vergès, Trump : un an d’escalade protectionniste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 17.
30 Frédéric Lemaître/Jean-Pierre Stroobants/Brice Pedroletti, L’UE durcit le ton face à la Chine, Le Monde, 21 mars 2019, p. 2.
31 Sebastien Dumoulin, L’Union européenne se coordonne face à Huawei, Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
32 Jean-Pierre Stroobants, Huawei : face aux pressions américaines, l’Europe résiste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 18.
33 Emmanuel Berretta, Les 10 préconisations de Bruxelles face à la Chine, www.lepoint.fr , 26 mars 2019.
34 Éditorial, UE-Chine : le bon virage de Paris, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
35 Régis Debray, précité, p. 24.
36 Frédéric Pagès (propos presque recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Xi Jinping : « Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie », Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
37 Olivier Tosseri, L’Italie sera bientôt la porte d’entrée des nouvelles routes de la soie en Europe, Les Échos, 21 mars 2019, p. 6.
38 Louis Vogel, Les 7 péchés capitaux de l’Europe, Ramsay, 2019.
39 Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
40 Éric de la Maisonneuve, Les défis chinois : la révolution Xi Jinping, éditions du Rocher, mars 2019.
41 Hervé Martin, Les Chinois attrapent les États par la dette, Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 3.
42 Fabrice Nodé-Langlois/Valérie Segond, Les ambitions de Xi Jinping prospèrent dans une Europe divisée, Le Figaro économie, 20 mars 2019, pp. 19-20-21.
43 Anne Rovan, Face à la Chine, Bruxelles tente de trouver la parade, Le Figaro économie, 20 mars 2019, p. 21.
44 Sylvie Kauffmann, Chine-Europe : le tournant, Le Monde, 21 mars 2019, p. 31.
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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 01-04-2019
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vendredi, 10 mai 2019
Beaucoup d’Allemands veulent comprendre la Russie
Beaucoup d’Allemands veulent comprendre la Russie
Une soirée avec Gabriele Krone-Schmalz
par Matthias Klaus
Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr
La théorie, selon laquelle il existe une grande différence entre les opinions publiées dans nos médias mainstream et les opinions réelles des citoyens allemands, est confirmée régulièrement. Dans la ville de Villingen-Schwenningen en Forêt-Noire, Gabriele Krone-Schmalz a récemment plaidé – dans le cadre de la série d’interviews «Autor im Gespräch» [entretien avec un auteur] – pour la normalisation des relations germano-russes et pour une entente avec la Russie fondée sur la raison et la compréhension. Cette approche a rencontré un écho très favorable.
La grande affluence dans la nouvelle salle de concert, avec l’accueil de plus de 600 visiteurs, a démontré à quel point les actuels récits unilatéraux concernant la Russie préoccupent les citoyens allemands. On a ressenti un fort besoin d’entendre une voix dissidente à l’opinion publiée, différant agréablement de la continuelle «diabolisation de la Russie». Le sous-titre de son dernier livre «Eiszeit» [L’âge de glace] est «Comment la Russie est diabolisée et pourquoi cela est si dangereux».
Gabriele Krone-Schmalz a déjà obtenu de nombreux prix et distinctions pour son engagement exemplaire, dont notamment, en 1997, la Croix fédérale du mérite du gouvernement allemand pour «la qualité de la couverture télévisée».
Au début de l’entretien, Mme Krone-Schmalz a expliqué à quel point on peut abuser de la langue, pour ne plus devoir écouter, voire prendre au sérieux un interlocuteur, en le qualifiant de «celui qui comprend la Russie» [«Russlandversteher»]. Le désir de comprendre les réflexions d’autrui, d’être capable de se mettre dans sa situation – c’est-à-dire de ressentir de l’empathie – est généralement considéré comme un objectif souhaitable. Mais la combinaison de mots dans le terme polémique de «Russlandversteher» est censée avoir l’effet contraire sur l’esprit du lecteur ou de l’auditeur. Par la création de ce nouveau terme, toute personne souhaitant comprendre la Russie ou le président Poutine est dévalorisé, transformé en «partisan de Poutine», banni de tout intérêt.
Mais c’est exactement ce que l’historienne et journaliste tente de faire. Une politique étrangère sensée exige que nous prenions en compte les intérêts d’autrui. Cependant, il n’a jamais été et n’est toujours pas dans l’intérêt de l’Occident (des Etats-Unis) que l’Allemagne et la Russie se rapprochent et coopèrent. L’exemple actuel est la tentative du gouvernement américain d’empêcher la construction du gazoduc Nord Stream 2.
Selon elle, la déclaration de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, en fonction de laquelle l’Allemagne doit également développer une option militaire envers la Russie, est extrêmement inquiétante. Mme Krone-Schmalz a mis en garde contre le fait d’aller de l’avant dans cette direction. La Russie se sent à juste titre rejetée et menacée par l’expansion vers l’Est de l’OTAN et par les missiles stationnés en Pologne et en République tchèque. Il est facile de remplacer de tels missiles défensifs par des missiles d’attaque.
L’écrasante majorité de la population allemande est favorable à de bonnes relations avec la Russie, mais l’opinion et la politique mainstream n’en tiennent pas compte. Mme Krone-Schmalz y voit un danger pour le système politique allemand.
Au cours de la dernière demi-heure, les auditeurs ont eu l’occasion de poser des questions et de participer au débat. Un auditeur a soulevé le fait du jumelage de Villingen-Schwenningen avec la ville de Tula. Mme Krone Schmalz a volontiers abordé ce sujet. Pour elle, l’expansion et la mise en place active de jumelages dynamiques avec la Russie constituent un antidote important à la politique russophobe actuelle de l’Allemagne. •
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Récupération politique: Anciennes et nouvelles tentatives de justifier l’hégémonie des USA et de l’UE
Récupération politique
Anciennes et nouvelles tentatives de justifier l’hégémonie des USA et de l’UE
par Karl Müller
Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr
Dans un livre publié en 1999 par le journaliste et chroniqueur américain au «New York Times» Thomas L. Friedman («Understanding Globalisation. Between Marketplace and World Market» [Comprendre la mondialisation. Entre la place du marché et le marché global]) figure le chapitre intitulé «The Geopolitics of Globalisation». On peut y lire «l’importance des Etats-Unis pour le monde à l’ère de la globalisation». La «plus grande partie du monde» aurait «compris que le monde serait beaucoup moins stable sans la force des Etats-Unis». Une «mondialisation durable» exige une «structure stable du pouvoir» et aucun pays n’y joue «un rôle plus important que les Etats-Unis». Cette «stabilité» repose également sur «la puissance des Etats-Unis et leur volonté de l’utiliser contre quiconque menace le système globalisé – de l’Irak à la Corée du Nord»: «La force invisible faisant prospérer la technologie du Silicon Valley est constituée par l’armée de terre, l’armée de l’air, la marine et les marines étatsuniens». Et de continuer: «Sans la politique étrangère et de défense active des Etats-Unis, le système globalisé ne peut être maintenu.»
De Friedman à la consternation de Snowden …
Dans le film de 2016 d’Oliver Stone sur Edward Snowden, on assiste à une scène significative. Snowden a été invité à une réunion avec de hauts responsables du renseignement américain. Il demande à l’un de ces agents du renseignement pourquoi de très nombreux millions de personnes dans le monde entier sont espionnés en cachette. La réponse qu’il obtient est que tout cela n’a qu’un seul but: rendre le monde plus sûr et prévenir les guerres. Pour cela, le monde a besoin des Etats-Unis et de leurs services de renseignement.
… jusqu’à Robert Kagan
Robert Kagan, leader d’opinion néoconservateur des Etats-Unis, époux de Victoria Nuland (co-responsable du coup d’Etat de 2014 en Ukraine) et membre du Council on Foreign Relations, a publié dans le mensuel Foreign Affairs d’avril 2019 un article sur l’Allemagne, l’UE et les Etats-Unis. Le titre: «The New German Question. What Happens When Europe Comes Apart?» [La nouvelle question allemande. Que se passe-t-il lorsque l’Europe quitte le droit chemin?]. Le raisonnement se base sur les constructions suivantes: la création du Reich allemand en 1871 a créé au centre de l’Europe un foyer à troubles trop puissants, plongeant l’Europe et le monde dans deux guerres mondiales. Après 1945, il fut possible de stabiliser ce foyer à troubles – grâce à la garantie sécuritaire américaine pour l’Europe et à la politique européenne des Etats-Unis, grâce au système de libre-échange international dirigé par les Américains, grâce à une vague démocratique en Europe émanant des Etats-Unis et, notamment aussi, grâce à la lutte contre le nationalisme européen des USA, de l’UE et de ses organisations précédentes. Selon Kagan, dans la situation actuelle, tout cela n’est plus garanti et suscite donc de vives inquiétudes – notamment en prenant en compte l’Allemagne future.
Tentatives de justification de l’hégémonie américaine …
A ces trois tentatives de justifier l’hégémonie américaine dans le monde ainsi que l’élargissement du pouvoir de l’UE et de ses organisations prédécesseurs en Europe au cours des deux dernières décennies, on pourrait en ajouter de nombreuses autres. Toutes ont en commun qu’elles ne résistent pas à un examen pertinent – même si elles sont toujours et encore maintenues.
… et de l’UE
Du 23 au 26 mai se tiennent dans les Etats membres de l’Union européenne les élections des députés au «Parlement» européen pour un nouveau mandat de cinq ans. La campagne électorale bat son plein. Les arguments justifiant de telles élections et les activités de cette assemblée de l’UE – en réalité, il ne s’agit pas d’un réel Parlement, car il lui manque des conditions préalables essentielles – ainsi que l’UE dans son ensemble sont apparemment très minces. C’est pourquoi les propagandistes recourent à des fantasmes et des distorsions historiques. Ils sont assistés par les «alliés» étatsuniens ayant depuis 1945 un intérêt manifeste à affaiblir les Etats-nations européens et souverains en leur imposant ce qu’ils appellent, par euphémisme, «globalisation». En réalité, ils ne craignent pas le «nationalisme» – cette notion est elle aussi mise en scène et instrumentalisée quand elle semble «utile» –, mais les fondements constitutionnels à caractère libéral, démocratique, juridiques et sociaux des Etats souverains représentés dans une «Europe des patries». Une UE gouvernée de haut en bas leur semble être un vassal plus maniable.
L’incendie de «Notre-Dame» a déclenché un engouement …
L’abus pour l’engouement de l’incendie et du débat autour de la reconstruction et du financement de la cathédrale «Notre-Dame» de Paris pour la campagne électorale actuelle est absurde. La revue de presse du Deutschlandfunk du 17 avril constatait «que le thème dominant des commentaires du jour était l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris» suivi d’un certain nombre de citations.
La «Frankfurter Allgemeine Zeitung» a écrit: «L’incendie du 15 avril 2019 à Paris restera dans les annales. Il a frappé le symbole d’un pays déchiré et divisé. Depuis novembre, le mouvement des Gilets jaunes avec ses protestations partiellement violentes a forcé les dirigeants de l’Etat de sortir de la réserve. Suite à une évolution totalement inattendue de l’Histoire, l’incendie catastrophique survenue juste avant les fêtes de Pâques, a imposé un moment d’arrêt à la France. Brièvement, l’horreur de la cathédrale Notre-Dame en flammes a créé une cohésion ayant cruellement fait défaut ces derniers mois».
La «Neue Osnabrücker Zeitung» a réagi ainsi: «Dans l’horreur commune, de nombreuses personnes ont redécouvert les forces unificatrices des valeurs, de la cohésion et même de la beauté. Maintenant, cette catastrophe libère des énergies inattendues. Soudainement, les valeurs se retrouvent au-dessus du marché qui semblait tout dominer. Les familles milliardaires Pinault et Arnault veulent à elles seules faire don de trois cents millions d’euros pour la reconstruction. L’argent s’incline devant la culture. Ce n’est pas le moindre des messages transmis suite à ce malheur. Plus important que l’argent est le fait que l’Europe ait trouvé, avec la reconstruction, une tâche commune. Cela unit à nouveau.»
La «Stuttgarter Zeitung» écrit: «‹Nous les reconstruirons ensemble›, a annoncé le président Macron. Il ne fait aucun doute que Notre-Dame brillera à nouveau, un jour, dans toute sa nouvelle splendeur. Ce qui fut possible à Reims et à Rouen où les cathédrales détruites pendant la guerre furent merveilleusement restaurées, se répétera à Paris. Mais les propos de Macron vont au-delà des aspects financiers et techniques. Ils témoignent de l’espoir que ce choc puisse être salutaire et réunisse à nouveau la nation.»
… pour un «sentiment du vivre-ensemble européen» à l’américaine
Le «Reutlinger General-Anzeiger» renchérit dans les termes suivants: «Il se peut que le terrible incendie ait fait prendre conscience à l’un ou l’autre qu’il existe quelque chose comme une conscience européenne et un sentiment de solidarité au-delà des égoïsmes nationaux. Si tout le monde se réunit pour aider, la reconstruction pourra réellement réussir. Notre-Dame ne sera plus jamais la même, mais elle pourrait devenir un symbole de la solidarité européenne.»
Finalement, il y a encore les «Westfälische Nachrichten»: «Notre-Dame étant un patrimoine européen commun, la reconstruction – comme ce fut le cas autrefois avec la Frauenkirche à Dresde – est une tâche commune pour tous les Européens. Ce serait une lueur d’espoir dans cette catastrophe, si la douleur vécue ensemble conduisait à un sentiment de communauté français et européen.»
Que les plumes s’alignent toutes sur la même idée peut avoir deux raisons: soit tous les éditorialistes tirent dans le mille, soit il s’agit de tout autre chose, par exemple d’une campagne médiatique coordonnée et orientée politiquement.
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jeudi, 09 mai 2019
L'éclipse de Jupiter
Wikipédia donne la définition suivante du régime autoritaire, c’est « le caractère autoritaire, arbitraire, d’un pouvoir politique qui veut imposer à la société et aux citoyens son idéologie et la toute-puissance de l’Etat. Les rapports entre les gouvernants et les citoyens sont fondés sur la force et non sur une légitimité démocratique« .
C’est la description exacte de LREM qui tente par tous les moyens d’imposer à la société française sa conception de l’Europe fédérale, de la mondialisation, du multiculturalisme, de l’islam, de la Justice, de la migration africaine… et de la fiscalité dont la Constitution dit pourtant qu’elle doit être fondée sur le consentement des citoyens. Et cela sur la base électorale d’un quart des Français, ce qui ne donne pas de légitimité démocratique, seulement légale.
Il utilise pour cela les médias écrits et audiovisuels. Il les contrôle financièrement par les subventions copieuses et avantages fiscaux qu’il leur accorde. Et il leur demande de justifier l’usage de la force incarnée par les gros bras de Christophe Castaner dont la spécialité est de jeter de l’huile sur le feu des problèmes sociaux.
Pour les Français Macron est autoritaire et arrogant
Les Français en sont parfaitement conscients si l’on en croit le dernier sondage d’Elabe-BFMTV.
Pour 79 % d’entre eux, Macron est autoritaire, et pour 71 % arrogant.
Polemia et Contrepoints croient voir cet autoritarisme glisser lentement mais sûrement vers le totalitarisme, comme en témoignent les nombreuses lois votées par les godillots de l’Assemblée Nationale. Elle aboutissent toutes à de plus en plus d’interpellations, de mises en examen, de condamnations, de plus en plus d’interdictions et de contrôles de l’expression libre des Français, de plus en plus de prérogatives que s’accorde l’État en jouant à saute-moutons par dessus la représentation nationale et l’expression directe des citoyens.
Le traitement infligé aux Gilets Jaunes, ce caillou que Macron a dans sa chaussure, en est un bon exemple. Après avoir tenté le pourrissement du mouvement par le mépris, la corruption (les 10 milliards de décembre 2018), l’insulte (peste brune, extrême droite, ces gens qui ne sont rien, homophobes, etc.) et le mépris (incapables de s’organiser, de désigner des leaders, de définir clairement leurs revendications…), Macron a tenté la force : un peu plus de deux cents blessés graves dont une centaine resteront handicapés à vie (yeux crevés, enfoncements de la zone temporale, mâchoires pulvérisées…), arrestations nombreuses et fortes amendes en comparaison de la clémence dont bénéficiaient les Antifas et Black blocs de l’extrême gauche que beaucoup de Français considèrent maintenant comme les nervis, les milices du pouvoir macronien.
C’est l’échec. Les Gilets Jaunes sont toujours là, moins nombreux mais de plus en plus énervés, à demander de bonnes réponses à leurs attentes.
Même la minoration systématique du comptage des manifestants sur les ronds-points et dans les manifestations a échoué. Le monopole et la publication des chiffres à la presse a été réservé au ministère de l’Intérieur, ce qui permettait d’affirmer que le nombre de Gilets Jaunes chutait de semaine en semaine alors que les reportages les montraient toujours aussi nombreux ou presque, mais pas forcément là où ils étaient comptés. Comme cette fois où le comptage fut fait aux Champs Elysées alors que le rendez-vous des Gilets Jaunes était au pied du Sacré-Cœur ! Et, vous l’avez remarqué, il y avait 70 à 80 000 représentants de l’ordre mobilisés à chaque « acte » des Gilets Jaunes le samedi, mais dix fois moins pour le défilé des syndicats le 1er mai que Martinez de la CGT a du quitter à cause des violences !
« Macron ne comprend rien » (Yves Thréard, Alain Bauer)
Tout a échoué. Que ce soit le pourrissement, la force, le dénigrement, les fake-news gouvernementales. Cela démontre le caractère très artificiel et superficiel de l’intelligence prêtée à Macron. Nous le dénonçons depuis ses premiers discours en tant que ministre de Hollande, puis de candidat à la présidentielle ; nous sommes aujourd’hui rejoints par des célébrités de l’information et des médias comme Yves Thréard du Figaro ou l’ancien Grand Maître du Grand Orient de France et criminologue Alain Bauer. Ils s’accordent sur le constat que « Macron ne comprend rien » aux Gilets jaunes qu’il méprise et n’arrive pas à faire entrer dans les petites cases politiques et sociales qui lui ont été enseignées à l’ENA.
Il ne comprend pas les Français dont tous, si on les prend individuellement, ne sont peut-être pas très intelligents, mais qui en moyenne et pris globalement sont plus intelligents que les énarques. Comme l’a constaté en 2017 Patrick Gérard, le directeur de l’ENA, en déclarant « les énarques sont en-dessous de la moyenne« .
Les Français ont été jusqu’à 80 % à soutenir les Gilets Jaunes. Quand le gouvernement et la presse ont faussé l’information en affirmant que les violences dans les « actes » du samedi était le résultat de la radicalisation des manifestants en gilet jaune, et que leur nombre baissait à chaque acte, ce soutien à chuté à 60 %. Mais depuis, les Français ont compris que l’origine de la violence se trouve dans les milices d’extrême gauche, black blocs et antifas, que les forces de maintien de l’ordre avaient l’ordre de laisser passer sans les filtrer. « L’approbation » (soutien + sympathie) des Français pour le mouvement des Gilets Jaunes est remontée et serait, selon le dernier sondage, Elabe-BFMTV à 67 %, soit les deux tiers des Français.
Macron « manage » mal ses équipes
Macron ne comprend d’ailleurs rien à bien d’autres domaines à commencer par le management d’une équipe.
Par exemple, il n’a pas compris que les Gilets Jaunes fonctionnent selon un concept mis en œuvre dans les start-up en début de carrière : la « blockchain ». Il consiste à attendre que la ligne directrice qui assurera le succès de l’entreprise soit claire avant de décider qui seront les leaders officiels et quels seront les axes de la politique de l’entreprise. Il est d’ailleurs possible que la blockchain ne donne rien dans le cas des Gilets Jaunes, si aucun leader incontestable et aucune ligne politique n’émerge dans un délai raisonnable. Mais probablement veulent-ils seulement être entendus.
La débâcle du propre cabinet de Macron dont un tiers les éléments sont partis ou ont démissionné est une autre preuve de sa mauvaise gestion du personnel.
Les erreurs en économie se multiplient
Il ne comprend rien non plus à l’économie, mais la faute en revient à l’enseignement archaïque, professé tant à Sciences Po qu’à l’ENA, dont le résultat est l’incapacité des énarques à redresser les finances et l’économie de la France comme l’ont fait la quasi totalité des autres pays européens.
Macron n’a pas compris non plus que la solution n’est pas de fermer l’ENA. La France a besoin d’une élite administrative. Il suffit d’y moderniser l’enseignement de l’économie et des finances et d’y réintroduire des matières qui en ont été supprimées ou réduites à la portion congrue depuis une vingtaine d’années sous prétexte de progressisme, comme l’histoire, sans laquelle il est impossible de prendre les bonnes décisions faute de pouvoir s’appuyer sur l’expérience du passé.
Ensuite, de diviser par deux le nombre des candidats admis car il y a trop d’énarques, et de leur interdire l’accès aux carrières politiques tant qu’ils n’auront pas démissionné de la fonction publique. Cela permettra à la France de remonter dans le classement international de la corruption administrative et politique où elle n’est qu’au 21ème rang, ce qui, sans être dramatique, n’est pas brillant !
Une communication d’amateurs
Et Macron, malgré tout ce que l’on raconte, n’est pas bon en communication non plus et ne sait pas choisir ses communicants, sinon nous n’aurions pas des couacs comme le dernier est très récent : en pleine conférence de presse, le Président de la république l’a affirmé, il n’y aura plus de fermeture d’hôpital. Patatras, deux jours plus tard on apprend que Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes) va voir son hôpital fermer par manque d’infirmiers et de médecins.
Autre erreur, alors que Le Figaro publiait une tribune signée par 1170 personnalités du monde entier demandant que Notre-Dame soit réparée à l’identique dans le style gothique en prenant le temps nécessaire, le gouvernement faisait voter la loi disant qu’il va légiférer par ordonnances pour aller plus vite et « moderniser » la cathédrale.
Et enfin cette touche qui ne manque pas d’humour : Youtube annonce que les amateurs de vidéos verront bientôt s’afficher un bandeau sous les vidéos des médias publics ou gouvernementaux. Ce « label de transparence », précisera d’où vient le financement de l’éditeur et renverra vers sa page Wikipédia. Ceci pour donner aux internautes la possibilité de « mieux comprendre les sources des actualités qu’ils regardent ».
Au gouvernement, cette mesure suscite l’embarras : On va « assimiler les médias du service public à des médias d’Etat dans des régimes autoritaires ». Tiens donc !?
Pour un autre dirigeant de France Télévisions, cela risque « d’induire en erreur » le public, pour qui « la subtilité institutionnelle du service public à la française n’est pas forcément très claire ». Toujours cette même idée qu’au gouvernement ils sont trop intelligents et trop subtils pour que les Français comprennent pourquoi ils auraient besoin d’une propagande d’Etat dissimulée !
Ne riez pas, c’est vous qui payez !
L’image présidentielle de Macron était déjà ternie par des erreurs comme la Fête de la Musique de l’an dernier ou des frotti-frotta avec des jeunes délinquants antillais qui n’ont rapporté aucune voix à LREM. Maintenant, les Français doutent aussi de ses compétences intellectuelles et de sa capacité à redresser la France, réduire la dépense publique et les impôts, réformer la fonction publique quand, de surcroît, ils voient l’échec de sa politique européenne. Pratiquement aucun pays d’Europe n’en veut, pas même l’Allemagne comme le lui a dit crûment Annegret Kramp-Kattenbauer qui succède à Angela Merkel à la tête de la CDU allemande.
L’Imprécateur
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Macron rejette les critiques par l’ONU des violences policières contre les «gilets jaunes»
Macron rejette les critiques par l’ONU des violences policières contre les «gilets jaunes»
Le gouvernement Macron a rejeté les déclarations de l’ONU qui condamnent sans ambiguïté les violences policières commises contre les «gilets jaunes». De la part de l’ONU, une organisation à la botte des puissances impérialistes qui a donné son aval à des guerres de l’OTAN comme celle de Libye en 2011, ces déclarations constituent un aveu que la répression brutale menée par Macron choque des millions de gens dans le monde.
Selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu plus de 1900 blessés parmi les «gilets jaunes» dont 94 blessés graves, victimes des tirs de balles de défense ou des grenades de la police. La famille de Zinab Redouane, une octogénaire tuée en décembre à Marseille par un tir de grenade lacrymogène en plein visage alors qu’elle fermait ses volets au 4e étage, porte plainte. L’agression violente par la police de personnes âgées témoigne de la violence généralisée des forces de l’ordre, qui ont éborgné ou arraché des mains à des dizaines de manifestants.
Des chiffres publiés par Le Monde du 1er février font état de 9 228 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) depuis le début du mouvement et de 116 enquêtes judiciaires confiées à la police des polices dont 10 pour des blessures à l’œil irréversibles. A cela, il faut ajouter depuis le 17 janvier 71 blessures dues à des tirs de LDB, nombre d’entre elles «irréversibles», comme des mâchoires détruites, des mains et des pieds arrachés.
Il faut aussi ajouter les dix «gilets jaunes» morts sur les blocages de routes ou de ronds points. Benoît, 29 ans, gravement blessé à la tempe par un tir de LBD-40 à Toulouse le 1er décembre 2018, est, lui, dans le coma. Geneviève Legay, une septuagénaire de Nice est tombée dans le coma, gravement blessée à la tête après avoir été violemment heurtée par un policier.
Dans un discours prononcé en mars devant le Conseil des droits de l’homme à Genève, Michelle Bachelet a demandé «urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force».
La Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a également constaté que «les gilets Jaunes manifestent contre ce qu’ils considèrent comme leur exclusion des droits économiques et de leur participation aux affaires publiques […] Ils réclament un dialogue respectueux et de vraies réformes». Bachelet a cité la France parmi les pays ou les manifestants « sont accueillis par un usage violent et excessif de la force, par des détentions arbitraires, des tortures et même selon certaines informations des exécutions extrajudiciaires».
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a réagi à ces déclarations de l’ONU en leur opposant une fin de non recevoir totale. Il s’est dit « étonné» de voir la France citée «sur une liste entre le Venezuela et Haïti … où il y a eu des morts».
Griveaux a prétendu que «le niveau d’inclusion économique et démocratique en France est, selon les standards de l’ONU, un des plus élevés au monde».
Ainsi, Macron compte continuer la répression sanglante des «gilets jaunes», au mépris de l’ONU, des droits démocratiques et de l’opinion de millions de travailleurs en France et dans le monde. Cette réaction insouciante de Griveaux à la dénonciation par l’ONU de sa destruction des normes démocratiques de la société bourgeoise et des violences policières montre l’hypocrisie répugnante du gouvernement français.
En 2011, les puissances impérialistes faisant partie du Conseil de Sécurité, dont la France, et leurs alliés ont dénoncé les menaces de répression de leurs populations par les régimes libyen et syrien. Elles ont lancé des guerres en déclarant que le simple risque que ces régimes pourraient tuer ou blesser leurs citoyens était si intolérable qu’il fallait bombarder ou envahir ces pays. Ces guerres dans l’ancienne sphère d’influence de l’impérialisme français ont fait des centaines de milliers de victimes et des dizaines de millions de réfugiés.
Mais quand c’est l’État français qui tue, estropie, défigure et terrorise ses citoyens qui manifestent et sont dans leur écrasante majorité pacifiques, et que l’ONU dénonce ces actions, Macron traite cela comme si cela n’avait aucune importance. Il publie ensuite divers documents pour insister que les armes les plus sanglantes sont indispensables pour écraser l’opposition de centaines de milliers de travailleurs à sa politique.
Dans un argumentaire de 21 pages, les autorités françaises justifient leur recours aux grenades (lacrymogènes et de désencerclement) et aux LBD en traitant les manifestations des «gilets jaunes» d’émeutes violentes: «A aucun moment le LBD n’est utilisé à l’encontre de manifestants, même véhéments, si ces derniers ne commettent pas de violences physiques, notamment dirigées contre les forces de l’ordre ou de graves dégradations. Mais alors il ne s’agit plus de manifestants, mais de participants à un attroupement violent et illégal.»
Sur le LBD, si le gouvernement admet que «des cas de mésusages sont toujours malheureusement possibles, (…) ils ne sauraient remettre en cause l’utilisation régulière de cette arme en cas de nécessité.» Il nie par ailleurs toute «pratique intimidante» dans son recours massif à des contrôles d’identité et des interpellations aux alentours des lieux de rassemblement.
Les réactions de l’État français sont des évasions cyniques. Face à l’hostilité des travailleurs et des jeunes dirigée contre la montée de l’inégalité économique en France et la politique d’austérité et pro guerre du gouvernement Macron, celui-ci s’appuie sur l’État policier mis en place par le gouvernement PS et, après avoir salué le «soldat Pétain», sur une politique fascisante.
L’État français compte maintenir les politiques d’austérité et de militarisme qui dominent à travers l’Europe capitaliste en terrorisant et écrasant l’opposition des travailleurs, et en produisant une montée historique de la répression. La mobilisation de blindés, puis des militaires de la mission anti-terroriste Opération Sentinelle contre les «gilets jaunes», témoigne d’un degré de violence officielle contre les manifestants qu’on n’a pas vu en France depuis les luttes ouvrières qui ont suivi la Libération de la France du régime de Vichy.
Chaque samedi, des dizaines de milliers de policiers sont mobilisés avec carte blanche pour réprimer physiquement les «gilets jaunes». Rien que pour l’acte XXIII, plus de 60.000 policiers ont été mobilisés à travers le pays, utilisant des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Le ministère de l’Intérieur a signalé qu’il avait arrêté plus de 200 personnes et en avait fouillé 17.000 alors qu’elles tentaient d’entrer dans la capitale.
La police cible de plus en plus des journalistes qui font des reportages sur la répression policière. Parmi ceux-ci, Gaspard Glanz, journaliste indépendant et fondateur de Taranis News. Un autre journaliste, Clément Lanot, a publié sur Twitter une vidéo montrant des policiers qui le visaient et tiraient sur lui avec un lanceur de balles de défense. Une troisième journaliste aurait également été grièvement blessée à la main par l’explosion d’une grenade de désencerclement. Une vidéo sur les réseaux sociaux montre son évacuation par d’autres manifestants.
- Source : WSWS
09:56 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, gilets jaunes, france, europe, affaires européennes, onu, emmanuel macron, répression policière, état policier, violences policières | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 08 mai 2019
Un futur Iran bonapartiste ?
Un futur Iran bonapartiste ?
La question de l’avenir immédiat de l’Iran a probablement des implications plus profondes que toute autre crise contemporaine pour la survie à long terme de l’héritage aryen.
Ex: https://altright.com
Le 19 avril 2017, le Secrétaire d’Etat des USA Rex Tillerson a tenu une conférence de presse dans laquelle il a annoncé que l’Administration Trump allait entreprendre un « examen complet » de sa politique iranienne. Certains d’entre nous savent, même avant l’investiture [de Trump], qu’un changement de régime était envisagé pour l’Iran – la seule question étant : quelle sorte de changement de régime ? La fausse nouvelle de l’attaque au gaz d’Assad et les frappes de représailles en Syrie ne furent pas du tout rassurantes. Un mois plus tard, le 19 mai, la République Islamique a tenu sa douzième élection présidentielle. Une chose est claire : celui qui est élu pourrait être le dernier président de la théocratie chiite.
Il y a un plan pour détruire l’Iran, un plan élaboré avec l’Arabie Saoudite par ceux dans le complexe militaro-industriel américain qui considèrent les Saoudites comme un allié des Etats-Unis. Hillary Clinton, qui a des liens étroits avec les financiers saoudites, voulait certainement mettre en œuvre ce plan. A en juger par les références répétées à l’Arabie Saoudite dans les déclarations sur l’Iran faites par le Secrétaire à la Défense, le général « chien fou » Mattis, et le Secrétaire d’Etat Tillerson, il semble que ce plan pourrait commencer à être appliqué, même s’il semble qu’il y avait des plans substantiellement différents pour l’Iran à l’époque où le général Flynn et Steve Bannon étaient les principaux membres de l’équipe Trump. La réussite ou l’échec de ce plan saoudite aura un profond impact sur l’avenir des Occidentaux et d’autres dans le plus large monde indo-européen. La question de l’avenir immédiat de l’Iran a probablement des implications plus profondes que toute autre crise contemporaine pour la survie à long terme de l’héritage aryen.
Entouré par une douzaine d’Etats artificiels qui n’existaient pas avant les machinations coloniales européennes des XVIIIe et XIXe siècles, l’Iran est la seule vraie nation entre la Chine et l’Inde en Orient et la sphère de la civilisation européenne déclinante à l’Ouest et au Nord. Abréviation d’Irânshahr ou « Imperium aryen », l’Iran ne fut jamais désigné par la majorité à 55% perse du pays comme l’« Empire perse ». Les Grecs antiques forgèrent ce terme et il s’implanta en Occident. Il est dangereusement trompeur parce que si les Perses ont été le groupe ethno-linguistique le plus dominant culturellement à l’intérieur de la Civilisation Iranienne (jouant un rôle comparable aux Hans dans la Civilisation Chinoise), les Kurdes, les Ossètes, les Baloutches et d’autres sont ethniquement et linguistiquement iraniens même s’ils ne parlent pas la langue perse (appelée pârsi ou, erronément, fârsi en Iran de l’Ouest et dari ou tâjiki en Asie Centrale iranienne).
La combinaison d’« Iran » et de « Perse » a, depuis un bon nombre d’années, été utilisée comme partie d’un complot pour éroder encore plus l’intégrité territoriale de l’Iran en le réduisant à un Etat-croupion perse. Si les conspirateurs globalistes sans racines essayant de présenter l’« Iran » comme une construction conceptuelle de l’impérialisme perse sont certainement motivés par des considérations économiques et stratégiques, leur but ultime est l’effacement de l’idée même d’Iran ou d’Irânshahr. Ils voient le renouveau de cette idée comme peut-être la plus grande menace singulière pour leur agenda global, et depuis l’échec total du Mouvement de Réforme Islamique de 1997-2009 c’est justement ce renouveau qui est au cœur d’une révolution culturelle ultranationaliste connue sous le nom de Renaissance Iranienne.
Ce mouvement s’efforce de parvenir à une renaissance de la vision-du-monde préislamique de la Civilisation Iranienne, voyant le dénommé « âge d’or » de l’islam comme une dernière lueur ou un avortement de ce qui aurait pu être si l’Iran avait continué sa trajectoire de développement en tant que nation aryenne. Après tout, l’immense majorité des scientifiques et des ingénieurs qui furent forcés à écrire en arabe sous le Califat étaient des Iraniens ethniques dont la langue maternelle était le perse. A tous les égards, de la science à la technologie, à la littérature, à la musique, à l’art et à l’architecture, la soi-disant « Civilisation Islamique » agit comme un parasite s’appropriant une Civilisation Iranienne vraiment glorieuse qui était déjà âgée de 2000 ans avant que l’invasion arabo-musulmane impose l’islam et que les Mongols génocidaires la cimentent (en écrasant les insurrections perses en Azerbaïdjan, sur la côte caspienne, et au Khorasan).
La Renaissance Iranienne est basée sur le renouveau de principes et d’idéaux anciens, dont beaucoup sont partagés par l’Iran avec l’Europe à travers leur ascendance caucasienne commune et par des échanges interculturels intensifs. Cela inclut la pénétration profonde des Alains, des Scythes et des Sarmates iraniens dans le continent européen, et leur intégration finale avec les Goths dans la « Goth-Alanie » (Catalogne) et les Celtes dans « Erin » (un mot apparenté à « Iran »). Leur introduction de la culture de la Chevalerie (Javanmardi) et du mysticisme du Graal en Europe laissa sur l’ethos « faustien » de l’Occident un impact aussi profond que les idéaux « prométhéens » (en réalité, zoroastriens) du culte de la Sagesse et de l’industriosité innovante, qui furent introduits en Grèce par des siècles de colonisation perse.
La barrière civilisationnelle entre l’Iran et l’Europe a été très poreuse – des deux cotés. Après l’hellénisation de l’Iran durant la période d’Alexandre, l’Europe fut presque persisée par l’adoption du mithraïsme comme religion d’Etat à Rome. En partie comme une conséquence des machinations de la dynastie parthe et des opérations secrètes de sa flotte en Méditerranée, c’était imminent à l’époque où Constantin institutionnalisa le christianisme – probablement comme un rempart contre l’Iran.
Il ne faut donc pas être surpris si beaucoup des éléments essentiels de l’ethos de la Renaissance Iranienne semblent étonnamment européens : le respect pour la Sagesse et la recherche de la connaissance avant tout ; et donc aussi l’accent mis sur l’innovation industrieuse conduisant à un embellissement et une perfection utopiques de ce monde ; la culture de la liberté d’esprit chevaleresque, de l’humanitarisme charitable, et de la tolérance et de la largeur d’esprit ; un ordre politique qui est basé sur le droit naturel, où l’esclavage est considéré comme injuste et où les femmes fortes sont grandement respectées.
Mais il faut se souvenir que dans la mesure où l’Irânshahr s’étendait loin vers l’Est en Asie, ces valeurs étaient jadis aussi caractéristiques de la culture aryenne orientale – en particulier du bouddhisme du Mahayana, qui fut créé par les Kouchites iraniens. L’Iran colonisa l’Inde du Nord cinq fois et toute la Route de la Soie jusqu’à ce qui est maintenant la Chine du nord-ouest était peuplée par des Iraniens à l’apparence caucasienne, jusqu’aux conquêtes turques et mongoles aux XIe et XIIe siècles.
Alors que la Renaissance Iranienne veut « rendre l’Iran à nouveau grand » en faisant revivre cet héritage indo-européen, et même en reconstituant territorialement ce que les gens de notre mouvement appellent le « Grand Iran » (Irâné Bozorg), les globalistes sans racines, les sheikhs arabes du pétrole, et leurs collaborateurs islamistes en Turquie et au Pakistan veulent complètement effacer l’Iran de la carte. Evidemment ce n’est pas du goût des centaines de milliers de nationalistes iraniens qui se sont rassemblés devant le tombeau de Cyrus le Grand le 29 octobre 2016 pour chanter le slogan : « Nous sommes des Aryens, nous n’adorons pas les Arabes ! ». Le slogan est aussi clairement anti-islamique que possible dans les limites de la loi de la République Islamique. Le prophète Mahomet et l’Imam Ali étaient bien sûr des Arabes, donc le sens est très clair. On voit aussi clairement qui est celui que ces jeunes gens considèrent comme leur vrai messager, puisque l’autre slogan le plus chanté était : « Notre Cyrus aryen, tu es notre honneur ! ».
Depuis le soulèvement brutalement écrasé de 2009, presque tous les Iraniens ont rejeté la République Islamique. Beaucoup d’entre eux, spécialement les jeunes, sont convaincus que l’islam lui-même est le problème. Ils se sont clandestinement convertis au néo-zoroastrisme qui est indistinguable de l’ultranationalisme iranien. L’image de Zarathoustra dans un disque ailé, symbolisant la perfection évolutionnaire de l’âme, connue sous le nom de « Farvahar », est partout : sur les pendentifs, les bagues, et même les tatouages (en dépit du fait que les tatouages, qui étaient omniprésents parmi les Scythes, étaient bannis par le zoroastrisme orthodoxe). Maintenant même des éléments-clés dans le régime, spécialement les Gardiens de la Révolution, lisent des traités sur « la pensée politique de l’Imperium Aryen » qui sont extrêmement critiques vis-à-vis de l’islam tout en glorifiant l’ancien Iran.
Pendant ce temps, la soi-disant « opposition » en exil a été presque entièrement corrompue et cooptée par ceux qui souhaitent morceler le peu qui reste de l’Iran. D’un coté vous avez les gauchistes radicaux qui livrèrent en fait l’Iran aux Ayatollahs en 1979 avant que Khomeiny ne se retourne contre eux, forçant ceux qui échappèrent à l’exécution à partir en exil. D’un autre coté vous avez les partisans aveuglément loyaux du Prince héritier Reza Pahlavi, dont la vision – ou le manque de vision – s’aligne largement sur celle des gauchistes, du moins dans la mesure où elle cadre avec les buts des globalistes et des islamistes.
Les gens de l’opposition marxiste et maoïste à la République Islamique promeuvent le séparatisme ethnique, transplantant un discours anticolonialiste des « luttes de libération des peuples » dans un contexte iranien où il n’a rien à faire. Les Perses n’ont jamais méprisé personne. Nous fûmes des libérateurs humanitaires. Nous fûmes plutôt trop humanitaires et trop libéraux.
Les gauchistes des « peuples de l’Iran », comme si les Kurdes et les Baloutches n’étaient pas ethniquement iraniens et comme si un dialecte turcique n’avait pas été imposé à la province d’Azerbaïdjan, la source caucasienne de l’Iran, par les méthodes génocidaires de conquérants asiatiques à demi-sauvages. Tout en prétendant être féministes et partisans de la révolution prolétarienne, ces gauchistes acceptent d’être financés par l’Arabie Saoudite, qui veut les aider à séparer la région riche en pétrole et partiellement arabisée du Khuzistan de l’Iran et à la transformer en nation d’Al-Ahwaz, avec une façade côtière considérable sur ce qu’ils appellent déjà le « Golfe Arabe ». Le Kurdistan, l’Azerbaïdjan, Al-Ahwaz, le Baloutchistan : ces micro-Etats, ostensiblement nés des « mouvements de libération » gauchistes, seraient faciles à contrôler pour les capitalistes globaux sans racines. Dans au moins deux cas, Al-Ahwaz et le « Baloutchistan Libre », ils seraient aussi un terrain de développement pour une plus grande diffusion du terrorisme islamiste. Finalement, ils laisseraient les Perses dépourvus de presque toutes les ressources en pétrole et en gaz naturel de l’Iran, et contiendraient la marée montante de l’Identitarisme Aryen dans un Etat-croupion de « Perse ».
Le mieux armé et le mieux organisé de ces groupes gauchistes est celui des Mojaheddin-e-Khalq (MEK), qui est aussi connu sous les noms de Moudjahidines du Peuple de l’Iran (PMOI) et de Conseil National de la Résistance Iranienne (NCRI). Leurs guérillas armées mirent en fait Khomeiny et le pouvoir religieux au pouvoir avant d’être eux-mêmes dénoncés comme hérétiques. Leur réponse fut de prêter allégeance à Saddam Hussein et de mettre à sa disposition quelques unités militaires qui firent défection pendant la guerre Iran-Irak. Cela signifie qu’ils avaient de facto accepté l’occupation du Khuzistan par l’Irak. Plus tard, lorsqu’ils furent obligés de se repositionner dans le Kurdistan irakien, ils promirent aux Kurdes de soutenir la sécession kurde de l’Iran. Toute une foule de politiciens importants des Etats-Unis et de l’Union Européenne fut soudoyée pour apporter leur appui au leader du groupe, Maryam Radjavi, incluant John McCain, Newt Gingrich, Rudy Giuliani, John Bolton, et les NeoCons.
La majorité des Iraniens voit le MEK comme des traîtres, et le fait qu’ils sont essentiellement une secte dont les membres – ou les captifs – sont aussi coupés du monde extérieur que les Nord-Coréens n’arrange rien. Si cela signifie qu’ils ne seraient jamais capables de gouverner l’Iran efficacement, le MEK pourrait être utilisé comme un agent catalytique de déstabilisation durant une guerre contre la République Islamique.
C’est ici qu’intervient le Prince héritier Reza Pahlavi, avec son groupe de l’« opposition » iranienne en exil. La cabale globaliste et ses alliés arabes dans le Golfe Persique (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes Unis) veulent créer un problème pour lequel il serait la solution. Il est dans leur poche.
Lors d’une réunion du CFR à Dallas au début de 2016, que j’ai révélée dans une interview bien connue avec le journaliste indépendant résidant en Suède, Omid Dana de Roodast (« le Alex Jones perse »), Reza Pahlavi ironisa sur la soi-disant « rhétorique nationaliste exagérée » concernant la conquête arabo-musulmane génocidaire de l’Iran. Il parla de cette tragédie historique incomparable comme d’une chose qui, si elle a vraiment existé, est sans importance parce qu’elle a eu lieu il y a longtemps. En fait, il la voit comme un obstacle pour de bonnes relations de voisinage avec les Etats arabes du « Golfe ». Oh oui, dans des interviews avec des médias arabes il a parlé du Golfe éternellement Persique comme du « Golfe » tout court pour ne pas contrarier ses riches bienfaiteurs arabes. Reza Pahlavi a aussi permis à des représentants de ses organes de presse officiels de faire la même chose à plusieurs reprises. Il a même utilisé le terme dans un contexte qui implique que l’Iran pourrait abandonner plusieurs îles dans « le Golfe » avec l’idée d’améliorer les relations de voisinage (comme si le renoncement de son père à Bahreïn n’était pas suffisant !).
En fait, il a suggéré que l’Arabie Saoudite et d’autres gouvernements arabes inhumains devraient investir dans l’économie de l’Iran dans une mesure telle que l’Iran serait si dépendant d’eux que faire la guerre à ces nations deviendrait impossible. De plus, et de manière très embarrassante, le Prince héritier affirma que son futur Iran ne devrait pas avoir d’armes nucléaires parce qu’il aurait peur de passer une nuit dans son palais, puisque si l’Iran devait acquérir des armes atomiques alors d’autres nations rivales de la région auraient le droit de faire la même chose et pointeraient leurs missiles sur l’Iran.
Le pire de tout dans cette rhétorique est le plan très concret du Prince de soumettre la question d’une fédéralisation de l’Iran à un vote populaire ou à un référendum à l’échelle nationale. Ce n’est pas simplement une proposition. Il rencontre des individus et des groupes qui promeuvent le séparatisme et la désintégration territoriale de l’Iran, la première étape étant « l’éducation dans la langue maternelle » (autre que le perse) et l’autonomie régionale dans le contexte d’un système fédéral. En même temps, il a dénoncé comme « fascistes » les patriotes iraniens qui, au risque d’être emprisonnés ou tués, se sont rassemblés devant le tombeau de Cyrus le Grand le 29 octobre de l’année dernière et qui ont chanté le slogan « Nous sommes des Aryens, nous n’adorons pas les Arabes ! ». En dépit du fait que certains des mêmes protestataires chantèrent aussi des slogans félicitant le Prince héritier pour son anniversaire, c’est une erreur qu’ils ne referont jamais plus. Il fit même des remarques qui ridiculisaient de manière suggestive les partisans de la Tradition impériale perse.
Reza Pahlavi saisit toutes les occasions pour faire savoir que ses vrais idéaux sont la « démocratie libérale » et les « droits humains universels », des concepts occidentaux qu’il adopte imprudemment sans la moindre compréhension des problèmes fondamentaux qu’ils posent lorsqu’on les compare à notre philosophie politique iranienne aristocratique – qui influença des théories politiques occidentales essentielles comme celles de Platon, d’Aristote et de Nietzsche, et qui est beaucoup plus en accord avec celles-ci.
Si son acceptation de la démocratie et des droits de l’homme va jusqu’à un vote populaire sur une fédéralisation qui conduit à l’autonomie régionale et finalement à la sécession de nombreuses provinces, elle ne protège apparemment pas le criticisme envers l’islam. Et sous l’influence de ses manipulateurs occidentaux néolibéraux et de la police PC gauchiste de l’Occident, et totalement en désaccord avec le sentiment populaire parmi la jeunesse iranienne, il a affirmé que si l’islam devait être insulté ou que s’il devait y avoir de l’« islamophobie » dans le futur Iran, alors il vaudrait mieux que la République Islamique reste au pouvoir. Il a le toupet de dire cela tout en dénonçant ses critiques comme des agents de la République Islamique. Quand des dizaines d’éminents monarchistes patriotes signèrent un « Dernier Avertissement » (Akharin Hoshdâr) adressé à lui en juillet 2016, certains d’entre eux étant d’anciens proches conseillers de son père, il les accusa tous d’être des agents de la République Islamique qui falsifiaient ses déclarations et qui fabriquaient des preuves (ce qui était justement une affirmation clairement fausse et calomnieuse).
Nous n’étions pas des agents de la République Islamique, et nous ne serons jamais les complices d’une théocratie chiite sous sa présente forme. Mais étant donné la crise à laquelle nous faisons face aujourd’hui, nous devons envisager une alternative radicale pour les traîtres sécessionnistes de l’opposition gauchiste basée à Paris et les Shahs du Coucher de Soleil de Los Angeles qui seront tous trop heureux de faire régner leur Prince de Perse sur l’Etat-croupion qui restera de l’Iran après le « changement de régime ». Je propose un grand plan, une anticipation bonapartiste du règne de la terreur qui approche.
Ceux qui ont suivi mes écrits et mes interviews savent qu’il n’y a pas de plus sévère critique de l’islam, sous toutes ses formes, que votre serviteur. Je n’ai pas encore publié mes critiques vraiment sérieuses et rigoureuses de l’islam, incluant en particulier ma déconstruction de la doctrine chiite. Rien de ce que je vais proposer ne change le fait que j’ai la ferme intention de le faire dans les toutes prochaines années.
Cependant, nous entrons dans ce que Carl Schmitt appelait un « état d’urgence ». Dans cette situation exceptionnelle, où nous nous trouvons face à une menace existentielle pour l’Iran, il est important de faire la différence entre questions ontologiques ou épistémologiques et le genre de distinction ami/ennemi qui est définitive pour la pensée politique au sens approprié et fondamental. Les nationalistes iraniens ont des amis dans le système de la République Islamique, et le Seigneur sait que nous avons une quantité d’ennemis en-dehors de celui-ci.
Le jeune Gardien de la Révolution (Pasdaran) de Meshed qui récite Hafez en patrouillant le long de la frontière irakienne et attendant d’être tué par des séparatistes kurdes, mais dont la mère est kurde, et qui accompagne son père perse pour aller prier devant l’autel de l’Imam Reza en portant un Farvahar autour du cou n’est pas seulement un ami, il est le frère de tout vrai patriote iranien. Ce ne sont pas les Pasdarans qui ont tué et massacré de jeunes Iraniens pour mater la révolte de 2009, c’étaient des voyous paramilitaires dévoués au Guide Suprême Ali Khamenei – qui est maintenant sur son lit de mort.
Nous devons penser à l’avenir. Le cœur et l’âme de l’enseignement de Zarathoustra était son futurisme, son insistance sur l’innovation évolutionnaire. S’il était vivant aujourd’hui, il ne serait certainement pas zoroastrien. Franchement, même s’il avait été vivant durant l’Empire sassanide, il n’aurait pas été un zoroastrien au sens orthodoxe.
La Renaissance Iranienne considère la période sassanide comme le zénith de l’histoire de l’Iran, « l’apogée avant le déclin spectaculaire ». Mais les deux plus grands hérétiques, du point de vue de l’orthodoxie zoroastrienne, avaient le soutien de l’Etat sassanide. Chapour 1er était le patron de Mani, qui créa une religion mondiale syncrétique dans laquelle Gautama Bouddha et le Christ gnostique étaient vus comme des Shaoshyants (des Sauveurs zoroastriens) et des successeurs légitimes de Zarathoustra. Le manichéisme se répandit jusque dans le sud de la France en Occident, où il suscita la Sainte Inquisition en réaction contre lui, et jusqu’en Chine en Orient, où Mani était appelé « le Bouddha de Lumière » et où son enseignement influença le développement du bouddhisme mahayana. L’ésotériste libertin Mazdak, dont la révolution socialiste était d’après moi plus nationale-bolchevique que communiste, reçut le plein appui de l’empereur perse sassanide Kavad 1er. Même Khosrô Anushiravan, qui écrasa le mouvement mazdakien, n’était pas du tout un zoroastrien orthodoxe. C’était un néo-platonicien, qui invita les survivants de l’Académie à trouver refuge dans les bibliothèques et les laboratoires iraniens comme Gondechapour après la fermeture des dernières universités de l’Europe sur l’ordre de Justinien.
De plus, l’évolution de la tradition spirituelle iranienne fondée par Zarathoustra ne prit pas fin avec la Conquête islamique. La Renaissance Iranienne condamne Mazdak sans équivoque, et pourtant Babak Khorrdamdin est considéré comme un héros de la résistance nationaliste contre le Califat arabe. Mais les partisans de Khorrdamdin en Azerbaïdjan étaient des mazdakiens ! Une claire ligne peut être tracée depuis le mouvement mazdakien, à travers les Khorrdamdin, jusqu’aux groupes chiites ésotériques tels que les Ismaéliens nizarites ou Ordre des « Assassins » comme ils sont généralement connus en Occident. Combattant contre le Califat et les Croisés simultanément, il n’y eut jamais de plus grand champion de la liberté et de l’indépendance iraniennes que Hassan Sabbah. Et sa variété d’ésotérisme chiite ne déclina pas non plus avec la secte ismaélienne.
Il y a encore en Iran aujourd’hui des religieux supposément chiites qui doivent plus à Sohrawardi, à travers Mullah Sadra, qu’à l’enseignement réel de l’Imam Ali. A l’époque du Sixième Imam, Jaafar al-Sadiq, la foi chiite fut cooptée par les partisans iraniens luttant contre me Califat sunnite. Le genre de doctrine chiite que certains des collègues de l’Ayatollah Khomeiny tentèrent d’imposer à l’Iran en 1979 représenta une reconstruction radicale du premier chiisme arabe, pas le genre d’ésotérisme chiite qui donna naissance à la dynastie safavide. Cette dernière permit à l’Iran de resurgir en tant qu’Etat politique distinct séparé et opposé au Califat Ottoman sunnite et à un Empire Moghol qui était aussi tombé dans le fondamentalisme islamique après que la littérature et la philosophie persisées d’Akbar se soient révélées être un rempart insuffisant contre celui-ci. Certains de ces chiites persisés sont présents aux plus hauts niveaux dans la structure de pouvoir de la République Islamique. Ils doivent être accueillis dans la communauté du nationalisme iranien, et même dans la communauté de la Renaissance Iranienne.
La Renaissance italienne eut recours à la Rome païenne pour accomplir une revitalisation civilisationnelle, mais elle n’abolit pas le christianisme. Benito Mussolini non plus, lorsqu’il adopta comme but explicite une seconde Renaissance italienne et un renouveau de l’Empire romain. Au contraire, le Duce recruta le catholicisme romain comme allié de confiance dans son vaillant combat contre le capitalisme sans racines, parce qu’il savait que les catholiques romains étaient « romains », même en Argentine.
De même, aujourd’hui, les chiites sont d’une manière ou d’une autre culturellement iraniens, même dans l’Azerbaïdjan du nord turcique, dans l’Irak arabophone et à Bahreïn, sans parler de l’Afghanistan du nord-ouest où le perse demeure la lingua franca. Si les néo-zoroastriens, en Iran ainsi que dans les parties du Kurdistan actuellement en-dehors des frontières de l’Iran, devaient s’allier avec les chiites persisés, cela ferait plus que consolider l’intégrité territoriale de l’Iran. Cela établirait un nouvel Empire perse, fournissant à l’Iran central de nombreuses zones-tampons et positions avancées chiites tout en réincorporant aussi, sur la base du nationalisme iranien, des régions qui sont ethno-linguistiquement iraniennes mais pas chiites – comme le grand Kurdistan et le Tadjikistan (incluant Samarkand et Boukhara).
Ce que je propose est plus qu’un coup d’Etat militaire à l’intérieur de la République Islamique. Le qualificatif de « bonapartiste » est seulement en partie exact. Nous avons besoin d’un groupe d’officiers dans les Pasdarans qui reconnaissent que la Timocratie, comme Platon la nommait, est seulement la seconde meilleure forme de gouvernement et que leur pouvoir aura besoin d’être légitimé par un roi philosophe et un conseil des Mages avec l’intelligence et la profondeur d’âme requises pour utiliser le pouvoir étatique afin de promouvoir la Renaissance Iranienne qui est déjà en cours. Ironiquement, si nous séparons la forme politique de la République Islamique de son contenu – comme le ferait un bon platonicien –, les structures centrales antidémocratiques et intolérantes du régime sont remarquablement iraniennes. Le Conseil Gardien (Shorâye Negahbân) est l’Assemblée des Mages et le Gouvernement du Docte (Velâyaté Faqih) est le Shâhanshâhé Dâdgar qui possède le farr – celui qui est justement guidé par la divine gloire de la Sagesse. Cela ne devrait pas être surprenant puisque, après tout, l’Ayatollah Khomeiny emprunta ces concepts à Al Fârâbî qui, au fond de lui, était tout de même un Aryen.
Le Parti Pan-Iranien, qui est issu du Parti des Travailleurs National Socialiste (SUMKA) de l’Iran du début des années 1940, est un élément-clé dans ce stratagème. Célèbre pour son opposition parlementaire très bruyante à l’abandon de Bahreïn par Mohammad Reza Shah Pahlavi en 1971, l’opposition loyale ultranationaliste (c’est-à-dire à la droite du Shah) du régime Pahlavi pourrait devenir l’opposition loyale de la République Islamique si elle était légalisée après un coup d’Etat par ceux parmi les Gardiens de la Révolution qui comprennent la valeur du nationalisme iranien pour affronter la menace existentielle imminente pour l’Iran.
A la différence de tous les autres partis d’opposition, l’existence clandestine du Parti Pan-Iranien a été seulement à peine tolérée par la République Islamique. Bien qu’il soit techniquement illégal et qu’il ne puisse pas présenter de candidats aux élections, il n’a pas été écrasé par le régime – parce la loyauté du parti envers l’Iran ne fait pas de question. Le parti a des liens étroits avec les principaux intellectuels de la Renaissance Iranienne et avec les membres les plus patriotes du clergé chiite. S’il était le seul parti d’opposition légal, tous les nationalistes iraniens voteraient pour lui et en une seule élection, ou deux tout au plus, les Pan-Iraniens obtiendraient une majorité au Parlement. Leur premier acte de législation devrait être quelque chose avec un grand pouvoir symbolique et peu de chances de réaction hostile de la part du complexe militaro-industriel de la République Islamique : le retour du Lion et du Soleil comme drapeau national légitime de l’Iran (l’un des buts déclarés du Parti).
Le Lion et le Soleil incarne parfaitement l’ambiguïté de l’identité iranienne. Les chiites affirment que c’est une représentation zoomorphique de l’Imam Ali, « le Lion de Dieu » (Assadollâh) et que l’épée brandie par le lion est le Zulfaqâr. La République Islamique remplaça ce symbole parce que ses fondateurs fondamentalistes savaient que c’était faux. Le Lion et le Soleil est un drapeau aryen extrêmement ancien, qui représente probablement Mithra c’est-à-dire le Soleil entrant dans la maison zodiacale du Lion.
De plus, les néo-zoroastriens ont tort de croire que l’épée recourbée est un ajout islamique (et qu’elle doit donc être remplacée par une épée droite). Au contraire, l’épée du lion est la serpe, qui était le symbole du cinquième degré de l’initiation dans le mithraïsme, connu sous le nom de Perses. Perses était le fils de Perseus, le progéniteur des Aryens perses. Il tranche la tête de la Gorgone avec une épée-serpe. Les Gorgones étaient sacrées pour les Scythes, les tribus rivales des Perses à l’intérieur du monde iranien. Perseus brandissant la tête tranchée de la Méduse symbolise le fait qu’il a saisi sa puissance (sa Shakti) tout en restant humain (sans se transformer en pierre). Mais oui, bien sûr, c’est l’Imam Ali.
Dans le nouvel Iran, les néo-zoroastriens devront tolérer les rituels de deuil de masse de Moharrem et de l’Achoura, car après tout leurs vraies origines sont dans les anciennes processions de deuil iraniennes pour le martyre de Siyâvosh. En échange, les chiites devront tolérer les tatouages de Farvahar chez les femmes néo-zoroastriennes qui ont été tellement ciblées par la République Islamique qu’elles sont prêtes à sauter nues par-dessus des feux de joie Châhâr-Shanbeh Suri allumés en brûlant des Corans.
A la différence de ce qui se passait à l’époque de Reza Shah Pahlavi II, et de la République Arabe d’Al-Ahwaz proposée, il n’y aura pas de criminalisation de l’islamophobie dans l’Iran nationaliste. En fait, la composante chiite du nouveau régime servira à légitimer l’alliance de l’Iran avec les nationalistes européens combattant la cinquième colonne de nouveau Califat sunnite à Paris, Londres, Munich et Dearborn. Les têtes de l’hydre sont en Arabie Saoudite, en Turquie, et au Pakistan. Le Lion de Mithra tranchera ces têtes avec son épée. Pour la première fois depuis la dynastie fatimide des Assassins, La Mecque et Médine seront gouvernées par des mystiques chiites. Les Perses fêteront cela à Persépolis.
Il n’y a pas de doute là-dessus. Le temps est venu pour l’Iran bonapartiste – la forteresse islamique-aryenne et nationaliste-religieuse de la résistance contre les globalistes sans racines, pour qui « Rien n’est vrai, et tout est permis ». Il ne nous reste qu’une question : « Qui est le Napoléon perse ? ».
16:23 Publié dans Actualité, Géopolitique, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, histoire, politique internationale, géopolitique, iran, iranisme, paniranisme, zoroastrisme, civilisation iranienne | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 07 mai 2019
Europe-États-Unis : l’urgence !...
Nous reproduisons ci-dessous un la deuxième partie d'un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la position que l'Europe doit tenir face aux États-Unis.
Économiste de formation, vice-président de Géopragma, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).
Europe-États-Unis : l’urgence
Combien de Français, combien d’Allemands ou d’Italiens en sont conscients ? La littérature diplomatique et militaire américaine, aussi bien que ce qui transparait des discours et documents officiels de Washington, témoigne de la rapide transformation d’une vision du monde qui aura des conséquences majeures sur la doctrine et sur l’action américaine. Il suffit de lire « Foreign Affairs », et ses livraisons successives consacrées à l’alliance entre nationalisme et libéralisme économique, ou bien aux ruptures irréversibles créées par Donald Trump à Washington (présentées par Williams Burns, par exemple, comme la perte de l’art diplomatique), pour le comprendre. Il y a urgence pour les Européens à se réveiller du sommeil profond dans lequel le parapluie militaire américain et l’engagement des États-Unis à assurer la sécurité de l’Europe les ont plongés.
Il y a plus urgent encore ; interroger, challenger, repenser la relation transatlantique pour nouer avec les États-Unis un dialogue préalable au réajustement vital de la politique extérieure et de Défense des Nations européennes sur la base de cette réalité ; rarement l’écart entre ce qui est dit, publié, débattu, et la réalité n’a été aussi grand ; rarement les risques de collision entre les raisons d’agir et les conséquences de l’action n’ont été aussi grands.
États-Unis : le changement Trump
Révolution dans les affaires diplomatiques ? Sans doute, et tout aussi bien dans la relation transatlantique. Traumatisé par la suppression du tiers de son budget — le tiers ! — le Département d’État a perdu en moins de trois ans la majorité de ses professionnels de haut niveau, notamment parce qu’ils ont été accusés d’avoir souscrit à l’accord nucléaire avec l’Iran, d’être restés impavides face à la montée de la Chine, et plus simplement d’avoir servi pendant deux mandats la politique du Président Obama et de Mme Clinton.
Suspects d’avoir participé aux machinations diverses organisées par l’administration démocrate pour soutenir Mme Clinton, nombre de services de sécurité américains se voient tenus à l’écart de la Maison Blanche, supplantés par des militaires, et nombreux sont les canaux d’échanges avec leurs homologues européens qui sont coupés, devenus aléatoires ou inopérants. Il est plus grave que les professionnels du renseignement expérimentés et capables de dialoguer avec leurs homologues russes, iraniens ou chinois fassent massivement défaut.
Et combien de diplomates américains apprennent sur Twitter les décisions de leur Président, y compris quand elles concernent le pays ou la zone dont ils sont en charge ? D’où la confusion. D’où les excès. D’où une démesure qui frise l’inconscience. D’où une réalité dérangeante ; ils sont bien peu désormais à comprendre la France, l’Italie, ou les autres Nations européennes, ils sont aussi peu nombreux à prêter attention à une Union européenne qui appartient pour eux déjà au passé, encore moins à attendre quelque chose de l’Europe — le vide stratégique dans lequel l’Union a enfermé les Nations n’aide pas.
America First
La plus grande erreur serait d’en conclure à l’inconsistance de la politique extérieure américaine. Comme toujours, elle est dominée par la politique intérieure. Comme toujours, elle vit dans l’hystérie de la menace extérieure, même si aucune puissance ne menace directement la sécurité ou les intérêts vitaux américains [1]. Comme toujours, elle sert de variable d’ajustement à un Président qui prépare sa réélection. Mais les directions invoquées sont claires.
Les États-Unis ne sont plus les gendarmes du monde
La première est l’abandon du rôle de gendarme du monde. Les États-Unis interviennent, avec quelle brutalité, quand leurs intérêts sont en jeu. 800 bases militaires leur permettent d’agir à tout moment, sans délai, partout dans le monde — sauf dans les quelques zones où les systèmes d’interception et de brouillage russes ou chinois le leur interdisent. Qui considère le Kosovo autrement que comme la base militaire et politique qui couvre l’action américaine en Europe ?
Mais ils n’éprouvent plus le besoin de justifier leurs interventions par le maintien de la paix, la défense de la démocratie, etc. Ils tournent le dos à l’idée que la prospérité et le progrès partout dans le monde sont des conditions de leur propre sécurité et de leur propre croissance — une idée qui explique la bienveillance qui a entouré l’essor du Japon, de la Corée du Sud, de l’Allemagne, la contribution décisive des États-Unis aux institutions multilatérales, comme elle explique une part de l’ascension chinoise et du luxe social européen. Chacun peut y voir l’expression de cette conviction, énoncée par Donald Trump ; nous vivons un monde hobbesien, où la violence et la guerre sont partout. D’autres préféreront y voir un égoïsme à courte vue ; à refuser l’interdépendance, les États-Unis pourraient bientôt découvrir leur propre dépendance.
L’état profond est prêt à tout
La seconde est plus claire encore ; contre le réalisme affiché par Donald Trump, l’État profond américain intègre la guerre, la famine et la misère, dans sa stratégie d’affaires. Les Iraniens, les Russes, comme les Irakiens ou les Soudanais hier, sont les cibles désignées d’un système qui « n’admet plus aucune résistance ; le dollar, ou la mort ! Au mépris de toutes les lois internationales, le blocage du détroit d’Ormuz au brut iranien est au programme, comme l’est le blocus de Cuba (trois pétroliers transportant du brut vénézuélien ont été arraisonnés en mars dernier par l’US Navy, dans un acte de piraterie au regard du droit international).
Le projet de loi surréaliste (mais bipartisan, signé à la fois par des sénateurs républicains et des démocrates, Gardner et Menendez, introduit au Sénat le 11 avril 2019 !) qui déclare la Russie complice du terrorisme et les forces armées russes, organisation terroriste, est sans ambigüité ; qui sont ces Russes qui ne se plient pas à l’ordre américain ? Et qui sont ces Équatoriens qui prétendent limiter l’exploitation de leur sol par des majors américains du pétrole pour sauver leur forêt ?
Plus besoin de s’abriter derrière la lutte contre le terrorisme ou les régimes autoritaires ; la militarisation du dollar, qui permet de racketter à volonté les entreprises et les banques étrangères, le piratage des transactions bancaires et des données privées que permet notamment le contrôle de SWIFT, des sociétés de transferts de fonds et des cartes de crédit, sans parler de la loi « FATCA » qui fait de toute banque l’auxiliaire forcé de l’administration américaine, changent la diplomatie mondiale en concours de soumission à l’intérêt national américain – ou à ce qui passe pour tel.
Les débats sur le retrait américain occupent la scène et suscitent ici ou là de complaisantes inquiétudes. La réalité est que l’usurier remplace le gendarme. La tentation américaine demeure bien celle d’un « global reach » monétaire, juridique et numérique, qui garantisse l’enrichissement permanent de l’oligarchie au pouvoir, une emprise universelle qui ne s’embarrasse plus de prétextes, obtenue par le contrôle mondial des données, de l’énergie et de l’alimentation, ou par la terreur — le bombardier américain est derrière le dollar, comme il est derrière toute proposition commerciale américaine.
Donald Trump a été clair dans son allocution inaugurale ; les États-Unis ne vont pas convertir le monde à leurs valeurs et à leur mode de vie, personne ne leur imposera des règles et des lois dont ils ne veulent pas. C’est bien à tort que certains en ont conclu à un retrait des États-Unis ! Ils ne se retirent pas, ils se contentent de poursuivre des intérêts que la globalisation a effectivement rendus mondiaux — ce qui signifie que tous les Etats de la planète qui utilisent le dollar sont en dette à l’égard des États-Unis. Ceux-ci affichent leur indifférence à l’égard des effets de leurs exigences. Et ils se contentent de défendre le mode de vie des Américains qui, faut-il le rappeler, n’est pas négociable – le seul problème est que la poursuite de ce mode de vie et d’enrichissement suppose qu’une part dans cesse croissante des ressources de la planète lui soit consacrée alors même que son coût écologique et financier le rend de plus en plus insupportable au reste du monde.
Money First
La troisième direction est la plus problématique pour les Nations européennes ; quand il n’y a rien à gagner pour les États-Unis, les Américains rentrent chez eux ! Tous les choix de Donald Trump sont ceux d’une liberté stratégique revendiquée contre lois, accords, pratiques, conventions et institutions. Les États-Unis marchent dans le monde les mains déliées. Gulliver est libre des liens qui l’avaient enchaîné ! Ni traité, ni lois internationales, ni liens historiques ne sauraient prévaloir sur le sentiment qu’ont les États-Unis de leur intérêt. Leur désengagement des institutions internationales et leur mépris des accords multilatéraux sont à la hauteur de la crédibilité qu’ils leur accordent — à peu près nulle. C’en est bien fini du « Nation’s building », du « State’s building », du « devoir de protéger », et autres fantasmes politiques qui ont abouti aux désastres que l’on sait. Les États-Unis viennent encore de le dire haut et clair en refusant de signer le pacte de Marrakech comme le traité sur le contrôle du commerce des armes, tous deux proposés par l’ONU. Les croisés de la démocratie planétaire et du libéralisme universel peuvent rentrer au vestiaire!
La décision de retirer toutes les forces américaines de Syrie, même corrigée par la suite, est significative ; quand les buts de guerre affichés sont remplis (éliminer l’État islamique), ou en l’absence d’objectifs politiques clairs et réalisables (chasser les forces iraniennes de Syrie, par un accord avec les Russes en façade et Bachar el Assad en coulisses), l’armée américaine s’en va. Aurait-elle tiré les leçons des désastreuses affaires irakiennes, afghanes et libyennes ?
Et elle s’en ira aussi quand elle n’est pas payée pour les services qu’elle rend. Donald Trump effectue moins une rupture qu’une explication ; il n’y a pas de repas gratuit. Toute intervention américaine a son prix, et ce prix sera payé par ses bénéficiaires — il existe mille et une façons de le payer. Les Nations européennes devraient le comprendre – et se préparer à consacrer 4 % à 5 % de leur PIB à leur Défense, ou à se soumettre.
En quelques mots ; Jackson est de retour, là où les Européens attendent toujours Hamilton, Madison ou Jefferson ! Pour le supporter de Trump, le monde est loin, il est compliqué, cher et dangereux, on est mieux à la maison ! Si les États-Unis ont besoin de quoi que ce soit, il suffit d’envoyer les GI’s le chercher ! Rien ne sert de s’occuper des affaires des autres, il suffit d’être sûr que son propre intérêt va toujours et partout prévaloir, qu’importe le reste ?
L’UE et le vide stratégique
La leçon à tirer est claire ; seul l’intérêt justifiera le maintien d’une défense américaine de l’Europe. L’Europe devra payer pour elle, et le prix qu’elle ne consacre pas à sa défense, elle le paiera pour la défense américaine.
Rien ne saurait être plus éloigné des palinodies auxquelles l’Union européenne, enlisée dans le juridisme des Droits de l’Homme et dans la prédication morale condamne les Nations européennes. Mais rien non plus n’est aussi nécessaire que le questionnement de la relation transatlantique, sujet tabou et vide abyssal de la diplomatie de l’Union. Quelle occasion perdue quand Donal Trump a mis en question la validité de l’OTAN et exigé des pays de l’Union un effort de Défense significatif ! Qui a compris, qui a répondu, qui a saisi la chance de penser une politique européenne de Défense, c’est-à-dire une Europe politique ?
La question n’est pas et ne peut plus être ; « qu’attendre d’eux ? » La question est et ne peut être que ; comment les Nations européennes s’organisent-elles pour assurer leur propre sécurité ? Comment peuvent-elles contribuer à la sécurité des États-Unis, et au sentiment de sécurité des Américains (le sentiment d’être menacé par un monde extérieur hostile est à la hauteur de la méconnaissance croissante par la population américaine du reste du monde), condition de la paix dans le monde, dans un rapport de réciprocité, de franchise et de reconnaissance mutuelle de souveraineté des États ? Partagent-elles des intérêts communs avec les États-Unis, lesquels, jusqu’où et comment peuvent-elles les servir ? Que peuvent-elles partager comme buts, offrir comme moyens, déployer comme capacités ?
Aucune question n’est de trop dans ce domaine — voici si longtemps que l’Union européenne interdit à l’Europe toute question, y compris sur son existence même ! Voilà si longtemps que l’Union est tellement pleine de ses bonnes intentions qu’elle refuse tout bilan de son action [2] ! Mettre à plat la relation transatlantique est un préalable à toute évolution de l’OTAN, soit pour refonder l’Alliance sur de nouvelles missions, comme la lutte antiterroriste — dans ce cas, pourquoi pas avec la Russie ? – soit pour la dissoudre — l’OTAN ne pouvant demeurer le courtier des armements américains en Europe et le chiffon rouge agité devant l’ours russe. Comme elle est un préalable à tout effort coopératif entre Nations européennes pour assurer leur capacité autonome de faire face à n’importe quelle menace sécuritaire à leurs frontières ou à l’intérieur d’un quelconque pays membre. Comme elle est aussi un préalable à des actions diplomatiques plus fortes et plus marquantes, notamment vis-à-vis des pays avec lesquels telle ou telle Nation européenne entretient des relations historiques particulières, par exemple dans le Maghreb, en Afrique ou en Asie ; demain, les États-Unis auront bien besoin de la France, de l’Italie, de l’Espagne, pour sortir d’un isolement qui produit l’ignorance d’abord, la méprise ensuite, et les accidents stratégiques enfin !
Au lieu de condamner les pays, tels l’Italie, la Suisse, la Grèce et le Portugal, qui s’engagent dans le projet chinois des Routes de la Soie, comme l’a fait bien maladroitement le Président Emmanuel Macron, mieux vaudrait considérer l’intérêt stratégique d’un renforcement géré des liens avec le continent eurasiatique, et l’opportunité qu’il donne à l’Europe de se positionner en troisième pôle mondial d’activité et de puissance. L’intelligence du monde n’a-t-elle pas été la première arme diplomatique de la France, avant même l’arme nucléaire, et quand quelque chose comme une diplomatie française existait encore ?
Encore faudrait-il pouvoir parler, nommer et dire. Encore faudrait-il vouloir, décider, et oser. Sans doute, le temps n’est plus où un proconsul américain dictait les résolutions des premiers pays membres de la Communauté européenne, au mieux des intérêts américains et des instructions de Washington, relayés si besoin était par ces deux collaborateurs diligents qu’étaient Robert Schumann et Jean Monnet [3]. Il n’est même plus besoin de procéder ainsi, tant les Européens ont appris à obéir, à se conformer et à se soumettre avant même d’y avoir pensé !
Le dialogue transatlantique appelle tout autre chose que le catalogue de bonnes intentions et de pieuses résolutions qui tient lieu à l’Union européenne de politique extérieure. Il a besoin que l’Europe décide de ses frontières extérieures, et les tienne. C’est vrai face à la Turquie, c’est vrai davantage face à de faux États comme le Kosovo, base arrière avérée de futurs djihadistes européens rescapés de Syrie, ou d’autres anciens États des Balkans, bastions de la pénétration islamique de l’Europe. Il a besoin que les Nations européennes sachent ce qu’elles sont et ce qu’elles se doivent, à elles, à leur histoire et à leurs peuples, en revoyant l’Union à ses bavardages sur les Droits de l’homme. Et il a besoin que les Nations européennes sachent de nouveau prononcer les mots de puissance, d’armée, de guerre, qu’elles désignent leurs ennemis et qu’elles se préparent à les affronter et à les détruire. S’il est un mensonge qui nous coûtera cher, c’est bien l’idée que l’Union européenne a apporté la paix. La paix était assurée par la guerre froide, puis par la protection militaire et nucléaire américaine. L’Union européenne n’y a eu rien à voir.
La véritable refondation du dialogue transatlantique, en même temps que le progrès des relations avec les États-Unis passe d’abord par une prise d’indépendance. L’Europe doit mériter le respect que l’Union n’a rien fait pour mériter [4]. La dimension de son marché intérieur, de son épargne, les expertises sur les marchés des capitaux, des matières premières et des changes, ses liens avec d’autres puissances qui partagent la quête de souveraineté qui unit leurs peuples, permettent aux Nations européennes de construire des systèmes de paiement, de commerce de matières premières et d’or, des outils de crédit, de change et d’engagements à terme, hors du dollar et des systèmes américains, comme la Chine les construit patiemment de son côté [5].
Ils permettent tout aussi bien aux Nations européennes d’imposer des normes, des bonnes pratiques et des règles dans les domaines écologiques, sanitaires, sociaux, aussi bien que bancaires et financiers, qui rallieront l’adhésion tant elles remplissent un vide béant dans le modèle américain, ou ce qu’il en reste. Il manque à l’Europe la conscience plus que les moyens, et la volonté plus que la force ! Que l’Europe ne reste pas ce continent où, pour paraphraser le commentaire par Charles Péguy du Polyeucte de Corneille, « ils veulent être de la grâce parce qu’ils n’ont pas la force d’être de la nature » [6]. C’est tout le danger que l’Union européenne comporte pour l’Europe ; à force de nier son identité, ses frontières et ses limites, elle se condamne à n’être qu’une bulle de bonnes intentions que l’impitoyable réalité du monde dispersera d’un souffle.
Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 30 avril 2019)
11:42 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hervé juvin, europe, affaires européennes, union européenne, routes de la soie, relations transatlantiques, politique internationale, géopolitique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...
Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Ali Laïdi au Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai Le droit, nouvelle arme de guerre économique (Acte Sud, 2019). Docteur en science politique, Ali Laïdi est chroniqueur à France24, où il est responsable du "Journal de l'Intelligence économique". Il est également chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). et enseigne à Sciences Po Paris. Il a déjà publié une Histoire mondiale de la guerre économique (Perrin, 2016).
Comment le droit est devenu l’arme favorite des États-Unis pour s’accaparer nos entreprises
FIGAROVOX.- Comment résumer en quelques lignes l’usage du droit en tant qu’arme de guerre économique? Comment définir l’extra-territorialité du droit américain?
Ali LAIDI.- Les juristes distinguent deux types d’extraterritorialité, notamment à travers la question des sanctions. Il y a d’abord les sanctions primaires, appliquées lorsque l’État américain décide d’interdire à ses sociétés et à tout ce qu’il considère comme étant des «US persons» d’avoir des relations commerciales avec certaines entités, généralement un État. Or dans ce cas précis, selon les juristes, nous ne serions pas dans un cas d’extraterritorialité puisque cette sanction primaire ne s’applique qu’aux US persons. Cependant, la définition de l’US persons aux États-Unis est tellement large qu’une filiale d’entreprise étrangère peut être comprise comme US person et donc tomber sous le coup des sanctions primaires.
Il y a ensuite les sanctions secondaires, qui s’appliquent à tout le monde, toutes les entreprises, qu’elles soient américaines ou étrangères. Dans ce cas-là, certains juristes acceptent de reconnaître qu’il y a une forme d’extraterritorialité.
Mais, pour les géopolitologues, il est évident que l’extraterritorialité se situe à la fois dans les sanctions primaires et secondaires et il est très intéressant d’en étudier les effets, notamment en ce qui concerne les affaires d’embargos ou de lutte contre la corruption, car dans ces domaines-là, le lien avec le territoire américain est beaucoup plus ténu. En effet, dans la plupart des cas recensés depuis un certain nombre d’années, les cas de corruption ont lieu en dehors du territoire américain. Mais un lien peut être établi dès lors que vous allez utiliser le dollar, ou par exemple si vous avez utilisé un compte Gmail dont le serveur se situe en partie aux États-Unis. La définition de la compétence du droit américain sur les faits de corruption à l’étranger est donc extrêmement large, même si elle ne touche pas directement le territoire américain.
Pouvez-vous revenir sur l’affaire Alstom?
C’est en 2010 que les Américains sonnent l’alerte et que le Département de la Justice des États-Unis ouvre une procédure contre le Français Alstom. Des années que la société pratique la corruption, enchaîne les condamnations, pourtant rien ne change. En 2004 et 2008, les justices mexicaine et italienne condamnent Alstom à plusieurs milliers de dollars et à une exclusion pour quelques années des marchés publics pour corruption de fonctionnaires. En 2011, la justice suisse épingle le Français pour corruption et trafic d’influence en Tunisie, Lettonie et Malaisie et condamne Alstom à une amende de plus de 40 millions d’euros. Prévenants, les Suisses qui savent que la justice américaine s’intéresse également à Alstom, lui envoient l’ensemble des pièces de cette affaire. Lesquelles alourdissent le dossier ouvert par Washington.
Autant dire que les Américains ne manquent pas d’éléments pour aller chercher querelle à Alstom et exiger que l’entreprise lance une enquête interne. Ils passent à l’attaque en 2013 et interpellent un cadre d’Alstom, Frédéric Pierucci, vice-président d’Alstom Chaudière. La rumeur dit même que Patrick Kron est menacé d’un emprisonnement s’il met les pieds aux États-Unis. Pendant que Frédéric Pierucci croupit sous les verrous, Patrick Kron négocie dans le plus grand secret la vente de la branche énergie (Alstom Power) de son entreprise à l’américain General Electric. Malgré la résistance d’Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, au plus haut niveau de l’État, la messe est déjà dite. On a lâché Alstom.
Le 19 décembre, lors de l’Assemblée générale d’Alstom, le dépeçage d’Alstom est acté. Dans les trois co-entreprises Energie créé dans le plan, General Electric est majoritaire. Les Américains y pilotent les deux directions les plus stratégiques: les directions financières et opérationnelles. Les Français sont cantonnés à la technologie. C’en est fini de l’indépendance atomique française chère au Général De Gaulle. La fabrication des turbines, élément indispensable au fonctionnement de nos centrales nucléaires, passe sous pavillon américain.
Quelles sont les réactions des États visés par ce genre de pratiques? Comment a réagi la France, par exemple, à l’affaire Alstom?
Les Européens ne bougent pas. Angela Merkel reconnaît la légitimité des États-Unis à épingler les entreprises étrangères soupçonnées de corruption. En 2015, des députés français enquêtent sur l’extraterritorialité de la législation américaine mais le rapport n’aboutit à aucune décision politique forte. J’ai beaucoup travaillé sur la réponse de la France en particulier et de l’Europe en général, et le bilan c’est qu’il n’y en a pas. Les Européens sont tétanisés par rapport à ce problème-là, et ils ne savent pas quoi faire. Le plus extraordinaire, c’est qu’ils se plaignent même de ne pas avoir été préparés, alors même que l’une des premières manifestations de l’extraterritorialité date de 1982, lorsque le président Reagan a voulu interdire aux filiales des entreprises américaines de participer à la construction d’un gazoduc entre l’URSS et l’Europe. À cette époque, Margaret Thatcher s’était fermement opposée à la position américaine de vouloir imposer des sanctions aux filiales américaines, ce qui avait fait reculer Ronald Reagan.
C’était donc déjà un signe de la volonté des Américains de s’immiscer dans les relations commerciales et l’autonomie économique de l’Europe. En 1996, il y a eu un second signal avec la loi fédérale Helms-Burton, qui renforçait l’embargo contre Cuba, et la loi d’Amato-Kennedy, qui visait à sanctionner les États soutenant le terrorisme international et qui donnait la possibilité à Washington de punir les investissements - américains ou non - dans le secteur énergétique en Iran ou en Libye. Toute cette expérience n’a donc servi à rien, comme l’illustre tout ce qui se passe aujourd’hui avec le cas iranien. On a l’impression que l’Union européenne repart à zéro, qu’elle n’a pas enrichie sa réflexion sur le sujet.
J’explique cela par le fait que tant qu’il n’y aura pas un cadre général de pensée stratégique économique en Europe, à chaque fois les fonctionnaires de Bruxelles se trouveront dépouillés, car ils ne savent pas comment réagir. En effet, le concept de guerre économique est un concept complètement balayé à Bruxelles où l’on n’a jamais accepté de réfléchir sur la question. L’Europe, c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles.
L’Union européenne n’est donc pas en mesure de répondre à ces menaces?
En 1996, il y a eu une occasion formidable de réagir face aux lois Helms-Burton et Amato-Kennedy, lorsque les Européens ont décidé d’établir un règlement pour protéger les entreprises européennes. L’Union européenne avait déposé plainte à l’OMC, mais malheureusement elle l’a retirée. Les Européens ont trouvé un accord avec les Américains, et ce fut là l’erreur stratégique. Cet accord reposait alors essentiellement sur la bonne volonté du président Clinton, et sur celle du Congrès qui, éventuellement, n’appliquerait pas forcément les dispositions des lois qui posaient problème. Selon moi, à l’époque il aurait vraiment fallu traiter le problème à la racine et laisser la plainte déposée à l’OMC aller jusqu’au bout. Cela aurait permis de montrer que les Européens n’accepteraient pas ce type de diktat économique.
On mesure aujourd’hui le prix de cette erreur politique des Européens. Le président Trump n’étant pas tenu par la promesse de ses prédécesseurs a décidé très récemment d’appliquer le titre III de la loi Helms-Burton qui autorise les poursuites des entreprises étrangères devant les tribunaux américains. Faut-il déposer une nouvelle plainte à l’OMC? Aujourd’hui, une telle action semble inenvisageable tant les Européens craignent de donner une occasion à Donald Trump de quitter l’OMC. Bruxelles et Paris sont donc systématiquement sur la défensive, ne trouve pas de solutions, et toutes les entreprises européennes ont aujourd’hui quitté l’Iran et peut-être Cuba dans les prochains mois. Et ce n’est pas la plateforme financière de troc promise par Paris, Londres et Berlin pour assurer des relations commerciales avec Téhéran qui va radicalement modifier le rapport de force avec les Américains. L’ambition européenne se limite aux échanges dans les secteurs de l’alimentation et des médicaments. Ce n’est pas cela qui fera revenir Total, Peugeot ou Renault…De plus, les Américains comptent tout faire pour l’empêcher de fonctionner.
Vous expliquez qu’Airbus sera la prochaine cible de l’extraterritorialité du droit américain...
Depuis le printemps 2016, Airbus Group traverse une zone de turbulence juridique. Thomas Enders, alors PDG de l’avionneur européen (remplacé par Guillaume Fleury) a décidé d’ouvrir le parapluie en se confessant de son propre chef à l’agence britannique de crédit à l’exportation (UK Export Finance, UKEF): son entreprise a oublié de mentionner certains intermédiaires dans plusieurs contrats à l’export. Depuis, les Britanniques et les Français via le Parquet national financier, enquêtent. Thomas Enders pensait couper l’herbe sous le pied des Américains. Mais en décembre dernier, on a appris que Washington avait placé Airbus sous enquête. Il est clair qu’une épée de Damoclès est placée au-dessus de l’avionneur européen. Avec la présence des Américains dans la procédure, la facture risque d’être salée, forcément de plusieurs milliards d’euros.
Les États-Unis sont-ils le seul pays à mettre en œuvre l’extra-territorialité de leur droit? Vous expliquez que c’est beaucoup grâce à leurs services secrets…
Les Américains sont en effet le seul pays à manier leurs lois extraterritoriales de manière aussi intrusive et agressive. Et visiblement cela marche quand vous constatez qu’ils peuvent frapper des entreprises russes et même chinoises (ZTE et Huawai). Les Européens répondent qu’ils possèdent aussi une législation extraterritoriale à travers le Règlement général de protection des données (RGPD) censé contraindre les entreprises du monde entier à protéger nos données personnelles. Mais la loi américaine qu’on appelle le Cloud Act voté en août dernier permet à n’importe quelle autorité de poursuite américaine d’exiger l’accès à nos données quand bien celles-ci sont hébergées en Europe par un Gafa. Les États-Unis sont extrêmement agressifs car, vous avez raison de le noter, ces lois leur permettent de récupérer des millions d’informations économiques qui vont nourrir les bases de données de leurs services de renseignement. Et servir à la protection de leurs intérêts économiques et commerciaux. Il va falloir surveiller la réponse chinoise. Souvent Pékin applique la réciprocité. Il faudra voir comment les Chinois se comportent notamment sur les marchés de la route de la Soie. Ce n’est pas un hasard si les Chinois ont été les premiers à traduire mon livre.
Ces pratiques deviendront-elles systématiques? Ou bien les États-Unis seront-ils contraints de les abandonner?
Elles commencent à poser des problèmes aux Américains. Diplomatiques d’abord. Les relations avec leurs alliés se tendent de plus en plus. Vont-ils finir par se révolter ou accepter un statut plus proche de vassal que d’allié? Vont-ils utiliser les mêmes armes, et dans ce cas, cette affaire pourrait très mal finir... Ou alors se détacher du dollar au profit de l’euro et du yuan? Problèmes sécuritaires ensuite. Les organisations criminelles et terroristes ainsi que les États qualifiés de «voyous» par Washington s’adaptent à la nouvelle situation. Ils trouvent les parades pour parer aux coups de l’Amérique. Le problème, c’est que les lois extraterritoriales américaines sont trop efficaces. Résultat: les entreprises occidentales n’osent plus bouger le moindre petit doigt et désertent certains marchés risqués. Ce qui affaiblit la surveillance américaine, les autorités manquant de sources pour faire remonter les bonnes informations. Du coup, remarquent les spécialistes américains de la sécurité, les outils de surveillance et de contrôle commencent à diminuer. Les entreprises et les acteurs moins dociles, plus opaques, s’en réjouissent.
Ali Laïdi, propos recueillis par Etienne Campion (Figaro Vox, 3 mai 2019)
11:18 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Droit / Constitutions, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ali laïdi, droit, guerre de quatrième dimension, états-unis, europe, affaires européennes, politique internationale, entretien, actualité | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 06 mai 2019
La Russie reprend la main en Ukraine
La Russie reprend la main en Ukraine
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Par ce terme de relations normales, nous entendons celles que par exemple les Etats de l'Union européenne, à qui l'on ne peut reprocher un excès de poutinophilie, entretiennent avec Moscou. Pour rétablir des relations normales avec l'Ukraine, la Russie doit persuader tous ceux qui dans ce pays rêvent encore d'y multiplier des provocations anti-russes, éventuellement militaires, qu'elle ne les laissera plus désormais faire.
Sans menacer Kiev de réactions de l'armée russe dont les conséquences pourraient être nuisibles aux stratégies géopolitiques internationales de la Russie, elle vient d'annoncer une mesure qui rendra pratiquement impossibles les interventions ukrainiennes hostiles dans les républiques auto-proclamées peuplées de russophones de Donetsk et de Lugansk.
Etant donné que l'Ukraine a bloqué ces régions, qu'elle n'a pas fourni de services administratifs à leurs populations, qu'elle n'a pas payé les pensions ou les allocations qui leur sont dues et qu'elle n'a pas permis à ses citoyens qui y vivent de voter aux élections ukrainiennes, la Russie a maintenant autorisé les résidents de ces régions à demander la citoyenneté russe, ouvrant des bureaux régionaux pour étudier et satisfaire le cas échéant celles-ci.
Jusqu'à présent l'armée ukrainienne avait pu bombarder en toute impunité, en y faisant de milliers de victimes, les districts de Donetsk et de Lugansk en prétendant qu'elle y réprimait les rébellions sécessionniste de citoyens ukrainiens. Désormais, elle ne pourra plus le faire car ce seront des citoyens russes qu'elle bombardera. Dans ce cas, Vladimir Poutine serait légitime, conformément au droit international, s'il intervenait militairement.
Alors l'Ukraine, malgré sa relative puissance militaire, subira le même sort que la Géorgie lorsque en 2008 ses militaires ont bombardé l'Ossétie du Sud, un territoire empli de détenteurs de passeports russes. Au cours de cette courte guerre la capacité militaire de la Géorgie a été neutralisée en moins d'une semaine, et le reste du monde en a pris acte.
Moscou pourra prendre bien d'autres mesures pour réduire les capacités économiques et diplomatiques de l'Ukraine, si celle-ci sous la présidence de Volodymir Zelinsky ne revient pas à la raison. Nous en ferons une listé éventuellement. Tout laisse croire que Zelinsky en tiendra compte pour établir les relations normales avec la Russie auxquelles nous faisions allusion. Washington devra s'y résigner.
Lire une excellente analyse de la française Christelle Néant, excellent connaisseuse de la région
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/politologue-toute-la-puissance-de-214739
09:34 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, ukraine, europe, géopolitique, affaires européennes, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 05 mai 2019
La chimère du monde unipolaire
La chimère du monde unipolaire
par V.A. Michurin
Les jugements concernant l’idée selon laquelle nous vivons dans un monde unipolaire peuvent être entendus partout. Les « patriotes » en parlent avec une voix enrouée par la peur et avec un regard de condamnation, les « cosmopolites pro-occidentaux » avec une attitude nettement élogieuse et une tape indulgente sur le bras de l’interlocuteur, les « pragmatiques » lèvent les bras : c’est la réalité, disent-ils. A première vue, de fait, tous les faits confirment cette thèse : après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis sont devenus le leader évident de tout le monde non-communiste, et après le grand effondrement du « système socialiste mondial » et de l’URSS, et aussi l’affaiblissement de l’héritière de la Russie – la Fédération Russe – au rang d’une puissance plus faible, tributaire des pays occidentaux, les Etats-Unis ont presque automatiquement acquis le rôle de leader mondial. Ils ne veulent pas être évincés de ce rôle, et ils le clament de toutes les manières possibles. Le monde unipolaire est-il donc, réellement, la « Fin de l’Histoire » ? Ou peut-il s’agir d’une illusion qui s’est enracinée dans la conscience de masse ? Ou un paradoxe historique a-t-il réellement surgi ?
Essayons de donner la réponse, en partant de la théorie de l’ethnogenèse de L.N. Gumiliev [1]. Cette théorie, avant tout, permet d’échapper à ce que Gumiliev lui-même a appelé « l’aberration de la proximité », lorsque « face à face, la face n’est pas vue ». Chacun peut tenter l’expérience : mettez la paume de la main très près du visage – elle semblera plus grande que l’armoire de l’expérimentateur à cinq mètres de là. Si un homme ne connaît pas le concept de la perspective, il y croira toujours. Dans la vie quotidienne, l’erreur est évidente. Mais lorsqu’il s’agit de comprendre des événements modernes avec une perspective vraiment historique, sans une vision objective prenant en compte la régularité de la montée et de la chute des civilisations et des peuples, nous ne pouvons pas l’éviter.
Le problème est que pour la majorité des gens, les événements et les phénomènes modernes semblent toujours magnifiques et faisant date, alors que les anciens semblent recouverts par la poussière des siècles et ne semblent pas aussi significatifs. Il est difficile d’échapper à cette déformation émotionnelle.
Expliquons notre approche de ce thème avec un exemple concret. Toutes les branches occidentales de l’humanité sont déjà entrées jadis dans un nouveau millénaire, en considérant qu’elles étaient dans un « monde unipolaire ». C’était le début d’une nouvelle ère, quand les concepts d’« empire romain », de « monde civilisé », de « monde entier », étaient considérés comme des synonymes par la conscience collective. Cette vision était basée sur de solides fondations – Rome n’avait pas de rivaux puissants, elle gérait plus ou moins efficacement la « pax romana » qui existait alors. La conscience des premiers chrétiens était légitimement liée à une perception unipolaire du monde. Et après ? La « fin du monde » était aussi prévue, et elle survint à l’époque des « grandes invasions ». Les siècles ont passé, et à la place de la partie occidentale de l’empire romain, qui avait toujours paru éternel, un conglomérat varié d’états « barbares » apparut, dont la population ne se rappelait plus du tout l’ancienne tradition. Et maintenant, au XXe siècle, il y a même des gens qui nient en bloc qu’un empire romain ait jamais existé.
Ce que nous voulons dire est que le premier point de vue (le leadership mondial américain comme signe de la « fin de l’histoire ») ne peut absolument pas être pris au sérieux. Le concept de la « dilution du monde dans le marché intégré » sous l’égide des Etats-Unis est une nouvelle sorte de « communisme », c’est-à-dire une propagande-fantôme exigeant un acte de foi, au lieu d’une attitude consciente. Les faits de la présence d’un marché financier mondial, du dollar comme devise mondiale, et d’Internet, n’abrogent pas les lois de l’ethnogenèse, comme la cruelle réalité le démontre constamment.
Tournons-nous donc vers les faits réels.
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Aux XVIIIe et XIXe siècles, en Amérique du Nord, à partir des descendants de colons venant de régions d’Europe à prédominance protestante – Anglais, Hollandais, Allemands, Français, Scandinaves –, une ethnie complètement nouvelle se développa, mais qui appartenait en même temps indubitablement à la civilisation occidentale. Elle sera correctement nommée WASP (White-Anglo-Saxons-Protestants) ou Yankee, pour empêcher une confusion avec le concept juridique d’Amérique. Pour les contemporains, il devint bientôt évident que les anciens habitués des salons de thé de Boston ou les Minutemen n’étaient pas simplement des insurgés contre les autorités anglaises, mais quelque chose d’essentiellement nouveau.
La nouvelle ethnie se développa à partir des représentants les plus « passionnés » des ethnies protestantes d’Europe [2]. Ces gens ne savaient pas comment utiliser leurs forces dans leur pays natal et avaient en eux suffisamment d’énergie pour traverser l’océan et s’adapter à des conditions inhabituelles et plutôt dures. On pourrait dire que la colonisation de l’Amérique du Nord et l’apparition à cet endroit d’une ethnie nouvelle en expansion vigoureuse fut la dernière manifestation sérieuse de « passionnarité » venant de la super-ethnie occidentale [3]. La « frontière », la conquête de l’Ouest Sauvage [Wild West] (c’est-à-dire un paysage complètement nouveau), représente en elle-même la dernière grande communauté de « passionnés » générée par la civilisation européenne. Après cela, au XXe siècle, l’Occident donna naissance à un grand nombre de personnalités brillantes, mais dans l’ensemble les « passionnés » restèrent des exceptions plutôt que la règle, dans les ethnies occidentales, leur proportion étant insignifiante et décroissante avec le temps.
Les Etats-Unis créèrent un système ethnico-social assez raisonnable, basé sur la non-ingérence dans les coutumes des divers groupes de colons et sur la tolérance ethnique (c’est précisément ce système qui permet jusqu’à ce jour l’existence du conglomérat poly-ethnique nord-américain). En Amérique se précipitèrent aussi les fractions actives d’autres peuples éloignés des protestants mais capables de cohabiter avec eux dans le cadre du système américain : les Irlandais, les Polonais, les Italiens, les Juifs. Un rôle singulier fut joué dans la vie du pays par les Juifs d’Europe de l’Est, dont la « passionnarité » au XIXe siècle et au début du XXe était très élevée.
A la longue, les Etats-Unis devinrent le refuge des aventuriers du monde entier, cherchant un meilleur sort, représentants les ethnies et les civilisations les plus diverses. Certains d’entre eux devinrent de loyaux citoyens des Etats-Unis, trouvant un langage commun avec la majorité ethnique du pays. Certains se rassemblèrent dans des mafias ethniques fermées. Le poids spécifique de la fraction des ethnies plutôt éloignées du stéréotype de comportement européen s’accrut constamment dans la composition des immigrants (le pourcentage des immigrants originaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine dans la composition de ceux qui s’établissent définitivement aux Etats-Unis est passé de 12% en 1951 à 88% en 1990 – I. Tsanenko, Social and Political Consequences of International Population Shift, MeiMO, N° 3, 1999, pp. 59-63). En conséquence, l’Amérique s’est transformée en un conglomérat de peuples, loin d’être toujours proches (complémentaires) les uns des autres –, ce qui génère des conflits ethniques sporadiques, et pas seulement cela. Gumiliev a démontré que la montée des Weltanschauungen [visions-du-monde] négatrices de la vie (anti-systémiques) est liée aux zones de contacts ethniques négatifs. Ces phénomènes, à un degré maximum, sont caractéristiques des Etats-Unis : ainsi l’apparition de sectes totalitaires complètement non-naturelles, la croissance de la violence gratuite, et le niveau croissant de criminalité.
Tous ces facteurs contiennent un énorme potentiel d’instabilité pour la société multiethnique américaine. En partant de l’hypothèse qu’à long terme les Etats-Unis seraient capables de conserver leur rôle dans le monde et un état stable de leur économie, étroitement lié à ce rôle, il est possible de formuler le pronostic suivant : la société américaine restera solide tant que l’ethnie de base (Yankees – protestants) conservera un niveau de « passionnarité » suffisant pour maintenir en ordre l’actuel système social, et tant que les groupes ethniques du pays ne seront pas contraints par une politique d’Etat à un mélange artificiel. Si l’Amérique devenait réellement un melting-pot, au lieu d’une cohabitation des ethnies, cela serait la garantie de sa ruine rapide.
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Les raisons pour lesquelles l’Amérique est devenue au XXe siècle l’incontestable leader de l’Occident sont, pour le chercheur familiarisé avec la théorie de l’ethnogenèse, aussi évidentes que le sont les raisons de la venue de l’été après le printemps pour des climatologues. Les Etats-Unis ont simplement joué le rôle d’une « pompe aspirante » absorbant les gens les plus forts et les plus entreprenants de toute l’Europe, c’est-à-dire concentrant en eux [= aux Etats-Unis] le fond génétique européen de « passionnarité ». Grâce à celui-ci, la récession générale de « passionnarité », inéluctable pour la super-ethnie occidentale, eut lieu aux Etats-Unis beaucoup plus lentement qu’en Europe.
En plus de cela, il est nécessaire de dire que la destinée historique de l’Amérique avec sa situation géographique au XXe siècle étaient simplement extrêmement favorables. Sa situation devint très favorable dès la fin de la Première Guerre mondiale. A cet égard, la promotion des Etats-Unis à un rôle dirigeant commença déjà à rencontrer un obstacle avec la « passionnarité » décroissante de leur population, composée de gens actifs, pragmatiques et respectueux des lois, ne pensant qu’à accroître leur bien-être, au lieu de penser à la mission mondiale de leur pays – c’est-à-dire des gens représentant la phase inertielle de l’ethnogenèse. Ces gens trouvaient naturelle et évidente l’idéologie de l’isolationnisme, qui peut être exprimée par ces mots : « Pourquoi nous charger d’un autre problème ? ».
Bien que cela puisse sembler paradoxal, il est cependant possible de dire que ceux qui ouvrirent la voie au leadership mondial américain furent les Japonais, provoquant la guerre du Pacifique en attaquant Pearl Harbour en 1941. Le puissant lobby isolationniste, qui ne laissait pas l’Amérique entrer dans la guerre, fut obligé de céder. Les événements ultérieurs se développèrent selon une logique implacable. Le Japon n’avait aucune chance de gagner contre les Etats-Unis (à cause de l’énorme disparité entre les potentiels d’économie de guerre) et était entré en guerre seulement à cause d’un surplus de « passionnarité » de type oblatif, qui avait surgi massivement en résultat de la poussée de « passionnarité » qui transforma le Japon après la révolution de Meiji. Tous les jeunes officiers japonais souhaitaient périr pour l’Empereur, et le gouvernement du pays ne pouvait rien faire contre cela (il est intéressant de noter que, une fois débarrassé du surplus de « passionnarité » qui était un obstacle à la vie, le Japon réalisa d’importants succès économiques dans les années d’après-guerre. La guerre joua pour le Japon un rôle similaire à celui d’une saignée pour les hypertendus). Etant entrés en guerre, les Etats-Unis la menèrent selon leurs inclinations, représentations et possibilités, c’est-à-dire en créant – grâce à l’invulnérabilité de leur territoire face à l’ennemi – un complexe militaro-industriel d’une dimension absolument sans précédent, permettant à l’armée de conduire la guerre en usant d’une supériorité technique quantitative (et souvent aussi qualitative) écrasante.
On pense généralement que si l’Amérique n’était pas entrée en guerre, les pragmatiques Américains auraient difficilement commencé à investir dans la création d’un aussi vaste complexe militaro-industriel. Mais dès que cette branche hypertrophiée eut été créée, elle se transforma dans les années d’après-guerre en une force autonome poussant les Etats-Unis à adopter un style de comportement plus actif, plus « puissant », sur la scène mondiale.
Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis eurent à nouveau de la chance : ils trouvèrent un ennemi idéal – le communisme, qui leur permit de rassembler tout le monde non-communiste sous leur égide, et qui n’avait aucune chance de remporter une victoire définitive (pour beaucoup d’Américains, et aussi pour Staline, il était évident que même les espoirs les plus illusoires de « victoire mondiale du communisme » étaient morts le matin du 22 juin 1941).
Les Etats-Unis tirèrent avantage de tous les avantages de leur situation. Ils se subordonnèrent les restes de « passionnarité » de l’Europe Occidentale, épuisée par la guerre et égarée, et s’attachèrent le Japon, ils introduisirent le dollar comme équivalent monétaire mondial, remplaçant dans les faits l’or lui-même. Les succès américains se déroulaient parallèlement à un déclin constant de la « passionnarité » de la population du pays. Après avoir vaincu le Japon, trente ans plus tard les Américains perdirent au Vietnam, bien qu’ils aient utilisé la même stratégie d’usage massif d’une puissance militaro-technique écrasante. Les recrues étaient simplement d’une autre génération.
Ensuite, les Américains et leurs alliés poussèrent habilement l’URSS à sa dissolution, en stimulant le processus objectivement rapide de désintégration de son élite politique. Après août 1991, la « force des choses » elle-même, ainsi que la politique rigoureuse de leur gouvernement, avaient porté les Etats-Unis à une position dirigeante dans le monde.
Et maintenant ?
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Maintenant, nous voyons un paradoxe historique, où le leader mondial est un pays avec une population apathique, bien que travaillant dur, généralement pas intéressée par la politique étrangère (chacun sait que dans les campagnes électorales des candidats à la présidence US, les questions de politique intérieure sont absolument prédominantes, et selon les sondages
13% seulement des Américains sont favorables à ce que les Etats-Unis deviennent l’unique leader mondial pour la solution des problèmes internationaux – Z. Brzezinski, The Grand Chessboard, Moscou 1998, p. 249). La puissance militaro-technique des Etats-Unis est incontestable, mais il existe un certain nombre de limitations externes et internes, qui ne permettent pas à cette puissance de devenir une arme absolue capable de mettre le monde entier à genoux.
Remarquons qu’après le Vietnam, la force militaire a été utilisée par les Américains seulement dans des cas où des pertes humaines significatives dans leur camp étaient exclues (Irak, Serbie). En cela, les Etats-Unis ressemblent à un homme qui de temps en temps frappe son chien juste pour lui montrer « qui est le maître dans la maison ». Face à des centres de force, ou « pôles », sérieux (Chine, Inde, Iran, et récemment même la Russie), les Etats-Unis se comportent plus poliment, visant moins à imposer qu’à manœuvrer. Les Etats-Unis ont donc tendance à beaucoup insister sur leur « leadership mondial » dans un but de propagande, et en retirent un bénéfice très concret.
Economiquement aussi les Etats-Unis sont très forts, pas tellement en tant qu’hégémonie et dictateur mondial, mais en tant que l’un des secteurs importants de l’économie mondiale, représentant un système uniforme se développant selon ses propres lois. En même temps, il est déjà impossible de dire que leur rôle soit beaucoup plus important que celui de la « Grande Chine » ou celui de l’Europe unie (la part des Etats-Unis dans le PNB mondial a diminué – en 1950 elle constituait environ 30% et elle atteint aujourd’hui à peine plus de 20% – MEiMO, n.s. 10, 1999, p. 27 – et leur part dans les exportations mondiales a chuté encore plus fortement, de 60% en 1950 à 12-13% aujourd’hui).
Le monde unipolaire est une chimère. La réalité est une chose différente. Une élite essentiellement cosmopolite, basée sur la « continuation transocéanique de l’Europe » faible en « passionnarité » mais pragmatique – les Etats-Unis –, exploitant correctement une situation historique mondiale unique qui prit forme grâce au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, a maintenant gagné plus de poids dans le monde que toute autre élite. Elle a ainsi habilement joué sur les contradictions existantes dans le monde moderne (en fait, multipolaire), construit par un processus en fait contemporain. Le mythe de la puissance éternelle et indestructible de l’Amérique est donc une efficace arme de propagande et d’intimidation.
Les perspectives d’existence des Etats-Unis dans le présent et difficile monde « pseudo-unipolaire » dépendent de savoir si l’élite politique américaine peut rester en équilibre sur la corde, en empêchant les processus de croissance de « passionnarité » dans diverses régions du monde (avant tout, en Eurasie) de passer cette limite critique où le contrôle US sur les endroits stratégiques importants et les sources de matières premières serait perdu, ce qui en retour pourrait saper la position militaire et économique mondiale américaine. Si cette limite était franchie, la destinée future des Etats-Unis serait pitoyable : ils deviendraient un Etat lointain et pas particulièrement intéressant, dont l’élite politique resterait face à une population ethniquement variée, ayant perdu le très haut niveau de vie qui ne servirait plus de stimulant pour rester dans le cadre du système social existant de nos jours.
En dépit des incontestables avantages de l’actuelle situation des Etats-Unis dans le monde, la tendance basique mondiale à long terme (et peut-être pas à si long terme) leur est défavorable : la « passionnarité » de la civilisation européenne vieillissante et de sa partie transocéanique va en diminuant, alors qu’elle augmente dans de nombreuses nations du monde – certaines d'entre elles étant loin d’être prêtes à se résigner à l’actuel rôle mondial des Etats-Unis. Tout cela justifie parfaitement le sentiment d’« alerte historique, et probablement même de pessimisme » qui, comme l’écrit Brzezinski dans le livre susmentionné (p. 251), « commence à être perçu dans les milieux les plus conscients de la société occidentale ».
Originellement publié dans « Deti feldmarshala », n° 6, 2000.
Republié avec des modifications mineures sur : http://kulichki.rambler.ru/~gumilev/MVA/mva03.htm
Notes de la rédaction (M.C.)
[1] Lev Nikolaiévitch Gumiliev (1912-1992), historien, orientaliste, ethnologue et archéologue russe. Selon la théorie de l’ethnogenèse de Gumiliev, une ethnie (« un phénomène à la frontière de la biosphère et de la sociosphère ») n’est pas un « état » mais un « processus », caractérisé par sa propre structure particulière, son propre stéréotype comportemental et ses propres phases de développement (la période créative, la période de réalisme ou période inertielle, la période de déclin). [Il est intéressant de comparer les idées de Gumiliev à celles d’Oswald Spengler et d’Arnold Toynbee, NDT].
Une courte biographie et une version abrégée de son livre Ethnogenesis and the Biosphere peuvent être trouvées en langue anglaise sur le site d’Artiom : http://artiom.home.mindspring.com/gumilev/
[et aussi sur www.cossackweb.com/gumilev/contents.htm]
[2] Le mot russe « passionarnost » (« drive » étant son équivalent anglais) a été introduit par Gumiliev pour identifier le « facteur X » de l’ethnogenèse, l’impulsion anti-entropique dont le jaillissement est typique de la période créative d’une ethnie. Le processus de l’ethnogenèse, dans son ensemble, peut être décrit comme une perte plus ou moins intensive de la « passionnarité » du système.
[3] La super-ethnie est un groupe d’ethnies qui sont apparues en même temps dans une certaine région et qui se manifeste dans l’histoire en tant qu’unité d’une mosaïque d’ethnies.
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DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure
DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure
Par Natalia Makeeva
La reconnaissance par le président américain Donald Trump de la souveraineté israélienne sur les Hauteurs du Golan continue à être discutée par des politiciens et des figures publiques autour du monde. Le décret correspondant a été signé par le dirigeant américain le jour d’avant, le 25 mars 2019. La Syrie a déjà déclaré que par cette mesure Trump a piétiné la loi internationale.
L’Agence d’Information Fédérale (FAN) rappelle que depuis de nombreux siècles, tout ce qui arrive en Israël, en Syrie et dans cette région est souvent interprété par une partie de la tradition intellectuelle à travers des interprétations chrétiennes, juives et islamiques comme associé à la Fin du Monde. FAN a discuté de cela avec le leader du « Mouvement Eurasien » international, le philosophe et politologue Alexandre Douguine.
Au début de la conversation, le philosophe a expliqué l’essence de l’Etat d’Israël du point de vue de la tradition religieuse juive.
« L’actuel Etat d’Israël est un simulacre. C’est une proclamation antisémite et antijuive dans tous les sens de ces concepts », assure Douguine. « Si vous le regardez depuis le judaïsme, c’est une parodie. En tant que partie du modèle eschatologique juif [décrivant la fin du monde], sa mission est une pure imposture. Le fait est que dans le judaïsme, dans l’histoire juive, le retour des Juifs dans la Terre Promise doit survenir au moment de l’arrivée du Moshiach [= le Messie]. Tant que le Messie ne vient pas, ils n’ont pas le droit religieux de revenir ici. L’Etat d’Israël est un obstacle pour le Messie. [Il faut choisir :] Le Moshiach ou Israël. »
Par conséquent, d’après Douguine, pour que le Moshiach puisse venir, Israël doit cesser d’exister, parce que c’est un simulacre, une tentative de remplacer le divin, du point de vue du judaïsme, par la volonté humaine.
Douguine explique que la reconnaissance des Hauteurs du Golan par Trump amène la Fin du Monde.
Quant à Trump, d’après l’interlocuteur de FAN, il est loin des sujets religieux.
« Trump, bien sûr, est un réaliste et un politicien complètement séculier. Il cherche des alliés parmi les mouvements conservateurs de droite, sans prêter attention à la religion à laquelle ils appartiennent », explique Douguine. « Il a misé sur quelques politiciens, en particulier sur Netanyahu. En même temps, Trump est absolument indifférent aux questions eschatologiques et elles n’ont pas de sens pour lui. Il soutient des politiciens simplement en raison des nécessités politiques ».
Quant au Golan, l’idée de reconnaître les droits d’Israël sur les Hauteurs du Golan de la Syrie, qui sont occupées par cet Etat [Israël], est une mesure purement politique.
« De mon point de vue, cela rend finalement plus proche l’effondrement de l’Etat d’Israël », dit Alexandre Douguine. « L’Amérique, représentée par Trump, peut temporairement soutenir Netanyahu, mais plus Israël agit agressivement et audacieusement, plus l’hostilité envers lui grandit, non seulement de la part de la population arabe mais aussi de la part d’autres pays ».
Par conséquent, conclut l’interlocuteur de FAN, le seul résultat de cette reconnaissance sera l’approche de la fin de l’Etat d’Israël.
« Et c’est la signification eschatologique », Douguine en est convaincu. « Lorsqu’il s’effondrera, les Juifs se retrouveront face à une nouvelle expulsion, recherchant un nouveau foyer, et alors, du point de vue des Juifs traditionnels, l’obstacle à la réalisation de leur scénario eschatologique sera éliminé. C’est dans ce sens et seulement dans ce sens que j’interprète la décision de Trump, qui est simplement un instrument du destin. Plus tôt l’Etat d’Israël s’effondrera et disparaîtra de la face de la terre, plus tôt dans la perspective juive – c’est-à-dire de leur point de vue, le Moshiach viendra et plus tôt le [véritable] Etat apparaîtra, de leur point de vue. »
« D’un point de vue chrétien, tout sera différent », remarque-t-il.
En même temps, d’après Douguine, les cercles fondamentalistes protestants n’ont pas beaucoup d’influence sur Trump, il est bien plus probablement un homme séculier – un playboy, un réaliste politique.
« D’une manière générale il est de droite, conservateur, et il traite bien les religions. Mais il ne comprend pas la théologie protestante – il a un profil complètement différent, un style différent. Il ne s’y intéresse pas, cela ne compte pas. Et il voit tout à travers des catégories politiques réelles. Et les lignes plus profondes du destin et de l’humanité motivent les actions des pays ou de leurs dirigeants contre leur volonté, sans qu’ils s’en rendent compte, qu’ils comprennent ce qu’ils font ou qu’ils ne le comprennent pas », conclut le philosophe.
Rappelons que les Hauteurs du Golan sont un territoire disputé entre Israël et la Syrie, dont ils firent partie entre 1944 et 1967. En résultat de la dénommée Guerre des Six Jours en juin 1967, le territoire fut envahi par Israël. En 1981, la Knesset israélienne proclama sa souveraineté sur le Golan, mais cette décision ne fut pas reconnue par le Conseil de Sécurité de l’ONU. En 2018, les hauteurs furent complètement capturées par des militants islamistes. Durant l’été 2018, l’Armée Arabe Syrienne parvint à les chasser de la région.
Les Hauteurs du Golan sont un territoire important pour au moins deux raisons : l’accès aux réserves d’eau dépend du contrôle de ces hauteurs, et elles sont aussi d’une importance stratégique d’un point de vue militaire.
[Dans un article il y a quelques années, le philosophe russe disait déjà : « Le problème d’Israël n’est pas géopolitique ou économique. Il est théologique. Leur Messie ne vient pas. Les calculs juifs disent unanimement : il est grand temps, il devrait sûrement se hâter. Si les USA tombent, il y aura presque immédiatement un pays de moins au Moyen-Orient. Devinez lequel ? Donc il doit vraiment venir, parce que toutes les actions politiques et militaires des Juifs dans la seconde moitié du XXe siècle furent orientées vers sa venue. S’il attend encore, ils sont perdus. Il ne viendra pas, ni maintenant, ni plus tard. C’est vraiment une mauvaise nouvelle. Une mauvaise nouvelle pour les bon Juifs. Ils pourraient promouvoir un simulacre du genre Sabbataï Zeevi. Un Messie virtuel. Ils le peuvent peut-être. Et ils le feront peut-être. Ce sera encore pire pour eux. Internet ne peut pas les sauver. Ni le veau d’or, ni un gros mensonge. » (Alexandre Douguine, « The end of Present World. Post-American future », conférence de Londres, octobre 2013). – NDT.]
19:09 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, actualité, nouvelle droite russe, golan, syrie, israël, judaica, levant, proche-orient, géopolitique, politique internationale, donald trump, états-unis | | del.icio.us | | Digg | Facebook